Répondre aux besoins d’un département aux multiples facettes géographiques : le défi de la Biblio64.
En répondant à la thématique « spécificités géographiques et bibliothèques », nous pourrions vite nous évader et nous attarder sur tous les paysages que proposent les Pyrénées-Atlantiques. Dans un département aux reliefs très contrastés (côte, piémont, montagne), les bibliothèques doivent adapter leurs services et concevoir des espaces répondant à des contraintes spécifiques.
La géographie du département entraîne des défis différents selon les zones du territoire : zone urbaine, littoral, vallée montagnarde ou zone de piémont. Elles nécessitent à la fois des adaptations et des innovations au sein des bibliothèques.
Le sujet de ce dossier a immédiatement fait écho aux réflexions qui ont germé en 2022 à la bibliothèque départementale au début de la rédaction du nouveau Schéma départemental de lecture publique. En effet, après avoir pris la décision de nous inspirer des travaux du département de la Manche, nous avons constitué trois groupes de travail, en interne, sur les questions suivantes : « cohabiter », « accompagner et former » et « coopérer ».
Un département aux multiples visages
Pour comprendre l’identité géographique des Pyrénées-Atlantiques, il faut en repérer les éléments clés. Ce département s’étend sur 7 645 km² et se compose de trois grands ensembles : la côte basque et landaise, le piémont béarnais et la chaîne pyrénéenne.
Le littoral atlantique, long d’une cinquantaine de kilomètres, est une zone très urbanisée et touristique, marquée par un climat océanique et une forte attractivité économique. Le piémont béarnais forme une transition entre la côte et la montagne : collines, vallées agricoles et petites villes. Orthez ou Oloron-Sainte-Marie sont caractéristiques de ces communes entre 10 000 et 11 000 habitants. Enfin, la montagne pyrénéenne, avec ses sommets connus tels que le pic du Midi d’Ossau, impose des contraintes naturelles fortes : hivers rigoureux, enneigement, accessibilité limitée et villages dispersés
La répartition inégale de la population reflète aussi ces contrastes : les zones urbaines et le littoral concentrent l’essentiel des habitants, tandis que les vallées et communes rurales affichent une faible densité. Les conditions climatiques varient également : climat océanique sur la côte, tempéré dans le piémont, montagnard dans les Pyrénées, avec des écarts marqués de températures et de précipitations.
Ces spécificités influencent directement l’aménagement du territoire, la mobilité et l’accès aux services publics. Les politiques de mobilité doivent composer avec des infrastructures de transport très différentes : réseaux routiers et ferroviaires denses sur la côte, mais plus limités en montagne et en zones rurales.
Accéder facilement à une bibliothèque : un droit pour chacun
Notre axe de travail « coopérer » nous a permis de réfléchir à l’accessibilité à partir de toutes les interactions mobilisées en lecture publique.
C’est ainsi que nous avons abordé les interactions entre bibliothèques, entre usagers et bibliothèques, entre partenaires et bibliothèques, entre services d’une même collectivité. Une priorité a été rapidement actée : chaque habitant du département doit pouvoir accéder aux bibliothèques (et à leurs contenus) quel que soit son lieu d’habitation.
Nous avons estimé que la durée maximale de trajet entre une bibliothèque et le domicile de chaque habitant devait être de 20 minutes en voiture. Toutefois, cette ambition s’est rapidement heurtée à plusieurs obstacles, dont deux majeurs :
- Des contraintes économiques : les collectivités concernées par la création ou le développement de ces lieux de lecture disposent de ressources financières très limitées, malgré l’existence de certaines aides.
- Des contraintes géographiques, et techniques : certaines zones du département ne peuvent accueillir de nouvelles constructions en raison d’une accessibilité routière insuffisante, de risques d’inondations, ou d’autres caractéristiques du territoire.
