Histoire des services éducatifs d’archives en France, jalons d’éducation artistique et culturelle
Faire l’histoire contemporaine de la médiation des fonds patrimoniaux, notamment auprès du public scolaire, revient à détailler la stratégie publique (nationale et territoriale) de constitution des « services éducatifs » (ou « unités d’action pédagogique ») auprès des archives nationales, puis départementales, comme acteurs et comme leviers de la valorisation patrimoniale jusqu’à leur mutation actuelle en « services culturels ». Se pencher sur l’histoire des services éducatifs des archives en France, dans les pas de Marie-Christine Bordeaux 1
, nous conduit à nous intéresser aux musées américains comme français pour donner tout le contexte de la spécificité des services éducatifs des archives en France.Aux origines du service éducatif à la française, le musée… américain
Un service éducatif, également appelé service culturel et pédagogique, est un service public au sein d’une institution culturelle comme un musée ou des archives. Son objectif principal est d’éduquer les élèves au patrimoine, conservé et communiqué par cette institution. Il s’agit d’un partenariat formalisé entre l’institution culturelle et l’école, établissant des moyens humains et matériels pour organiser des activités pédagogiques.
L’émergence des services éducatifs, dans le domaine patrimonial, trouve ses racines outre-Atlantique, marquée par le mouvement muséal qui a pris de l’ampleur aux États-Unis à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. Jean Galard 2
souligne que les États-Unis ont été précurseurs en la matière, dotant les musées de services éducatifs et culturels avec des moyens et du personnel dédié, responsables « de tout ce qui concerne les relations du musée avec le grand public comme avec les enfants des écoles » 3 . Cette initiative a influencé l’Europe, notamment la Belgique où un service similaire a été établi dès 1927 au Musée du Cinquantenaire.Aux États-Unis, à la fin du XIXe siècle, les « heures de musée » ont été intégrées dans le programme scolaire, répondant à un objectif éducatif et patriotique visant à permettre aux élèves d’acquérir une culture commune en pleine construction. Ce concept implique un rôle éducatif actif des musées, avec le recrutement des « professeurs de musée » chargés d’accueillir les classes et de les guider. L’Organisation internationale des musées, dès 1927, préconise que les musées soient ouverts et fréquentés par les jeunes, notamment à travers des visites structurées et dirigées. Elle encourage la création de services éducatifs au sein des musées 4
, s’inspirant de l’exemple des États-Unis. En Europe, la Belgique et la Suède ont été des pionniers dans cette approche 5 …Au XIXe siècle, des musées spécialement conçus pour l’éducation des enfants apparaissent aux États-Unis, avec le premier ouvrant à Brooklyn en 1899, suivi du célèbre Children’s Museum de Boston en 1913. Vers 1952, environ 35 de ces musées existent aux États-Unis, tandis qu’en Europe, seul le musée de l’Éducation à La Haye, créé en 1920, porte cette qualification 6
.Aujourd’hui, la plupart des musées américains ont développé des dispositifs spécifiques pour accueillir le jeune public lors de visites scolaires ou de visites en famille. Ces services éducatifs mettent l’accent sur des concepts adaptés à l’âge des visiteurs, en suivant une pédagogie centrée sur l’enfant et favorisant l’observation par rapport à une approche centrée sur l’objet 7
pour susciter l’intérêt des enfants lors de leurs visites scolaires au musée 8 .Une préfiguration au musée d’abord
En France, la préfiguration des services éducatifs vient de la Direction des musées de France, dès la fin des années 1930 9
. En effet, le décret du 9 mars 1928 instaure, à côté des « visites-conférences », une autre catégorie de visite accompagnée, les « visites guidées », effectives à partir du mois de juillet 1930. Progressivement, ce service s’étend, pendant les années 1930, avec l’instauration de la « visite scolaire » (arrêté du 2 mars 1931) 10 d’une durée de 2 heures environ, qui s’adresse à des classes de lycéens accompagnés de leur professeur. Proposée à demi-tarif, la visite est conduite par un guide ou un conférencier et se propose d’« illustrer leurs cours d’histoire et de former leur goût » 11 . Toutefois comme le signale Marie-Christine Bordeaux, « le premier service éducatif créé dans une institution culturelle ne l’a pas été dans un musée, mais aux Archives nationales » 12 .Le premier service éducatif de France, aux Archives nationales
