Engager les bibliothèques dans la transition écologique
Engager les bibliothèques dans la transition écologique
Presses de l’Enssib, 2023
Collection « La Boîte à outils », n° 52
ISBN 978-2-37546-183-9
Le sujet de la transition écologique est un thème actuel et sensible. Un nombre foisonnant de publications (dans la presse et les revues ; dans l’édition ou sur Internet) montre qu’il s’agit d'une réelle préoccupation à l’heure d’aujourd’hui, et ce, dans presque tous les domaines. Concernant les métiers ou les institutions, il apparaît évident que la prise en compte d’un tel sujet par les bibliothécaires et les bibliothèques est primordiale. C’est Reine Bürki qui va nous conduire à comprendre ce que cela recouvre : pour cela, elle coordonne une quinzaine d’auteur·es dans la collection La Boîte à outils des Presses de l’Enssib (École nationale supérieure des sciences de l'information et des bibliothèques), la plupart relevant des métiers de la documentation et des bibliothèques, certains de la traduction ou de l’enseignement, des chercheur·es, des acteur·ices de la formation et du champ associatif. Reine Bürki est elle-même conservatrice des bibliothèques, responsable du développement des projets et des partenariats à l’Enssib.
Avec ce volume 52, nous retrouvons ici la structure particulière de la collection La Boîte à outils (BAO) qui fait son succès et son intérêt : des contributeur·ices d’horizons variés, une organisation pratique de l’ouvrage, un souhait de transversalité qui permet de passer d’un thème à l’autre, une coordination généralement efficace et explicative avec un mode d’emploi au début, un mémento et un glossaire à la fin. Pour avoir déjà dirigé deux ouvrages dans cette collection (le volume 21 sur la communication, Communiquer ! Les bibliothécaires, les décideurs et les journalistes, et le 44 sur la marque, Personnaliser la bibliothèque. Construire une stratégie de marque et augmenter sa réputation), cette structure m’est devenue familière.
La première partie de l’ouvrage « Fonctionner durable » rassemble six contributions, notamment celle de Joachim Schöpfel (université de Lille) qui, d’entrée de jeu, fait le point sur les rapports, textes et engagements internationaux des bibliothèques en matière de durabilité : le rôle de la Fédération internationale des associations et institutions de bibliothèques (FIAB, IFLA) est mis en avant, avec son prix annuel, « The Green Library Award ». Fanny Valembois (The Shift Project, Paris) se penche ensuite sur les impacts énergétiques et climatiques des bibliothèques : bilan carbone, émission de gaz à effet de serre, autodiagnostic sont autant de notions à prendre en compte pour les bibliothèques qui doivent gérer des bâtiments et des sources d’énergie. Lionel Dujol (Lecture publique, Valence Romans Agglo) insiste sur la question « d’un numérique responsable et durable » : le numérique a une face cachée (mais de moins en moins) avec un cycle de vie des appareils numériques, et des usages spécifiques. Les bibliothèques sont bien évidemment concernées et l’auteur propose des bonnes pratiques à mettre en œuvre, des « écogestes » que les lecteurs pourront découvrir avec bonheur. Florence Rodriguez (Bibliothèque publique d’information, Paris) défend, quant à elle, l’idée de collections plus durables autour de la conservation préventive et de l’économie circulaire, avec des pratiques actuelles à renouveler. Élisabeth Arquier (Médiathèque de Venelles) nous incite à « programmer un lieu culturel responsable », avec l’intégration de la notion de durabilité dans le projet d’établissement, la mise en place d’aménagements et de services durables. Toutes ces dispositions et recommandations ne sauraient fonctionner efficacement sans une réglementation et des dispositifs : Johanna Ouazzani (ministère de la Culture) s’engage dans cette voie en envisageant le cadre normatif nécessaire par rapport aux bâtiments, aux projets de rénovation et aux aides de l’État. La transition numérique des bibliothèques est prise en compte.