Le développement des ressources numériques : une réponse aux enjeux d’accessibilité
Une autre manière de répondre à l’enjeu d’accessibilité consiste à développer une offre numérique qui permette aux bibliothèques du département de jouer pleinement leur rôle en matière d’inclusion sociale. Aussi, dès 2017, la Biblio64 [Bibliothèque départementale des Pyrénées-Atlantiques] a développé une offre de livres numériques. Cette offre s’est enrichie au fil des années pour aboutir en 2024 à un catalogue de milliers de titres accessibles en ligne. Elle s’est également diversifiée avec des ressources complémentaires telles que des modules d’autoformation et l’accès à la Philharmonie de Paris à la demande.
L’importance de développer cette offre numérique a été confortée par une étude menée en 2022 par Biblio64 et le cabinet Le Troisième Pôle : près de 100 % des 162 répondants à l’enquête en ligne réalisée dans ce cadre soulignent le caractère essentiel de l’accès aux ressources numériques, notamment du fait de l’inexistence d’une bibliothèque sur leur territoire ou d’horaires d’ouverture non adaptés.
La Biblio64 a donc affirmé sa volonté de faire des ressources numériques un levier d’accessibilité culturelle. C’est un rôle central pour une bibliothèque départementale en tant que service public de proposer une offre adaptée aux usages et aux besoins des habitants, quel que soit leur lieu de résidence.
Impacts géographiques sur les bibliothèques : défis et réalités
L’offre numérique ne répond qu’en partie à la question de l’accessibilité physique. Les enjeux spécifiques du territoire des Pyrénées-Atlantiques doivent amener d’autres réponses. Et nous mesurons pleinement le rôle stratégique que peut jouer une bibliothèque départementale dans le soutien aux initiatives locales dans des territoires qui ne perçoivent pas forcément la plus-value que peut avoir l’implantation d’une bibliothèque. C’est ainsi que depuis de nombreuses années, et spécifiquement depuis quatre ans, entre le dépôt des projets et leur concrétisation, plus d’une douzaine de bibliothèques ont vu le jour, certaines avant l’adoption du schéma départemental de lecture publique, d’autres dans sa continuité.
Cette volonté de développer et/ou de créer des bibliothèques a été encouragée par notre collectivité. En effet, le dispositif d’aide aux communes permet un soutien financier pour les travaux de rénovation, réhabilitation et extension de services à la population dont les bibliothèques font partie. Les thématiques travaillées depuis quelques années s’inscrivent pleinement dans les nouvelles dynamiques des bibliothèques : développement durable, projets structurants et durables des territoires (le développement de services à la population tout en concourant à l’amélioration du cadre de vie des habitants et à la sobriété énergétique), attractivité touristique, etc. À cela s’ajoute l’accompagnement auprès des élus qui est un axe fort du nouveau Schéma départemental de lecture publique. Des formations dédiées ont notamment été programmées afin de les sensibiliser à l’importance de la bibliothèque en tant que service public de proximité. Par ailleurs, une aide financière au recrutement est proposée, visant à renforcer les équipes dans les zones où l’activité repose principalement sur l’engagement bénévole.
Tous ces dispositifs ont sans doute contribué à encourager les élus à s’engager dans la création ou la rénovation de bibliothèques. Ils ont permis l’émergence de nouvelles dynamiques territoriales, afin de mieux répondre aux défis contemporains, visant en particulier à réduire les inégalités d’accès à la culture dans les Pyrénées-Atlantiques.
Des disparités qui peinent à être résorbées
Néanmoins, des disparités subsistent dans la répartition des bibliothèques sur le territoire des Pyrénées-Atlantiques. En effet, lorsque nous avons travaillé sur la distance maximale entre le domicile et la bibliothèque, nous avons mis en évidence l’existence de zones en déficit d’équipements, notamment d’équipements structurants, ou zones blanches.