En France, sous la IIIe République, les quelques liens entre archives et éducation se limitent bien souvent aux étudiants de l’enseignement supérieur et à quelques très rares visites de groupes d’élèves du secondaire. Il faut cependant signaler une circulaire ministérielle de 1912 13
dans laquelle la Direction des archives de France prescrivait aux archivistes départementaux de faire des conférences aux élèves des écoles normales d’instituteurs sur le classement, la conservation et l’intérêt historique des archives communales.Au XXe siècle, ces conférences étaient régulièrement organisées et documentées par les écoles normales, comme en témoignent les archives, notamment celles des Côtes d’Armor jusqu’aux années 1970 14
. Ces conférences étaient un moment privilégié entre les écoles normales et les archives. Les instituteurs entretenaient également des liens étroits avec les archives communales en étant bien souvent secrétaires de mairie dans les zones rurales (10 % des instituteurs publics en 1933 dans les Côtes-du-Nord, 53 % des communes du Finistère concernées en 1907 15 ). Cela est illustré par les monographies communales qu’ils ont produites et les mentions d’histoire locale dans les Bulletins départementaux d’instruction primaire.Le musée des Archives nationales (AN), fondé en 1867 au Palais Soubise par le marquis de Laborde, expose au public des documents d’archives conservés par l’institution (Musée de l’Histoire de France de 1939 à 2006) et invite les professeurs des lycées parisiens et leurs élèves à venir découvrir une sélection de documents emblématiques. C’est au sein de ce musée qu’est créé le premier service éducatif dès 1950 16
.Ce jalon majeur est l’œuvre de Charles Braibant, qui assurait, depuis 1948, la double direction des Archives nationales et des Archives de France (direction qui relevait alors du ministère de l’Éducation nationale, ce n’est sans doute pas sans lien d’ailleurs). Il est à la fois un archiviste et un homme de lettres qui a obtenu le prix Renaudot en 1933, pour son roman Le roi dort. Lors d’une conférence à la Société de l’école des chartes en 1949, il déclare qu’« il faut rendre les archives plus vivantes, les enrichir d’attributions plus actuelles, sans rien leur enlever, bien entendu de leurs fonctions historiques, qui est leur raison d’être » 17
.Sa circulaire aux archivistes français du 5 novembre 1951 18
souhaite, comme aux AN, mettre, dans toute la France, « les élèves des différents ordres d’enseignement [soit du primaire à l’université] en contact direct avec les documents d’histoire [...] au moyen de visites commentées [comme celles du musée de l’Histoire de France] conduite par un personnel, placé sous la direction d’un archiviste […] composé uniquement de membres de l’enseignement mis à ma disposition ». La « circulaire Braibant » 19 insiste bien sur ce point auprès des archivistes en chef des départements. Ils doivent demander une mise à disposition auprès de l’inspecteur d’académie d’un instituteur qui continuera à être rémunéré par ses services et non pas par un détachement qui imposerait aux archives de rémunérer l’enseignant. Au-delà, il veut défendre la place du document d’archives en tant qu’œuvre de culture et d’éducation et déployer cette démarche dont la portée est avant tout pédagogique.
Figure 1. Circulaire services éducatifs, 1951
© France Archives
En 1957, dans l’avant-propos d’une publication des Archives de France, intitulée La classe d’histoire aux archives, il expose sa démarche éducative. Il met en avant divers moyens, notamment le « Quart d’heure de culture », une période ouverte à tous, notamment les ouvriers et salariés du quartier du Marais, pendant la pause déjeuner, pour explorer les documents essentiels du Musée de l’Histoire de France 20
.
