Les réfugiés de guerre ukrainiens dans les bibliothèques publiques polonaises en 2022

Izabela Koryś


La Pologne et l’Ukraine sont des pays slaves voisins. Les langues des deux pays, bien qu’écrites dans des alphabets différents (latin dans le cas du polonais et cyrillique dans le cas de l’ukrainien et du russe), appartiennent au même groupe linguistique, ce qui rend relativement facile la maîtrise de base de la langue. La proximité géographique et les similitudes culturelles et linguistiques ont favorisé le développement de la migration de main-d’œuvre de l’Ukraine vers la Pologne, initialement de manière saisonnière, puis, avec le temps, donnant lieu à une installation permanente 1

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Pour plus d’informations sur le développement des réseaux migratoires ukraino-polonais, voir : Marta KINDLER et Monika SZULECKA, « Messy arrangements ? A social networks perspective on migrant labor brokerage : The case of Ukrainian migration to Poland », Polish Sociological Review, 2022, vol. 220, no 4, p. 457-484. En ligne : https://doi.org/10.26412/psr220.03 • Anita BRZOZOWSKA, « “All is not yet lost here”. The role of aspirations and capabilities in migration projects of Ukrainian migrants in Poland », Journal of Ethnic and Migration Studies, 2023, vol. 49, no 9, p. 2373-2390. En ligne : https://doi.org/10.1080/1369183X.2022.2157804 • Sabina TORUŃCZYK-RUIZ, « Neighbourhood ties and migrant networks : The case of circular Ukrainian migrants in Warsaw, Poland », Central and Eastern European Migration Review, 2014, vol. 3, no 1, p. 41-62. En ligne : http://ceemr.uw.edu.pl/vol-3-no-1-june-2014/articles/neighbourhood-ties-and-migrant-networks-case-circular-ukrainian

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Ce processus s’est considérablement accéléré depuis 2014 lorsque la Russie a annexé la Crimée et plusieurs autres parties du territoire ukrainien. Depuis, de plus en plus de citoyens ukrainiens viennent en Pologne pour chercher un emploi 2

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Maciej DUSZCZYK, Agata GÓRNY, Paweł KACZMARCZYK et Andrzej KUBISIAK, « War refugees from Ukraine in Poland – one year after the Russian aggression. Socioeconomic consequences and challenges », Regional Science Policy & Practice, 26 janvier 2023. En ligne : https://doi.org/10.1111/rsp3.12642 • Agata GÓRNY et Paweł KACZMARCZYK, « Between Ukraine and Poland. Ukrainian migrants in Poland during the war », CMR Spotlight [newsletter of Centre of Migration Research], février 2023, no 2(48). En ligne : https://www.migracje.uw.edu.pl/wp-content/uploads/2023/02/Spotlight-FEBRUARY-2023.pdf

. Cette évolution a été facilitée par le modèle libéral d’accès au marché du travail polonais pour les citoyens des pays post-soviétiques, et par la forte demande de travailleurs dans l’économie polonaise marquée par un développement dynamique.

Au début de l’année 2022, la Pologne comptait plus de 2 millions de migrants, dont environ 1,5 million en provenance d’Ukraine. Dès le 24 février 2022, premier jour de l’agression russe contre l’Ukraine, le gouvernement polonais a décidé d’ouvrir la frontière polono-ukrainienne à toutes les personnes fuyant la guerre et d’appliquer (pour la première fois depuis sa création) la directive de l’Union européenne sur la protection temporaire. Grâce à ces mesures, à la fin de l’année 2022, quelque 8 millions de citoyens ukrainiens avaient franchi la frontière polonaise. Dans le même temps, 6,2 millions d’Ukrainiens ont retraversé la frontière polonaise pour retourner en Ukraine. Pendant la période d’afflux le plus massif, à la fin de l’été 2022, il y avait environ 1,5 million de réfugiés de guerre ukrainiens en Pologne. Cela signifie que la population de la Pologne a augmenté de près de 5 % en quelques mois seulement 3

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Sarian JAROSZ et Witold KLAUS, Polska Szkoła Pomagania. Przyjęcie osób uchodźczych z Ukrainy w Polsce w 2022 roku [École polonaise d'aide : accueil des réfugiés d'Ukraine en Pologne en 2022], Konsorcjum Migracyjne, Fundacja Ośrodek Badań nad Migracjami, Centrum Badań Migracyjnych, 2023.