Une image contenant texte, carte, atlas, diagramme Le contenu généré par l’IA peut être incorrect.Figure 1. Les bibliothèques des Pyrénées-Atlantiques. Carte des zones « blanches » ou en déficit d’équipements, notamment structurants
Une étude importante pour mieux comprendre les disparités territoriales
Déjà, en 2011, un cabinet d’études mettait en évidence les points forts et d’améliorations du premier schéma (2003). Puis, en 2013, un diagnostic territorial est établi qui évalue les besoins et attentes des acteurs des réseaux de lecture publique, et le Département adopte son deuxième schéma. L’année suivante, en 2014, l’Inspection générale des bibliothèques présente une cartographie des zones dites « blanches » des Pyrénées-Atlantiques 1
Biblio 64, Contrat départemental de lecture : https://www.biblio64.fr/je-suis-elu-e/accompagnement/cdli
L’enjeu majeur du nouveau schéma, voté en 2023, était bien de répondre finement aux besoins des territoires tout en insistant sur l’accueil inconditionnel de tous les publics au sein des bibliothèques. Si cette orientation a toujours été présente dans les précédents schémas, elle devait se déployer dans un contexte renouvelé et mouvant : succession de crises – sanitaires, environnementales, sociales et économiques –, importance des usages numériques, attention portée par les pouvoirs publics sur le handicap visible et invisible et maillage différent des territoires des bibliothèques.
De la part de Troisième Pôle, nous attendions plus qu’un nouveau diagnostic territorial. Il s’agissait plutôt de mieux comprendre la représentation que se font les élus, l’ensemble des professionnels de la lecture publique et des secteurs du social et du culturel, de la lecture publique et de ses missions.
La phase préliminaire de l’étude de Troisième Pôle montre des écarts très importants entre les EPCI (établissements publics de coopération intercommunale) en termes d’équipements de lecture publique. Par exemple, certaines zones comme le Nord‑Est Béarn, le Béarn des Gaves et le Pays de Nay sont sous‑dotées 2
.Ainsi, si nous devions présenter certaines caractéristiques géographiques relevées par l’étude, le Pays de Nay, situé au sud-est du Béarn, entre Pau et les premiers reliefs pyrénéens, offre un paysage plutôt mixte avec des terres agricoles et du périurbain. Sa densité est moyenne avec 89 habitants/km2 et deux zones plus denses que les autres : Nay et Coarraze. Sa proximité avec Pau peut être une fragilité pour implanter de nouveaux équipements culturels.
Le Nord-Est Béarn, situé au nord-est du département des Pyrénées-Atlantiques, entre Pau et la limite avec le Gers, offre un paysage de coteaux et vallons agricoles et une présence de vignobles. Sa densité est faible avec une moyenne de 60 hab./km² et une population vieillissante (près de 30 % ont plus de 60 ans).
Enfin, le Béarn des Gaves, situé au nord-ouest du Béarn, à la frontière du Pays basque et des Landes, offre un paysage de vallées traversées par deux gaves (Oloron et Pau) et quelques bastides médiévales. Sa densité est très faible avec une moyenne de 39 hab./km² et aussi une population vieillissante (près de 40 % ont plus de 60 ans). Et contrairement aux deux autres territoires décrits, le Béarn des Gaves est un territoire éloigné des grands pôles urbains.
Néanmoins, depuis la réalisation de l’étude de Troisième Pôle, le Pays de Nay a inauguré en décembre 2024 un centre culturel à Nay 3
« Plongez au cœur du futur Espace Culturel du Pays de Nay ! », YouTube, 26 septembre 2023 : https://www.youtube.com/watch?v=p6HWLO_fWfU
Une image contenant bâtiment, maison, conception Le contenu généré par l’IA peut être incorrect.Figure 2. Espace culturel du Pays de Nay
Photos : Arthur Péquin – Projets – Atelier King Kong
Un projet d’envergure et structurant né après plusieurs années de réflexion. Cet espace culturel est implanté sur l’ancien site de la gendarmerie dans le périmètre de l’opération de rénovation urbaine et devient ainsi la tête d’un réseau de lecture publique de 8 bibliothèques dans lequel s’investissent 3 salariés et plus de 50 bénévoles.
Une image contenant texte, carte, atlas Le contenu généré par l’IA peut être incorrect.Figure 3. Les bibliothèques des Pyrénées-Atlantiques. Répartition des réseaux et des principales bibliothèques
Photo : Insee, Agence d'urbanisme Atlantique et Pyrénées 2020 (données 2017)
Lors de l’étude, la surface totale des équipements de lecture publique dans le département était estimée à environ 35 600 m², soit 0,05 m² par habitant. Depuis, plusieurs bibliothèques ont été réalisées (Arette, Bayonne, Nay et Saint-Pierre-d’Irube), portant la surface totale à 39 182 m².