Figure 2. La classe d’histoire aux archives
© AD22 1226 W27

Figure 3. Le quart d’heure de culture
© AD22 1226 W27
Le développement des services éducatifs dans les archives départementales
Le mouvement est lancé 21
. En février 1952, le premier service éducatif aux Archives départementales est créé par Roger Sève, directeur des Archives du Puy-de-Dôme. Dans La Gazette des archives en 1953, il témoigne : « le service éducatif est une classe vivante où les élèves sont mis en contact physique avec les documents, ce qui leur permet de saisir les notions que manuels et cours s’efforcent de leur inculquer. Le professeur (à temps plein) a pour mission d’organiser des visites commentées pour tous les ordres d’enseignement avec présentation des documents correspondants au programme d’histoire de la classe, de participer aux expositions scolaires ou d’intérêt général, d’aider à la présentation documentaire d’excursions scolaires et de faciliter l’utilisation par les membres de l’enseignement de publications documentaires reçues aux Archives » 22 .Dès lors, les créations de ces « unités d’action pédagogiques » vont se multiplier au sein des Archives départementales, dopées en 1954 par la première Conférence internationale de la table ronde des archives (CITRA), justement consacrée aux archives et à l’enseignement. L’Éducation nationale, consciente du rôle fondamental d’éducation à la citoyenneté que peuvent jouer les archives, soutient le programme en détachant des professeurs et en leur accordant des « heures supplémentaires » 23
.On peut ensuite parler de généralisation sur une trentaine d’années : 9 services éducatifs étaient en place en 1955, 16 en 1956, 20 en 1957, 45 en 1968, 67 en 1977 24
.Les musées vont rejoindre le mouvement qu’ils ont initié dans les années 1930. Charles Braibant demande en 1949 à l’historienne Régine Pernoud de devenir conservateur aux Archives nationales pour rénover le vieux Musée de l’Histoire de France 25
. Pour cela, elle s’intéresse aux musées américains. Son article sur « L’éducation dans les musées américains » 26 fait date. On peut y voir le point de départ de la nomination d’une dizaine de chargés d’enseignement dans les musées nationaux.Ensuite dans les années 1970, dans les archives, les services éducatifs s’ouvrent aux élèves de l’enseignement primaire. La loi du 22 juillet 1983 (n° 83-663) sur les archives a conforté la mission des services éducatifs en ajoutant à l’obligation de conservation des archives, celle de leur mise en valeur 27
.Le maillage départemental s’achève en 1985, avec la création, cette année-là, du service éducatif des Archives de Paris (qui est tout à la fois une commune et un département).
Par ailleurs, des archives municipales se joignent au mouvement comme Douai dès 1958 jusqu’à Marseille en 1986 ou Le Havre et Nantes en 1989, par exemple, pour atteindre le nombre de 14 services éducatifs d’archives municipales en 2014 28
.Les concours scolaires
Les concours éducatifs ont été, dès la création des services éducatifs, un moyen de structurer l’offre éducative autour de thèmes partagés. Le « Concours de l’historien de demain », créé en 1953 par Régine Pernoud, sous le nom de « Concours des historiens en herbe » 29
, visait à encourager l’enseignement de l’histoire de manière plus concrète, interactive et participative. Il faut par ailleurs souligner la mobilisation des services éducatifs des archives pour accompagner le Concours national de la Résistance et de la Déportation, depuis ses débuts en 1961 30 . Ces concours ont évolué au fil des années pour stimuler l’intérêt des élèves pour l’histoire, la recherche personnelle et les vocations d’historiens 31 sur des thématiques nouvelles chaque année. Vers la fin des années 1990 et dans les années 2000, des dispositifs moins centralisés sont apparus, impliquant davantage les collectivités territoriales. Ce fut le cas du concours des « Jeunes historiens des Yvelines », un des descendants directs des concours nationaux d’archives 32 ou de dispositifs comme la classe « Archives » des Archives nationales en 2007 33 et de même que celui intitulé « Retour aux sources d’Archives » dans les Côtes-d’Armor 34 en 2009. Ces initiatives visent à permettre aux élèves de découvrir les lieux et les métiers liés aux archives, ainsi que d’interagir avec des documents originaux pour enrichir leurs connaissances et compétences.Un service éducatif ou un service d’action culturelle ?