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L’attaque contre l’Ukraine a été un choc pour la société polonaise, d’une part en ravivant les craintes d’une escalade et d’une menace imminente pour la Pologne, d’autre part en déclenchant des niveaux sans précédent de solidarité, d’engagement et de volonté d’aider à tous les niveaux – individuel, collectif et institutionnel.

La mobilisation de la société polonaise, mais aussi des Ukrainiens qui s’étaient installés en Pologne avant la guerre, a joué un rôle clé dans le soutien aux réfugiés de guerre ukrainiens. Selon l’Institut économique polonais, au cours des trois premiers mois qui ont suivi le début de la guerre, 77 % des Polonais adultes se sont impliqués dans l’aide aux réfugiés de guerre, et 7 % des Polonais ont accueilli des réfugiés chez eux. À la fin du mois de mai 2002, l’aide des ménages s’élevait entre 9 et 10 milliards de PLN (environ 2,2 milliards d’euros). À titre de comparaison, un peu moins de 4 milliards de PLN (800 000 euros) d’aide humanitaire à des fins diverses ont été collectés en Pologne pour l’ensemble de l’année 2021.

Les bibliothèques publiques se sont immédiatement impliquées dans l’aide aux réfugiés de guerre ukrainiens. Elles disposaient des ressources nécessaires pour le faire grâce au réseau dense d’établissements présents dans chaque unité administrative. Il existe environ 2 700 bibliothèques publiques et 5 000 annexes, réparties équitablement entre les villes (35 %) et les zones rurales (65 %).

Première phase : accueil et hébergement

Dans les premiers temps, la tâche la plus importante était d’héberger les nombreuses personnes arrivées en Pologne et de leur fournir des conditions de vie de base. Des équipes entières de bibliothécaires, notamment dans les zones frontalières, se sont engagées dans l’aide aux réfugiés. Certains étaient affectés aux centres d’accueil dans le cadre de leur travail mais beaucoup travaillaient bénévolement après avoir terminé leur activité professionnelle. Les bibliothécaires ont organisé des collectes de dons en espèces et en nature – vêtements, couvertures, nourriture, articles de toilette, médicaments et jouets – coordonnées par les bibliothèques elles-mêmes ou en coopération avec des municipalités, des ONG, des fondations et des associations. Des sacs à dos contenant des fournitures scolaires (cahiers, peintures, trousse à crayons, sac à chaussures et boîte à petit-déjeuner) ont été préparés pour les enfants ukrainiens censés poursuivre leur scolarité dans les écoles polonaises dès que possible.

Il est arrivé que des Polonais apportent spontanément des dons aux bibliothèques, confiants dans le fait que les bibliothécaires les remettraient aux personnes dans le besoin. Les collectes ont été si fructueuses et généreuses que de nombreux articles ont été transportés en Ukraine et livrés, par exemple, à des orphelinats et à des villes situées dans les régions de la ligne de front.

La mise à disposition d’informations et l’accompagnement pour s’orienter dans leur nouvel environnement ont été une forme de soutien très attendue par les réfugiés. Les bibliothécaires ont souvent aidé à remplir des documents administratifs, à créer des comptes de messagerie, à chercher un emploi, à rédiger et à envoyer des CV, à contacter un traducteur agréé ou à s’inscrire pour une consultation médicale.

Les citoyens ukrainiens ont pu utiliser des ordinateurs avec accès à internet et certaines bibliothèques ont acheté spécialement à cette fin des claviers d’ordinateur avec des caractères ukrainiens (un clavier QWERTY standard est utilisé pour le polonais). Les bibliothèques n’ont pas facturé la photocopie et l’impression des formulaires administratifs. Pour faciliter l’accès aux informations officielles, des pages en ukrainien ont été créées sur les sites web de la plupart des bibliothèques, avec des liens vers les services publics et municipaux nécessaires (pour l’obtention d’un numéro de sécurité sociale, par exemple).

Alors que les bibliothèques publiques se mobilisaient pour aider les citoyens ukrainiens en Pologne, la Bibliothèque nationale de Pologne s’est concentrée sur les bibliothèques ukrainiennes dont les bâtiments avaient été endommagés par des roquettes (la Bibliothèque nationale d’Ukraine à Kiev et la Bibliothèque scientifique centrale de l’Université nationale de Kharkiv). Les murs endommagés et les vitres brisées des fenêtres ainsi qu’un système de chauffage défectueux constituaient une menace pour les collections. Les basses températures et l’humidité ont entraîné un développement rapide des moisissures et des champignons. La Bibliothèque nationale de Pologne a acheté et fourni aux bibliothèques ukrainiennes des extincteurs, des couvertures anti-feu, du film plastique et du ruban adhésif pour sceller les fenêtres brisées, ainsi que des produits spéciaux antimoisissures et antifongiques pour protéger les livres, les manuscrits et les murs.