L’absence d’équipements n’est pas la seule cause des disparités
Les disparités territoriales et les zones blanches ne suffisent pas à expliquer le manque d’équipements dans les Pyrénées-Atlantiques. Le véritable enjeu réside aussi dans la professionnalisation des équipes. Sur ce point, le taux de professionnalisation varie fortement d’un territoire à l’autre. Les écarts sont flagrants : dans les villes, les bibliothèques bénéficient d’un personnel qualifié en nombre suffisant, ce qui n’est pas le cas dans les zones rurales et montagneuses, où le taux d’agents salariés est beaucoup plus faible.
Aujourd’hui, il n’est pas possible d’affirmer que ce déficit en professionnels affecte systématiquement la gestion, la permanence ou la qualité de service car de nombreuses bibliothèques pourvues uniquement de bénévoles assurent très convenablement l’activité de leur bibliothèque.
Néanmoins, cela reste une forte particularité de notre département puisque sur les 820 personnes qui travaillent au sein des bibliothèques du réseau départemental, plus de 500 sont bénévoles. Ces bénévoles représentent aussi une force, car sans eux, nombreux sont les lieux qui n’existeraient pas.
Une image contenant texte, carte, atlas Le contenu généré par l’IA peut être incorrect.Figure 4. Les bibliothèques des Pyrénées-Atlantiques. Part des bénévoles et salariés ETP (équivalent temps plein) et nombre d’agents et bénévoles
Bien sûr, notre département n’est pas une exception et le rapport de l’IGÉSR 2022 4
Voir la synthèse du service Questions ? Réponses ! de l’Enssib : https://questions-reponses.enssib.fr/question/benevoles-en-bibliotheque-municipale-statistiques-et-caracteristiques
Pour notre département, il est donc évident qu’il y a une corrélation entre nos réalités géographiques et le niveau bas de professionnalisation. Les centres urbains ne sont pas les plus représentatifs sur le réseau des bibliothèques et concentrent à eux seuls une forte majorité des professionnels. En effet, le département compte 322 salariés, soit 1 agent pour 2 500 habitants environ (chiffres de l’étude de Troisième Pôle). Si ce taux moyen n’est pas très éloigné des recommandations de la DRAC, les écarts restent importants. Ce sont les grandes villes qui concentrent le plus de professionnels, parfois au-dessus des recommandations de la DRAC, comme c’est le cas pour Pau, Bayonne, Biarritz et Anglet, mais aussi Hendaye, Saint-Jean-de-Luz, Lons, Billière ou Orthez.
Par ailleurs, le département peut se prévaloir de disposer, au sein de son réseau des bibliothèques, d’un nombre considérable de bâtiments : 161 établissements de lecture publique pour desservir une population de près de 700 000 habitants.
Des efforts spécifiques dans les zones de montagne
Dans les zones les plus retirées et notamment dans les montagnes, des efforts sont faits pour faciliter l’accès aux bibliothèques. Nous le savons, pour les communes isolées ou situées dans des vallées, l’accès à une médiathèque peut demander des trajets longs, peu fréquentés, et contraints par des conditions climatiques variables. Et ce sont souvent les écoles qui font office de lien vers la lecture publique dans ces zones isolées, et qui peuvent subir des dégâts liés à de fortes intempéries 5
Étienne Czernecka, « Béarn : après l’inondation à Lourdios-Ichère, les écoliers seront relogés dans le Musée du pastoralisme », Sud-Ouest, 1er septembre 2023 : https://www.sudouest.fr/pyrenees-atlantiques/oloron-sainte-marie/bearn-apres-l-inondation-a-lourdios-ichere-les-ecoliers-seront-reloges-dans-le-musee-du-pastoralisme-16473223.php
Depuis 2006, la bibliothèque départementale ne dessert plus les établissements scolaires. Néanmoins, dans ces zones isolées, le transport des élèves vers une bibliothèque est organisé, et le règlement d’intervention du Schéma départemental de la lecture publique soutient cette initiative. En effet, une subvention est prévue pour les transports scolaires des enfants vers une bibliothèque lorsqu’il n’en existe pas dans la commune.
