Le métier de documentaliste

Marie-Angèle Dehaye

Jean-Philippe Accart
Le métier de documentaliste
Préface de Marc Martinez
Paris, Éditions du Cercle de la Librairie, 5e éd., 2023
ISBN 978-2-7654-1626-5

Paru pour la première fois en 1999, Le métier de documentaliste en est à sa cinquième édition après avoir été régulièrement revu, mis à jour et augmenté en 2003, 2008 et 2015. La présente édition a été refondue et est proposée de manière plus compacte que les précédentes. D’une grande clarté, elle s’articule autour de cinq parties : devenir documentaliste, exercer le métier de documentaliste, traiter l’information, comprendre et construire l’information, rendre visible le service de documentation et son activité. C’est une vue complète du métier que donne Jean-Philippe Accart tant dans ses aspects professionnels que dans ses enjeux sociétaux. Deux ans après avoir énoncé les transformations des bibliothèques et du métier de bibliothécaire, il poursuit son étude de l’évolution du monde de l’information.

Les nombreuses rééditions de ce livre – un ouvrage de référence – sur le métier de documentaliste témoignent si besoin en était de la nécessité croissante de gérer une information devenue pléthorique, une « infobésité » à laquelle nous sommes tous confrontés. Car si l’Internet et les réseaux sociaux semblent lui donner un accès des plus simples, ils sont également sources d’approximations voire de fake news. Le métier de documentaliste est par là même incontournable tant pour les entreprises et les services publics que pour tout un chacun en apportant, par la gestion de l’information et sa validation, une garantie de fiabilité.

Les vingt-quatre années – une génération – qui séparent la première édition de cet ouvrage et l’édition actuelle ont été particulièrement riches et complexes dans le domaine documentaire en raison du développement du numérique et de son usage de plus en plus répandu avec, entre autres, la mise en place de plateformes de services et de pôles de ressources numériques tant dans le domaine privé que dans le domaine public comme l’analyse cet ouvrage. Cette nouvelle édition, complémentaire aux travaux précédents, cerne les évolutions d’un métier devenu essentiel à la communication mais qui reste cependant peu et mal connu. Jean-Philippe Accart qui en est cette fois le seul auteur – les précédentes éditions étaient menées en collaboration avec Marie-Pierre Réthy – présente la profession de documentaliste et ses techniques actuelles aux étudiants en recherche d’orientation ou en cours de formation et en donne une vue actualisée à tous ceux qui exercent déjà ces métiers liés à la gestion de l’information, documentalistes, bibliothécaires, archivistes. L’environnement professionnel de ces métiers, les associations professionnelles françaises et internationales, les compétences indispensables, les filières de formations et les débouchés sur le marché de l’emploi sont exposés dans la première partie de l’ouvrage. Ce sont des informations très pratiques et précises qui sont données dans ces chapitres afin de fournir à de futurs étudiants toutes les données et possibilités d’information sur les études menant à la profession de documentaliste, les formations organisées et les spécialisations possibles, les différentes institutions qui les dispensent et les débouchés auxquels elles mènent tant dans la fonction publique que dans le secteur privé en France mais aussi dans le monde francophone, en Belgique, en Suisse, au Canada.

Le premier chapitre est consacré à l’information, au cœur du métier : sa définition tout d’abord, sa recherche en fonction de la pertinence requise, les compétences technologiques indispensables, la formation obligatoire du/de la documentaliste pour maîtriser les outils numériques et le rôle non négligeable qui lui est désormais assigné dans la formation des utilisateurs.

S’avère également indispensable une bonne connaissance de la législation tant nationale qu’internationale en matière de droits d’auteur et des droits voisins, de protection des données personnelles tant pour les documents « papier » que pour les documents numériques. Jean-Philippe Accart rappelle opportunément les lois et réglementations auxquelles sont soumis les documentalistes et notamment le Règlement général sur la protection des données (RGPD), le droit d’auteur, le droit de reproduction, le code de la propriété intellectuelle, les œuvres protégées et non protégées, l’hébergement des données personnelles…, le Digital Services Act (DSA), le droit de prêt. Il retrace également, tout aussi bienvenu pour le futur documentaliste, l’historique des sciences de l’information avec ses dates importantes depuis l’apparition du terme « documentation » en 1769 à nos jours où il est plutôt question des sciences de la communication. Les associations nationales et internationales sont présentées dans ce contexte avec leurs spécificités et leur rôle en matière de politique d’information.