Deuxième phase : stabilisation et intégration

La phase d’accueil a été suivie d’une deuxième phase de stabilisation et d’intégration. Au cours de cette période, la nature de l’aide fournie a changé. Les bibliothèques ont commencé à organiser des cours gratuits de polonais. Cette initiative a été bien accueillie par les réfugiés ukrainiens car la connaissance de la langue du pays d’accueil facilite la vie quotidienne et augmente les chances de trouver un emploi correspondant à ses qualifications. Le polonais a été enseigné par des bibliothécaires qualifiés, des professeurs d’école et des bénévoles (des colons ukrainiens intégrés qui parlaient couramment les deux langues). Pendant que les parents (essentiellement des mères) suivaient les cours de langue, les bibliothécaires s’occupaient souvent de leurs enfants, organisant des jeux de renforcement de l’esprit d’équipe et des activités artistiques et créatives. Dans de nombreux cas, les cours de langue se sont transformés en réunions hebdomadaires des membres de la communauté ukrainienne, souvent agrémentées d’une tasse de thé ou de café servie gratuitement dans la bibliothèque.

Certaines bibliothèques ont recruté des psychologues et des thérapeutes pour offrir aux victimes de la guerre une assistance psychologique professionnelle et gratuite. Peu d’Ukrainiens cependant ont profité de cette opportunité, que ce soit en raison des barrières linguistiques, de la difficulté à gagner leur vie ou de la situation instable et temporaire de leur séjour en Pologne.

L’organisation d’événements, de conférences, de pique-niques et de festivals visant à faire se rencontrer Polonais et Ukrainiens, à apprendre à connaître et à comprendre les cultures et les coutumes les uns des autres, a été une forme d’activité très populaire dans les bibliothèques publiques au cours de cette phase. Des experts ont été invités à présenter aux Polonais la culture, la littérature et l’art ukrainiens, mais des réunions ont également été organisées pour expliquer aux Ukrainiens les coutumes et les traditions de la Pologne. Grâce à des expositions, des vernissages, des soirées de poésie et des concerts dans les bibliothèques publiques, les artistes ukrainiens ont eu l’occasion de présenter leur art au public polonais. Dans la mesure du possible, les bibliothèques ont employé des bibliothécaires ukrainiens. Cependant, il s’est avéré que ces derniers abandonnaient souvent ces emplois, déménageant dans des villes plus grandes ou dans d’autres pays de l’UE, ou cherchant des postes mieux rémunérés.

Tout au long de l’année 2022, les bibliothèques publiques ont organisé plus de 22 000 événements en réponse à la situation en Ukraine, mobilisant à la fois le temps et les efforts des bibliothécaires et les ressources financières des bibliothèques. À quelques exceptions près, cependant, la réponse des réfugiés ukrainiens a été modérée et moins importante que prévu.

Acquisitions et prêts de livres en langue ukrainienne

Il en va de même pour les prêts de livres. Dès les premiers jours de l’afflux massif de réfugiés de guerre ukrainiens, les bibliothécaires se sont efforcés d’acquérir des collections en ukrainien en prévision de la demande. En fait, les Polonais qui accueillaient des Ukrainiens chez eux se sont rapidement présentés dans les bibliothèques pour demander des livres pour enfants et adultes en ukrainien qu’ils pourraient emprunter au nom de leurs invités.

Pour répondre à cette demande, les bibliothèques ont acheté les livres en puisant dans leurs fonds d’acquisition. D’importantes quantités de livres en ukrainien ont également été acquis pour être donnés aux bibliothèques publiques par des institutions publiques, des ONG, ou ont été offerts par des éditeurs polonais ayant eux-mêmes publié des livres en ukrainien. Les dons de travailleurs ukrainiens installés en Pologne ont également constitué une source importante de livres. Fin 2022, les collections des bibliothèques publiques comptaient plus de 94 000 volumes en ukrainien.

