Audiovisuel et multimédia au musée de l’Air et de l’Espace

Claire Bréhier

Valérie Joyaux

Le département Recherche et documentation (DRD) anciennement centre de documentation, fait partie du département scientifique et des collections créées en 2019 lors du remaniement de l’organigramme du musée de l’Air et de l’Espace. Le DRD est missionné pour assurer la gestion de la bibliothèque d’étude et de recherche (ouvrages, manuscrits, périodiques, notices techniques, éphémères et autographes), de la photothèque, des collections photographique et audiovisuelle, des collections de cartes postales et de philatélie, des archives privées et de la documentation sous forme de dossiers documentaires autour des thèmes de l’aéronautique et de l’aérospatial (avions, personnages, compagnies aériennes, aéroports, espace, etc.).

État et politique d’acquisition de la collection audiovisuelle du musée de l’Air et de l’Espace

La collection audiovisuelle s’est construite au gré de dons de films amateurs, de films de constructeurs aéronautiques, d’achat de copies de films institutionnels pour diffusion au sein du musée, mais également d’éléments produits par le musée tels que des épreuves de tournage réalisées par les techniciens audiovisuels lors d’événements « musée », des montages de ces éléments et des enregistrements sonores de témoignages organisés et recueillis par le général Pierre Lissarrague, directeur du musée de 1973 à 1985. Tous les éléments se sont accumulés sans réelle organisation jusqu’en 2011 et le recrutement d’une documentaliste spécialisée.

La collection comprend des supports très diversifiés :

  • 600 films de formats 35 mm nitrate ou acétate, 16, 9,5 et 8/S8 mm ;
  • 650 bandes magnétiques vidéo Umatic et Beta SP couvrant la période de 1975 à 1995 ;
  • 740 supports sonores sur bandes magnétiques ¼ pouce et cassettes audio dont 160 témoignages.

Les films et les enregistrements sonores composent la partie patrimoniale de la collection. La gestion du fonds audiovisuel du musée permet dans certains cas d’acquérir de nouveaux fonds issus de propositions extérieures répondant à des critères d’acquisition.

Le premier d’entre eux concerne le sujet et la thématique abordés dans le film ou l’archive :

  • des images tournées sur des meetings aériens (salon du Bourget, Ferté Allais, Melun Villaroche, Biscarosse et autres rassemblements aériens régionaux) ;
  • des archives personnelles de personnalités aéronautiques comme le fonds de la résistante et pilote militaire Suzanne Jannin acquis en 2024 ;
  • des témoignages oraux de personnes marquées par des événements aéronautiques ou en rapport avec la conquête spatiale ;
  • des essais d’appareils de constructeurs aéronautiques.

Nous veillons ensuite à l’état physique du support (bon à moyen) pour une possible sauvegarde et numérisation. Enfin, la vérification du statut juridique est nécessaire pour envisager une diffusion dans le musée sans problématique de droits ou une exploitation possible hors musée dans le cadre de vente d’extraits ou de prêt pour des expositions externes.

Lorsque l’acquisition est validée, tous les éléments reçus avec les supports et les indications de réalisation ou provenance sont également conservés et une cession de droit d’auteur est signée par les détenteurs de droit.

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Figure 1. Films 16 mm, 35 mm et bandes magnétiques sonores conservés au musée de l’Air et de l’Espace

© Claire Bréhier

La conservation et la gestion de la collection

Afin de respecter les conditions de conservation et aussi le mode d’enregistrement lié aux époques, le regroupement des collections s’est fait jusqu’à maintenant par typologie de supports et, dans la mesure du possible, dans des espaces à température stable ou au mieux climatisés.

Dans un premier temps, les fonds analogiques vidéo ont été rassemblés dans une réserve. Une deuxième réserve a été aménagée afin de recevoir les films et les supports sonores. Dans un second temps est prévu l’agrandissement de la réserve photographique climatisée, dans le cadre du réaménagement de l’ensemble des réserves du DRD. Cette réserve pourra recevoir définitivement toute la collection audiovisuelle.