Les contraintes thermiques dans des zones climatiques plus difficiles (neige, pluie forte, humidité, vent) sont plus fortes et peuvent être un véritable frein au développement d’équipements de lecture publique. Les coûts liés à l’adaptation des bâtiments (isolation, climat, gestion de l’humidité) et à leur maintenance peuvent être supérieurs dans ces zones de montagne ou de bord de mer exposées aux intempéries ou à l’humidité saline.
Si les bénévoles sont engagés et restent mobilisés au sein des bibliothèques, les horaires d’ouverture peuvent être plus restreints dans les zones peu peuplées, où le nombre d’habitants ne justifie pas toujours une grande amplitude. Cela induit un moindre accès pour les habitants, surtout pour ceux qui travaillent et/ou sont dépendants des transports publics peu nombreux dans ces zones.
Nous notons que, depuis quelques mois, ces petites bibliothèques parviennent à intégrer de nouveaux bénévoles et pourront peut-être s’organiser différemment. En effet, si certaines équipes souhaitent ouvrir plus largement, la disponibilité et aussi le faible espace ne permettent pas toujours un élargissement des horaires.
Cependant, ces bibliothèques en zone de montagne réfléchissent de plus en plus à améliorer l’accès à leur site et n’hésitent pas à franchir le pas pour proposer plus d’animations culturelles, notamment celles organisées et pilotées par la Bibliothèque départementale des Pyrénées-Atlantiques. Aydius, par exemple, village de 100 habitants, a reçu en 2024 6
« Aydius : les Poupées Gonflées en concert vendredi », La République des Pyrénées, 22 mai 2024 : https://www.larepubliquedespyrenees.fr/pyrenees-atlantiques/aydius/aydius-les-poupees-gonflees-en-concert-vendredi-19804005.php?csnt=19b18669043
« Aydius : le Printemps des Poètes avec Milène Tournier », La République des Pyrénées, 10 mars 2025 : https://www.larepubliquedespyrenees.fr/pyrenees-atlantiques/aydius/aydius-le-printemps-des-poetes-avec-milene-tournier-23567109.php
Une image contenant habits, personne, femme, mur Le contenu généré par l’IA peut être incorrect.Figure 5. Printemps des poètes 2025, à Aydius
Photo : N. Chartier
L’isolement ou la situation géographique dans les zones en haut de vallée ou de montagne ne sont donc pas toujours des freins pour proposer des animations aux habitants de ses territoires. Et si le déplacement du bibliobus peut parfois être difficile dans les vallées, nous poursuivons ce service, et les bénévoles n’hésitent pas à se déplacer à la bibliothèque départementale.
Pour les publics en zone urbaine, sur le littoral ou au piémont, répondre à leurs attentes et demandes d’horaires élargis est plus réalisable grâce à la présence d’équipes professionnelles et à un maillage associatif et culturel riche et varié.
Enfin, en zone montagneuse, les périodes d’accès peuvent être affectées par les aléas saisonniers (neige, fermeture de routes), ce qui influence la planification des activités, les horaires d’été ou d’hiver.
Malgré toutes ces contraintes climatiques, et leurs impacts sur l’accessibilité des bibliothèques, nous avons de beaux exemples de développement culturel dans les vallées comme le prouve le réseau de la communauté de communes de la Vallée d’Ossau (CCVO). Avec ses quatre bibliothèques, la communauté de communes a réussi à inscrire le volet lecture publique à l’axe développement culturel du territoire visant ainsi à renforcer l’accessibilité aux savoirs et à la culture pour tous les habitants du territoire. Leur programme annuel d’action culturelle vise à favoriser la sensibilisation du public à la culture et à la lecture et donne une image vivante et attractive des bibliothèques du réseau.
La convention signée entre la CCVO et le Département prend en compte cette nécessité d’accessibilité en encourageant notamment l’accès de tous les habitants du territoire à des ressources multiples, éclectiques et inclusives, et en incitant ses quatre bibliothèques à proposer des locaux, une amplitude horaire et un fonctionnement adapté à la population à accueillir.