Il est surprenant de constater que l’intérêt pour l’emprunt de livres de fiction dans leur langue maternelle a été modéré chez les adultes et qu’il s’est surtout manifesté au cours des premiers mois de l’année 2022. À quelques exceptions près, les lecteurs ukrainiens préféraient emprunter des livres de fiction en polonais, ainsi que des dictionnaires (polonais-ukrainien, russe-polonais) et des livres d’apprentissage de la langue polonaise. Ils se sont également montrés enthousiastes à l’idée d’utiliser les plateformes commerciales de livres électroniques, où les fournisseurs ont rapidement élargi la gamme des titres disponibles pour y inclure des livres en ukrainien. La demande de livres pour enfants en ukrainien a été plus soutenue même si, là encore, les livres bilingues (polonais-anglais, par exemple), qui facilitent l’apprentissage rapide de la langue du pays d’accueil, ont été très populaires.

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A Court of Wings and Ruin, un roman pour jeunes adultes de Sarah J. Mass en édition ukrainienne, exposé avec d’autres livres en langue ukrainienne et en attente d’emprunt à la bibliothèque publique d’Opole, région de Silésie, en Pologne

Photo Izabela Koryś

Selon une estimation approximative, sur les 215 000 citoyens ukrainiens qui se sont rendus dans les bibliothèques publiques pour quelque raison que ce soit (recherche d’aide et d’informations, utilisation d’ordinateurs et d’imprimantes, participation à des cours de langue, événements, rencontres avec des compatriotes ou emprunt de livres), environ 25 % ont été enregistrés comme utilisateurs de la bibliothèque et seulement 15 % sont devenus des emprunteurs actifs 4

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Estimation personnelle basée sur les rapports des bibliothèques publiques.

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Dans un discours prononcé lors de la conférence « Literacy for Democracy » à la Foire internationale du livre de Varsovie le 25 mai 2023 5

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L’intégralité de la conférence est enregistrée et disponible avec une traduction simultanée en anglais à l’adresse suivante : https://fpc.org.pl/literacy-for-democracy/literacy-for-democracy-conference-recording/ Olexandra Koval est la quatrième intervenante de la première session.

, Olexandra Koval, directrice de l’Institut ukrainien du livre, a proposé une explication possible de cet intérêt limité pour l’utilisation des services de bibliothèque en faisant référence à ses propres souvenirs et expériences : sous le régime communiste avant l’effondrement de l’Union soviétique, les bibliothèques ukrainiennes et leurs collections ont été utilisées par le gouvernement de Moscou comme un outil pour la propagande du Parti communiste et la diffusion de récits de l’héroïsme russe pendant la Seconde Guerre mondiale. Cela a discrédité les bibliothécaires aux yeux de « l’utilisateur moyen » en tant que sources crédibles et fiables pour l’information et les recommandations de livres, et a affecté l’attitude générale à l’égard des bibliothèques publiques et de leur rôle dans la société.

Alors que les bibliothèques publiques polonaises se sont considérablement transformées au cours des trente dernières années pour devenir des « troisièmes lieux » et des bâtisseuses de capital social conscientes d’elles-mêmes, leurs homologues ukrainiennes sont restées sous-financées et dépassées. Selon Olexandra Koval, seul un tiers des bibliothèques publiques ukrainiennes sont informatisées et dotées d’un catalogue en ligne. Sur les 160 millions de volumes disponibles dans 12 000 bibliothèques publiques, 52 % des titres ont été publiés avant 1991. La décision de Koval de retirer plus de 100 millions de volumes aux « contenus anti-ukrainiens qui renforcent les récits impériaux et promeuvent la violence, les politiques prorusses et chauvines » 6

des bibliothèques ukrainiennes a déclenché une controverse, des accusations de « purge de livres » 7, et a peut-être encore accru les tensions sur des bibliothèques publiques déjà « politisées ».

Un autre facteur qui, selon la directrice de l’Institut ukrainien du livre, contribue au manque d’intérêt pour la fiction ukrainienne est la faiblesse du marché du livre et le manque d’habitudes de lecture. En 2021, l’Ukraine ne comptait que 200 librairies (sans compter les livres vendus dans les supermarchés), soit une librairie pour 200 000 habitants ; 1 065 maisons d’édition ukrainiennes (y compris des éditeurs universitaires et indépendants) ont publié 21 000 titres en 45 millions d’exemplaires (dans un pays de 44 millions d’habitants). En 2022, ces chiffres étaient tombés à 130 librairies ouvertes, 560 maisons d’édition actives et 9 700 titres publiés en 11,6 millions d’exemplaires ; 41 % de la population ukrainienne déclarent pratiquer la lecture de loisir, mais seuls 8 % des adultes et 13 % des enfants lisent tous les jours.