De la formation on passe tout naturellement à la pratique professionnelle qui varie en fonction de l’institution dans laquelle le/la documentaliste sera amené·e à travailler et des missions qu’il/ elle devra rencontrer. Les différentes étapes de la création d’un service de documentation performant sont abordées en fonction des besoins et du fonctionnement du service et de ses utilisateurs. Son organisation au quotidien et son fonctionnement sont spécifiés : mobilier, archivage, signalétique, sécurité, accès aux personnes à mobilité réduite (PMR), etc., les normes existantes à respecter, tout comme la gestion d’équipe et le type de management à exercer, un domaine où de nombreux changements sont en cours, davantage axés sur la participation, la bienveillance et l’empathie. Ce chapitre est plus particulièrement développé tant son évolution est patente et son importance incontournable dans la gestion d’un service. Une organisation qui inclut, outre la gestion d’équipe et la gestion de projet, une gestion financière à ne pas sous-estimer. Elle amène souvent à une participation au regroupement de centres de documentation afin de partager les budgets que représentent les abonnements aux revues et bases de données et de mettre en commun ces ressources.

Sont ensuite présentés la recherche et le traitement de l’information où s’exerce pleinement le rôle du/de la documentaliste. Les critères d’acquisition des documents et les techniques d’analyse sont décrits avec référence aux normes définies en ce qui concerne la description ou l’indexation en fonction du type de document : textes, articles, illustrations, qu’ils soient numériques ou, plus traditionnellement, sur papier.

La construction d’un thésaurus et sa gestion font l’objet d’une présentation approfondie tout comme l’évolution des technologies du domaine numérique. L’interrogation simultanée de bases de données, les applications en ligne qui permettent le prêt entre bibliothèques, les réservations, les suggestions d’achat, les outils pour les étudiants, la personnalisation des services en fonction de l’utilisateur sont autant d’avancées technologiques qui font évoluer le métier de documentaliste. L’intelligence artificielle qui fait l’objet de bien des débats intervient aussi dans les moteurs de recherche, les algorithmes, … ce qui promet bien des bouleversements dans le travail documentaire mais aussi de précieux gains de temps.

La rédaction de résumés analytiques, l’organisation de la veille sont autant de notions explicitées. Elles concrétisent le rôle du/de la documentaliste pour les utilisateurs. Car si l’information est au cœur du métier de documentaliste, l’utilisateur l’est également. Sa satisfaction est l’objectif du service. Jean-Philippe Accart le rappelle à plusieurs reprises : l’utilisation d’outils pertinents, la capacité d’évaluer les informations sont essentiels pour répondre au mieux à une recherche tout comme il est indispensable d’élaborer une éducation aux médias, une formation à l’information afin de détecter au plus vite fake news et autres informations erronées et de faire de l’utilisateur un collaborateur du/de la documentaliste.

Un service de documentation performant se caractérise aussi et surtout par les services qu’il offre en matière de prêt de documents, de produits documentaires, du guide de l’utilisateur aux listes d’acquisitions, des dossiers de presse aux résumés analytiques. La veille documentaire est un outil de gestion de l’information qui fait appel tant au documentaliste qu’à un expert du domaine d’information choisi. Ses caractéristiques, sa mise en place et son évolution sont ici détaillées.

Peu connu, peu visible, le service de documentation doit se faire mieux connaître et utiliser pour cela des techniques largement utilisées, et avec succès, dans d’autres services, celles de la communication et du marketing, la création d’une marque qui identifie immédiatement une institution et la personnalise. L’évolution rapide des technologies, des réseaux sociaux, ouvre de nouveaux métiers dans le domaine de la documentation et de la gestion de l’information, beaucoup nous viennent d’ailleurs du monde anglo-saxon : architecte de l’information, curateur de contenu, spécialiste de la science des données, gestionnaire de communauté, etc. Ce sont de nouveaux métiers de la documentation et de l’information qui émergent et autant de nouveaux professionnels qui contribuent à une actualisation, voire une réinvention du métier.

Le panorama brossé par Jean-Philippe Accart dans cette nouvelle édition du Métier de documentaliste est mis à jour et solidement étayé. Toutes les notions abordées n’ont cependant pu faire l’objet de longs développements, ce qui est bien compensé par de nombreuses références et notes explicatives, des encadrés et, à la suite de chaque chapitre, une intéressante sélection bibliographique.