Les années 1980 sont une période propice aux bilans et aux réflexions théoriques dans le domaine des archives. Cela est illustré par des événements tels que le Congrès national de l’Association des archivistes français à Nice, centré sur l’action culturelle dans les archives, ainsi que des publications dans des revues spécialisées. En décembre 1989, la Revue de l’Association des professeurs d’histoire et de géographie, Historiens et Géographes, consacre un numéro spécial au rapport entre l’école et les archives. Ce numéro répertorie 88 services éducatifs, 133 enseignants et de nombreux supports éducatifs. Jean Favier, directeur général des Archives de France 35
y appelle de ces vœux une évolution de ces services éducatifs. Il affirmait notamment « la nécessité de coopérer plus avant avec toutes les instances régionales et départementales des ministères de la Culture et de l’Éducation nationale et sur la transformation du service éducatif en service d’action culturelle, pour lequel la seule action du professeur n’[est] plus suffisante » 36 .Dans les années 1990 et 2000, les services éducatifs ont évolué pour relever deux défis : toucher plus d’élèves tout en rivalisant avec d’autres institutions culturelles. Initialement centrés sur l’éducation, les enseignants des services éducatifs ont élargi leurs activités, organisant des événements, produisant des expositions et des publications. La diversification de l’offre éducative a créé une compétition implicite pour attirer les écoles et obtenir des financements. Les services d’archives ont été moins visibles que les musées ou les bibliothèques, subissant une réduction de moyens, notamment en heures supplémentaires ou de décharge, dans ce contexte concurrentiel.
Pour mieux cadrer les choses, la circulaire du 3 mars 1993 relative aux services éducatifs, parue au Bulletin officiel de l’Éducation nationale, clarifie alors le rôle du service éducatif et celui du ou des professeur(s) mis à disposition. Les services éducatifs au sein des institutions culturelles sont placés sous le contrôle ou la tutelle des ministères de l’Éducation nationale et de la Culture et de la Communication et voient leur mission définie. « Le programme de travail annuel du service éducatif doit s’inscrire dans ce programme de développement culturel des archives, dans son registre spécifique. Le service éducatif collabore à l’information du milieu scolaire, … à la mise en œuvre d’un programme d’activités comportant notamment l’accueil des élèves, le conseil aux établissements scolaires et à l’aide au projet ; à la conception de documents et de matériel pédagogique destinés au milieu scolaire… aux actions de formation initiale et continue des enseignants… à la réflexion méthodologique sur l’action éducative des institutions culturelles, à l’évaluation et à la valorisation d’expériences pédagogiques innovantes » 37
.Les missions du professeur-relais seront rappelées et explicitées par la circulaire du 3 mars 2010 autour de quatre axes 38
:- informer le monde éducatif des possibilités pédagogiques des archives ;
- former ses collègues ;
- préparer la venue des élèves ;
- et produire des ressources pédagogiques.