La deuxième partie, au titre très « management » (« Manager environnemental »), comporte cinq contributions dont la première est rédigée par Sophie Bobet (Médiathèque La Canopée la fontaine, Paris) qui est une incitation à « s’engager dans un management environnemental » : le « système de management environnemental (SME) » est défini, s’appuyant sur la co-construction, l’intelligence collective et la créativité. Raphaëlle Bats (Urfist de Bordeaux) axe son intervention sur la question de la sensibilisation des équipes et propose, à cet effet, un cycle de formation. Pour Natalia Leclerc (SCD, Université Lyon 1), il est nécessaire de déployer une stratégie Développement durable et responsabilité sociale (DD&RS) en bibliothèque universitaire (BU) : cette stratégie DD&RS consiste en un travail en mode projet impliquant direction et équipes, elle est devenue un label. Bruno Fouillet (Lecture publique, Annecy) complète les réflexions précédentes avec l’accompagnement nécessaire des bibliothécaires dans cet ensemble de démarches, en partie entreprises par la ville d’Annecy : elles ne peuvent être mises à part d’une politique de transition dans une collectivité. Dans un entretien mené par Reine Bürki avec Marion Cazy (Agence Normandie Livre & Lecture), est développée l’idée de la « Charte pour l’écologie du livre » lancée dans cette région en juin 2022. Même si c’est encore récent, plusieurs initiatives locales s’inscrivent dans l’économie sociale et solidaire (ESS) que promeut cette charte, dans les villes d’Argentan et de Rouen notamment.
La troisième partie « Agir responsable » nous permet de retrouver Sophie Bobet qui insiste dans cette deuxième contribution sur l’importance de la sensibilisation des publics aux enjeux climatiques. Un encadré, en fin de chapitre, intitulé « La bibliothèque, refuge climatique » montre bien que ce lieu, parfois ignoré ou méconnu par rapport à l’optique de la transition écologique, joue un rôle dans la cité en matière d’îlot de fraîcheur en été, de lieu chauffé en hiver, de refuge en cas d’inondation, de prévention des risques en général. Nathalie Clot (Bibliothèque et Archives, université d’Angers) pose ensuite la question « Peut-on être inclusif ? Développer la capacité d’agir de la bibliothèque » : elle indique qu’« il faut pouvoir accueillir les gens comme ils viennent » à la bibliothèque, et de citer deux exemples de prises en charge sanitaires et psychologiques à la BU d’Angers. Nous sommes donc là dans la question de l’accueil des personnes au sens large et toute la démarche de l’auteure, dans sa contribution, va consister dans la description des ressources nécessaires à l’accueil en bibliothèque de personnes ayant des problèmes psychiques, et répondre à la question du point d’équilibre entre une réponse générale et une réponse particulière. Vanessa Minarro (Maison de l’environnement de Lyon) et Claire Papillon (Lycée français international de Panama), quant à elles, présentent le développement des centres de ressources des maisons de l’environnement. Ce sont des lieux ressources en termes de transition écologique qui travaillent avec les bibliothèques municipales et universitaires, car elles possèdent des ressources spécialisées et l’action culturelle est un complément essentiel aux collections proposées. Raphaëlle Bats, dans une deuxième contribution, aborde la question suivante : « Vers l’écologie documentaire. Focus sur le projet de recherche ECODOC ». Il s’agit de questionner d’un point de vue technique la mise en relation des savoirs, d’un point de vue éthique la reconnaissance des savoirs et avoir un questionnement politique sur les bibliothèques. Un entretien entre Marin Schaffner (Association pour l’écologie du livre) et Reine Bürki vient clore avec intelligence et réflexion cette partie (voire le livre lui-même) autour de l’écologie du livre : « le livre est pensé comme écosystème qui doit s’adapter à des crises complexes : économique, sociale, culturelle, politique, climatique », ce qui bien sûr entraîne des évolutions des pratiques et des métiers.
Les trois parties ainsi développées, viennent ensuite : le mémento par Reine Bürki qui propose des étapes complémentaires (arpenter ; formaliser ; s’adapter ; sensibiliser ; agir ; rayonner) ; une liste de sigles et acronymes ; un glossaire (d’anthropocène à vulnérabilité en passant par biodiversité ou littératie écologique) ; une bibliographie et des ressources utiles.
Cet ouvrage est pour le moins complet, détaillé, prenant en compte les nombreux prismes de la problématique. Outils et solutions sont proposés dans de nombreuses situations, ce qui devrait combler les interrogations des professionnel·les. Si certains textes peuvent paraître moins abordables que d’autres (par leur technicité), l’ensemble des contributions constitue un réel apport à la littérature professionnelle dans le contexte actuel.