Conclusion : ce qui a fait la différence

L’afflux massif de citoyens ukrainiens fuyant la guerre vers la Pologne au début du printemps 2022 diffère considérablement des précédentes crises migratoires en Europe. Tout d’abord, conformément à la directive européenne sur la protection temporaire, les citoyens ukrainiens qui ont franchi la frontière polonaise après le 24 février 2022 ont eu accès au marché du travail, au système de sécurité sociale et à la protection sociale, à la liberté de circulation en Pologne et dans les pays de l’UE (contrairement aux demandeurs d’asile « classiques »). Cela a accru leur mobilité en Pologne et à l’échelle internationale – après quelques semaines en Pologne, nombre d’entre eux ont déménagé dans des villes polonaises plus importantes offrant de meilleures opportunités d’emploi, sont retournés en Ukraine ou se sont installés dans d’autres pays de l’Union européenne. Par conséquent, leur séjour dans les petites villes n’a duré que quelques semaines. Dans certains cas, les réfugiés ukrainiens sont partis avant que les livres en ukrainien achetés pour eux n’arrivent à la bibliothèque.

Le deuxième facteur est la proximité culturelle et géographique. Les réfugiés ukrainiens ne sont pas arrivés en Pologne en provenance d’un continent lointain ou d’un contexte culturel éloigné, mais d’un pays voisin. Un grand nombre de leurs compatriotes s’étaient déjà installés en Pologne en tant que migrants économiques et ont joué le rôle de traducteurs et d’intermédiaires entre les nouveaux arrivants et la société polonaise. Les citoyens ukrainiens sont alphabétisés et instruits (l’école est obligatoire en Ukraine jusqu’au niveau secondaire), et une grande partie des jeunes générations parlent anglais, ce qui facilite également la communication et l’intégration. Les bibliothèques publiques ont été utiles, mais elles n’ont pas été la seule et unique source d’information et de soutien disponible.

Le troisième facteur qui a fait la différence est la technologie : les smartphones, l’internet mobile et le transfert de données à un prix abordable ont permis aux réfugiés ukrainiens de se tenir au courant des derniers développements dans leur pays et de rester en contact avec leurs parents et amis restés en Ukraine. Les ordinateurs et les claviers ukrainiens mis à leur disposition dans les bibliothèques publiques se sont avérés moins nécessaires que les bibliothécaires ne l’avaient prévu. En revanche, l’accès facile et constant à internet, aux médias sociaux et aux plateformes de streaming a pu répondre à un besoin des réfugiés ukrainiens de se distraire avec des contenus dans leur langue maternelle, besoin qui aurait autrement été satisfait par la lecture de livres, y compris ceux éventuellement empruntés dans les bibliothèques publiques voisines.

Les bibliothécaires polonais ont fait de leur mieux pour aider les réfugiés de guerre ukrainiens en leur fournissant des informations, une assistance et la possibilité d’emprunter des livres en ukrainien. Toutefois, les bibliothèques publiques n’étaient pas des lieux où la plupart des citoyens ukrainiens nouvellement arrivés se rendaient spontanément dès leurs premiers jours en Pologne. Certains ont été amenés dans les bibliothèques publiques par leurs hôtes polonais, d’autres ont été encouragés par les centres d’accueil, les municipalités ou leurs compatriotes. D’autres adultes ukrainiens se sont rendus dans les bibliothèques publiques à la demande de leurs enfants, qui avaient visité les bibliothèques lors de voyages scolaires, les avaient trouvées attrayantes et souhaitaient s’y inscrire en tant qu’utilisateurs et emprunteurs.

À la fin de l’année 2022, les bibliothèques publiques avaient cessé leurs activités destinées spécifiquement aux citoyens ukrainiens et traitaient ceux qui s’étaient déjà installés en Pologne comme des utilisateurs réguliers de la bibliothèque. On espère que l’expérience acquise par les citoyens ukrainiens dans les bibliothèques publiques pendant leur séjour en Pologne et dans d’autres pays de l’UE sera transférée dans leur pays d’origine et contribuera à accélérer la transformation des bibliothèques publiques ukrainiennes en espaces publics modernes, multifonctionnels et inclusifs.

(Article traduit de l'anglais.)