Alors qu’il relevait avant du plan Lang-Tasca (2000) de façon conjointe des directions régionales des affaires culturelles (DRAC) et des rectorats, il est depuis, géré par un service du Rectorat, la Délégation académique aux arts et à la culture (DAAC), désormais communément appelée délégation académique à l’éducation artistique et culturelle ou délégation régionale académique à l’éducation artistique et culturelle (DRAEC). Lucile Joyeux a pu montrer en 2022 que malgré un cadrage national « la mission des enseignants dans les services éducatifs des institutions culturelles, longtemps indéfinies, obéis aujourd’hui à des nécessités territoriales qui la rendent hétérogène » 39
. Si elle a beaucoup insisté sur les aspects passion et vocation de leur engagement, elle a relevé la diversité des situations en termes de moyens d’exercices, allant d’indemnité financière à des heures de décharges d’enseignement (la norme jusqu’en 2002).En 2003, une enquête a montré que près de 79 % des archives départementales disposaient d’enseignants pour des activités éducatives, travaillant en moyenne 5 heures par semaine. Les moyens dédiés ont considérablement diminué depuis, mais le temps consacré semble être resté similaire. L’enquête a également souligné des différences marquées dans l’engagement des collectivités territoriales dans les services éducatifs des archives 40
.Les collectivités territoriales en faveur de services d’action culturelle
Dans les années 1980, si les collectivités départementales ont construit de nombreux bâtiments d’archives dans le cadre de la décentralisation, pour ce qui est du personnel des services éducatifs, elles sont intervenues bien plus tard. Pour Marie-Christine Bordeaux, « le passage du service éducatif au service culturel se fait souvent au moment et à la faveur du recrutement de personnels disposant de compétences et de missions spécifiques. Ce fut notamment le cas des emplois-jeunes dans le secteur culturel en 1997, qui furent très nombreux à être recrutés sur des postes de médiateurs culturels. Bien que la réalité des tâches exercées fut souvent éloignée de la médiation proprement dite, et plutôt centrée sur l’administration de projet, ce fut un temps fort pour l’institutionnalisation de la médiation dans la culture » 41
. En effet, les conseils généraux ont renforcé les services éducatifs des archives départementales en y affectant des agents territoriaux, alors que les moyens et les effectifs enseignants étaient en baisse.Le ministère de la Culture 42
a également soutenu cette initiative en attribuant des ressources humaines et financières aux services éducatifs à partir de 1998. Cependant, l’absence d’un cadre d’emploi spécifique de médiateur dans la fonction publique territoriale a posé des défis pour le recrutement 43 . On assiste, avec ces postes, à l’avènement à partir des années 1990, de la fonction de médiation culturelle, une fonction spécialisée pour des agents dont le cœur de métier est la connaissance des publics et non pas simplement une connaissance spécialisée de leur secteur disciplinaire, ici les archives.En 2004, une enquête 44
souligne cette montée de la médiation culturelle dans le secteur des archives, marquant une tendance générale vers la transformation des services éducatifs en services culturels, avec une présence croissante de médiateurs culturels ou de personnels remplissant des fonctions de médiation.La question clé de la formation des différents personnels
La formation des enseignants et du personnel des services éducatifs liés aux archives est d’une importance multidirectionnelle. La formation des enseignants trouve ses racines dans la formation initiale et continue des instituteurs et institutrices, devenus plus tard des professeurs des écoles.
Dans les années 1990, les services éducatifs des archives, tels que ceux de l’académie de Rennes, ont intégré le champ de la formation continue des enseignants grâce aux plans académiques et nationaux. Ces formations étaient initialement axées sur les matières disciplinaires, en particulier l’histoire, mais ont progressivement évolué vers l’interdisciplinarité et la pédagogie de projets 45
.Par la suite, les archivistes ont également commencé à former leur propre personnel, avec un accent mis sur l’accueil des divers publics. La formation continue dans le domaine des archives a été renforcée dans les années 2000, avec des modules tels que « Archives et pédagogie » 46
, proposés par le portail international archivistique francophone depuis 2005, visant à améliorer les compétences du personnel en charge des services éducatifs. Cette formation continue est dispensée par des structures publiques et privées 47 .En juin 2022, l’Association des archivistes français a proposé une formation qui met en lumière les enjeux actuels des services éducatifs liés aux archives.