Un autre point d’attention dans cette collection concerne les documents sur support nitrate de cellulose. En effet, ce support est chimiquement instable et hautement inflammable. Nous avons pu les identifier au sein de la collection avec l’aide de personnels de l’établissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense (ECPAD) et du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC). Le dépôt d’une dizaine de films est prévu pour 2025 au CNC en parallèle au dépôt de 90 films à l’ECPAD qui datent de 1975 et 2016. D’autres films ont été identifiés en 2016 et ajoutés au fonds ECPAD puis d’autres en 2024 qui seront ensuite déposés au CNC.

Un travail d’étude de provenance de l'ensemble des éléments de la collection est en cours. En effet, pour des raisons de droits de propriété intellectuelle et dans le but de ne pas conserver ce que nous ne pouvons pas exploiter ou diffuser, un tri et une sélection des éléments a été entrepris à partir de 2011. Pour cela, les informations écrites sont parfois suffisantes mais le visionnage du support doit rester possible. Nous avons veillé à conserver les appareils de lecture des supports films et vidéo existants et récupéré une visionneuse de film CTM 16/35 mm. La restitution de films à leur propriétaire a donc pu avoir lieu entre autres vers des sociétés telles que Aéroport de Paris, Paramount France, Air France, Gaumont Pathé Archives et des institutions comme l’ECPAD, l’Institut national de l'audiovisuel (INA), le Centre national d'études spatiales (CNES) et est toujours en cours actuellement.

En parallèle, nous avons aussi rapidement organisé la sauvegarde par numérisation des fonds présumés uniques et dont le support était fragilisé par des années de conservation inadéquate. Ainsi, la priorité de numérisation a été donné :

En 2015, aux supports magnétiques vidéo contenant des :

  • rassemblements aériens et interviews ;
  • événements du musée ;
  • vues des travaux, des expositions temporaires et des halls d’exposition ;
  • arrivées d’avions au musée pour leur conservation.

En 2016, aux supports sonores contenant des :

  • témoignages de constructeurs aéronautiques ;
  • témoignages de familles de constructeurs, mécaniciens ;
  • témoignages d’historiens de l’aéronautique.

En 2013, 2021 et 2023 plus occasionnellement 1

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Les budgets ayant été alloués principalement pour la sauvegarde des supports magnétiques.

à des supports films :

  • film amateur 9,5 mm muet - Meeting aérien à l’aérodrome de Mondésir - Étampes / Années 1930 ;
  • film de 16 mm couleur sonore - Exercices de vols libres - Centre de parachutiste de Biscarosse - Années 1980 ;
  • film 35 mm - Hélicostats d’Étienne Oehmichen - Années 1930 ;
  • films 35 mm nitrate - Fonds constructeur hydravion Loire - Années 1930 ;
  • film 35 nitrate - Gyroptère Papin - Années 1920.

Dans tous les cas, les prestataires choisis nous ont fourni un fichier de conservation à titre patrimonial (fichier MXF débit 50 mb/s pour les vidéos, scan 2K fichier MXF pour les films et fichier wave pour les audios) et un fichier de visionnage destiné à la diffusion (fichier Mpeg-4 H264 pour les vidéos et les films – Mp3 pour les audios).

La numérisation de ces supports anciens est venue compléter les fichiers nativement immatériels produits par le musée depuis 2005 au sein des projets de valorisation mis en place par le musée. Nous totalisons près de 15 000 fichiers audiovisuels.

La valorisation de la collection

Le musée a mis en place plusieurs propositions de valorisation des collections audiovisuelles et sonores au même titre que de l’ensemble des collections de l’établissement.

D’une part, dans les expositions permanentes et temporaires pour lesquelles nous sommes associés en amont, afin de proposer des éléments audiovisuels et sonores en plus des propositions documentaires ou photographiques. Pour exemple, dans l’exposition temporaire Flight actuellement visible au musée, des contenus documentaires et films sur des appareils d’Étienne Oehmichen ont été mis en avant.

D’autre part, une e-médiathèque accessible en ligne 2

valorise les contenus audiovisuels depuis 2021 auprès du public professionnel (chercheur d’images, documentariste, iconographe…) mais aussi du grand public via des profils différenciés suivant les utilisateurs.

Cette base de données nous permet également de gérer la photothèque et la vidéothèque de l’établissement (fichiers numériques photos et audiovisuels) et de compléter leur indexation plus finement grâce au thésaurus et à des collaborations avec des chercheurs spécialisés dans le domaine aéronautique.