Si les cinq conventions territoriales sont sensiblement identiques, l’exemple de la CCVO met en avant une volonté de s’appuyer sur la lecture publique pour développer une programmation culturelle adaptée au territoire en privilégiant de façon explicite la promotion des artistes locaux.
Toujours dans l’objectif d’accompagner les mutations sociétales et environnementales, les projets architecturaux menés dans le département des Pyrénées-Atlantiques sont pensés de façon spécifique, en prenant en compte tous les aspects cités précédemment.
Deux exemples de nouvelles bibliothèques qui ont adapté leur structure à leur lieu d’implantation
Arette et Saint-Pierre-d’Irube sont deux illustrations parfaites des capacités d’adaptation à l’environnement. Arette, petite commune de montagne de 1 050 habitants, et Saint-Pierre-d’Irube, commune à proximité de Bayonne, de 5 779 habitants, ont monté deux projets de construction adaptés à leur localisation, et aux services qu’ils souhaitent offrir.
Une image contenant fenêtre, propriété, bâtiment, Biens immobiliers Le contenu généré par l’IA peut être incorrect.Figure 6. Centre culturel Ambille, médiathèque à Arette
Photo : tourisme64.com
Arette, un projet global
Petit arrêt sur images sur le projet de la commune d’Arette dont le projet est devenu réalité avec son inauguration fin août 2025. La commune d’Arette est située dans la vallée du Barétous, bordée à l’Ouest par la vallée d’Aspe et à l’Est par la Soule. Arette est à 30 minutes du centre-ville d’Oloron (10 650 habitants).
La commune d’Arette, forte d’une population d’environ un millier d’habitants à l’année et de plus de 1 000 résidences secondaires, vit au rythme des quatre saisons. Le tourisme constitue l’un des principaux moteurs économiques du village, notamment grâce à la proximité de la station La Pierre Saint-Martin. Dans ce contexte, la commune a bénéficié d’une opportunité exceptionnelle : le legs immobilier du peintre Paul Ambille, qui a exprimé le souhait que ses propriétés soient dédiées à la culture et à la transmission auprès des jeunes générations. Ce don a permis à Arette d’envisager la création d’un centre culturel d’envergure, intégrant :
- une bibliothèque de 135 m2 ;
- une salle d’exposition consacrée aux œuvres de Paul Ambille (collection gérée par l’association Taylor) ;
- un auditorium de 104 m2 ;
- des espaces dédiés à l’école de musique.
Si le calcul de la dimension du bâtiment de la bibliothèque n’a pas pris en compte les nombreuses résidences secondaires, il s’avérait déjà opportun de créer un espace lecture publique dans cette vallée de Barétous qui n’en comptait aucun. Ce calcul s’est basé sur la population DGF 8
avec pondération. En effet, en prenant en compte la population (1 096) et le nombre de résidences secondaires (1 000), Arette accueille 2 100 habitants (a été comptabilisé un habitant par résidence), soit le calcul pour une superficie bâtiment de 147 m2. L’auditorium étant entièrement dédié à l’activité de la médiathèque, la surface totale est de 239 m2 pour l’activité bibliothèque.Ainsi, ce projet culturel a été conçu en cohérence avec les caractéristiques de la population locale et les flux touristiques.
Il vise à proposer une offre culturelle accessible et inclusive, capable de répondre à la diversité des publics, tout en valorisant les thématiques artistiques et les sports de nature, en lien avec l’identité du territoire. Par ailleurs, afin d’anticiper les évolutions liées au changement climatique et de maintenir l’attractivité de la montagne, la commune porte également un projet complémentaire : le centre d’hébergement inclusif et touristique « Pyrenea Campus », qui collaborera étroitement avec le centre culturel Paul-Ambille. Cette synergie permettra de renforcer l’ancrage territorial du projet et d’en faire un levier de développement durable et culturel pour Arette.