Un état des lieux des services éducatifs aujourd’hui
Dans le domaine des musées, la fonction éducative a été renforcée à partir des années 1970, bien avant l’émergence du concept de service culturel dans ces établissements. Des services culturels ont été créés dans des musées majeurs comme le musée d’Orsay en 1986 et le musée du Louvre en 1988. En 2000-2001, on recense 700 services éducatifs et culturels dans l’ensemble des secteurs culturels, auxquels s’ajoutent les actions éducatives de grands établissements culturels. La loi de 2002 48
, relative aux musées de France, inscrit dans les missions des musées la conception et la mise en œuvre d’actions éducatives et de diffusion pour assurer un accès égal à la culture pour tous. Chaque musée doit disposer d’un service chargé de l’accueil, de la diffusion, de l’animation et de la médiation culturelle, assuré par des personnels qualifiés, éventuellement mutualisé entre plusieurs musées.Sur le plan quantitatif, une enquête menée en 2014 49
a révélé que les services éducatifs d’archives sont désormais présents dans le Centre historique des Archives nationales (CHAN), dans le Centre des archives du monde du travail (CAMT), toutes les archives départementales (sauf dans des circonstances spécifiques) et dans 14 services d’archives municipales 50 . Au total, les 130 services éducatifs d’archives ont concerné 500 000 élèves en 2019, les 450 musées près de 4 millions d’élèves et les 23 fonds régionaux d’art contemporain (FRAC) et 32 centres d’art contemporain environ 120 000 élèves 51 . En 2018, Guillaume d’Abbadie, chef du Service interministériel des Archives de France par intérim, a souligné « des équipements immobiliers performants » et « des équipes motivées, souvent de taille modeste (en moyenne : un professeur mis à disposition 3 à 4 heures par semaine et un agent territorial à temps partiel en Archives départementales), qui fonctionnent dans certains cas au maximum de leurs capacités » 52 .Les enquêtes et colloques soulignent la qualité la et diversité de l’offre pédagogique des services d’archives, offerte aux élèves de tous niveaux. Ces offres sont variées en termes de lieux, de sujets (local, national, histoire des arts) et de supports (expositions, multimédias, archivobus). Elles ont pour but de développer l’esprit critique des élèves et s’insèrent dans les parcours citoyen et avenir, leur permettant de découvrir la diversité des métiers liés aux archives 53
. En s’intégrant désormais dans les orientations portées par l’éducation artistique et culturelle (EAC), la palette des activités dispensées s’est diversifiée bien au-delà des seules visites et séances sur documents prévues à l’origine. L’offre s’adapte aux spécificités du territoire et favorise la collaboration avec d’autres acteurs culturels locaux, permettant ainsi une approche transversale et enrichissante pour les élèves. De nouvelles formes ludiques et virtuelles d’activités ont vu le jour, comme la bande dessinée 54 , les jeux d’évasion 55 et les résidences de création artistique. Malgré les défis posés par la crise sanitaire de la COVID-19, les services éducatifs ont su s’adapter en multipliant les actions à distance 56 et itinérantes pour maintenir le contact avec les élèves.Pour mesurer toute la place légitime des archives dans l’EAC en France, le portail numérique France Archives 57
propose une remarquable bibliographie conclue par des exemples de réalisations de services éducatifs. Des nouveaux outils comme la plateforme numérique de l’Éducation nationale dédiée à la généralisation de l’éducation artistique et culturelle, ADAGE 58 , et le dispositif Pass culture 59 permettent aux services des archives de poursuivre leur marche en avant, en jouant sur toute la gamme des partenariats.Le nouvel Institut national supérieur de l’éducation artistique et culturelle (INSEAC) 60
, inauguré à Guingamp en septembre 2021, a mis en avant l’importance des Archives dans ses programmes de formation destinés à tous les acteurs de l’EAC (professionnels de l’Éducation nationale, de la Culture, artistes, professionnels de l’animation et de l’éducation populaire, ainsi que les travailleurs sociaux et les professionnels des collectivités territoriales, etc.).Les services éducatifs sont donc bien au cœur de la politique publique du 100 % éducation artistique et culturelle pour poursuivre l’éducation de tous élèves au patrimoine de proximité que représentent les milliers de kilomètres linéaires de documents originaux conservés et valorisés par les services d’archives en France.