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Figure 2. Page de recherche sur la médiathèque en ligne du musée de l'Air et de l'Espace – DAM Opsismedia - Skopus

© Claire Bréhier, 18 mars 2025

De plus, un espace de plus de 700 m² a ouvert en février 2023 : la médiathèque-ludothèque 3

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La médiathèque dispose d’un parcours de 7 dispositifs ludiques d’où le nom de ludothèque. Cette partie ne concerne pas les collections du DRD. Voir : https://www.museeairespace.fr/a-voir-a-faire/mediatheque-ludotheque/

. C’est une formidable occasion de voir et revoir ces collections sous la forme de trois bornes multimédia tactiles et d’un espace dédié aux audiovisuels nommé « À bord ».

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Figure 3. Borne multimédia tactile de la médiathèque-ludothèque du musée

© Musée de l’Air et de l’Espace - Le Bourget / Frédéric Cabeza

Les bornes multimédias présentent des dossiers thématiques rassemblant plusieurs récits éditorialisés (photo, texte et audiovisuel), notamment sur les aéroports, l’aérostation, les femmes dans l’aéronautique, l’hydraviation, les pionniers de l’aviation, les raids et traversées avec en particulier le récit du premier raid Paris-Nouméa en 1932 4

. Ce dernier projet a aussi fait l’objet d’un documentaire complet réalisé grâce aux archives récoltées, à l’interview du fils du navigateur du raid et à une archive filmée en mars 1932 conservée au musée.

L’espace « À bord » est conçu comme l’intérieur d’un avion où le public est invité à s’installer dans des sièges d’avion équipés d’écrans tactiles sur lesquels il a accès à des contenus vidéos et sonores classés par thématiques. Ces contenus proviennent du fonds audiovisuel du musée mais aussi de partenaires conventionnés avec le musée comme Air France, le CNES, l’INA, Air Emploi, Safran, l’école des métiers de l’animation, l’école des métiers artistiques (ESMA) de Montpellier, l’association Passerelle de mémoire… Les contenus sont regroupés en thématiques comme : la restauration des collections, les arrivées d’avions au musée, les métiers de l’industrie aéronautique… Nous pouvons aussi mettre en avant des contenus lors des événements (Semaine de la petite enfance par exemple) et des expositions temporaires du musée comme Flight actuellement. Deux bornes de contenus sonores présentent des séries de podcasts du CNES et nous prévoyons d’y intégrer des extraits des témoignages sonores de personnalités de l’aéronautique de notre collection.

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Figure 4. L’espace À bord de la médiathèque-ludothèque du musée

© Musée de l’Air et de l’Espace - Le Bourget / Frédéric Cabeza

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Figure 5. Thématiques et contenus CNES de la borne vidéo de l’espace À bord de la médiathèque-ludothèque du musée / Conception : anabole.com

© Claire Bréhier, 18 mars 2025

D’autres contenus audiovisuels pédagogiques sont diffusés sur la chaîne Canal U 5

du musée à destination d’un public d’étudiants et de chercheurs. Il s’agit entre autres d’interventions scientifiques et de conférences filmées au musée.

De plus, des extraits de la collection sont régulièrement utilisés dans des montages internes qui sont diffusés sur la chaîne YouTube 6

du musée.

Le travail de conservation, d’identification et de sauvegarde mené jusqu’ici a permis de mettre en relief cette collection peu valorisée auparavant. Nous envisageons de poursuivre ce travail en y intégrant :

  • de nouvelles perspectives d’acquisition au travers de prospections et de collectes d’images plus ciblées ;
  • la collaboration à des projets de collecte de témoignages sonores ;
  • la poursuite régulière des numérisations de lots de films ;
  • le développement de projets de recherche sur ces fonds ;
  • la mise en place d’une application simplifiée d’indexation collaborative sur notre outil de base de données ;
  • la poursuite des échanges de pratiques avec d’autres responsables de fonds audiovisuels via des associations professionnelles telles que celles des archivistes français 7, des documentalistes 8 et des iconographes 9 ;
  • le développement de partenariats pour diffusion dans notre médiathèque-ludothèque.

Enfin, le DRD du musée de l’Air et de l’Espace réfléchit à une orientation stratégique afin de développer des projets d’open content autour de ses collections, en particulier photographiques et audiovisuelles.