Saint-Pierre-d’Irube, un projet de grande ampleur
Pour Saint-Pierre-d’Irube, c’est le château de Lissague/Lizaga qui accueillera la future médiathèque municipale début 2026 9
, un équipement culturel de proximité pensé pour répondre aux besoins de tous les habitants.Dans une volonté affirmée d’accessibilité, la municipalité a choisi de rendre l’accès à ce nouvel espace entièrement gratuit. Pensée comme un véritable lieu de vie, la médiathèque, d’une surface de 752 m², proposera de multiples espaces et répondra au développement culturel local. Une ambition qui a le double mérite d’exister non seulement par la dimension d projet mais aussi par la proximité de villes touristiques importantes comme Bayonne (à 4 km), Anglet (à 8 km) et Biarritz (à 12 km) qui toutes proposent un service de lecture publique à la hauteur de leur fréquentation et du flux touristique.
Une image contenant plein air, ciel, arbre, herbe Le contenu généré par l’IA peut être incorrect.Figure 7. Future médiathèque Saint-Pierre-d’Irube dans le château de Lissage
Source : site de la ville de Saint-Pierre-d’Irube
Cet équipement participera ainsi au maillage en équipements culturels de l’agglomération du BAB (Bayonne, Anglet, Biarritz) en proposant un lieu avec des offres multiples : tiers lieu, ludothèque, espace vert, etc. Avec sa dimension environnementale et patrimoniale, cet équipement a toute sa place dans cette partie du département.
La culture et la langue basque seront également mises en valeur puisque 10 % du fonds de documents imprimés sera en langue basque et 50 % du fonds musical sera composé d’artistes locaux.
Les Pyrénées-Atlantiques et ses deux langues régionales
Le Département est engagé dans une démarche volontariste de valorisation de ses deux langues régionales dans ses politiques publiques. Il est prévu d’intégrer la culture et les langues régionales aux missions de lecture publique, favorisant ainsi un égal accès au livre et à la culture basque ou béarnaise/gasconne/occitane. Nous ne pouvons pas évoquer les spécificités géographiques sans rappeler cet héritage linguistique.
Par exemple, une dizaine de bibliothèques bénéficient du « meuble occitan », dispositif créé et coordonné par la mission Actions culturelles et langues régionales et la mission Lecture publique départementale. Ce meuble est composé de livres en VO et de traductions, d’albums jeunesse, de CD et DVD.
À cela s’ajoute le fonds local, fonds essentiel pour une bibliothèque départementale qui permet de valoriser l’identité du territoire et à certaines bibliothèques et réseaux de lecture publique de s’engager dans la promotion de collections spécifiques.
Néanmoins, la production éditoriale en occitan et en basque demeure peu abondante, ce qui entraîne une réelle difficulté dans les acquisitions de documents en langues locales.
Pour les bibliothèques de petite taille, cela peut représenter un coût supplémentaire, ainsi qu’une démarche logistique et intellectuelle complexe. Dans ce contexte, la Biblio64 demeure une ressource essentielle, en lien avec la mission Actions culturelles et langues régionales, permettant de renforcer les fonds documentaires et de soutenir ces établissements dans leur mission. La Biblio64 développe aussi son soutien dans l’accès et la promotion des langues régionales en développant ses outils d’animation (Kamishibaïs traduits, DVD, etc.).
Ce travail sur les spécificités géographiques et les bibliothèques nous permet de dire qu’elles constituent pour le département des Pyrénées-Atlantiques, caractérisé par un relief marqué, une diversité climatique, une densité de population hétérogène et un patrimoine culturel riche, à la fois un atout et un défi pour le développement de la lecture publique. Les bibliothèques, qu’elles soient situées en milieu urbain, sur le littoral ou dans les vallées, jouent un rôle fondamental en tant que lieux de lien social et de transmission culturelle.
En tant que Bibliothèque départementale, notre mission est donc de poursuivre notre action d’accompagnement et d’ingénierie territoriale, afin de soutenir les démarches d’adaptation des équipements : qu’il s’agisse de l’architecture, des collections ou des propositions culturelles.
Enfin, c’est en poursuivant ce travail de réduction des inégalités d’accès à la lecture publique que nous pourrons, à l’échelle départementale, préserver et valoriser la richesse des collections, la diversité des lieux et l’identité culturelle locale.