La stratégie de la Bibliothèque de Toulouse pour la musique : construire une politique diversifiée par l’expérimentation
La politique de la Bibliothèque de Toulouse autour de la musique s’est construite par étapes et irrigue tous les domaines d’intervention de la BMVR (Bibliothèque municipale à vocation régionale) : patrimoine, diffusion, constitution et prêt de collections, et enfin les services aux publics, l’action culturelle et la médiation. Cette politique s’appuie sur des constats, des méthodes et des services qui, observés de manière rétrospective, permettent de dégager des logiques, des dispositifs et une vision évolutive de la culture musicale en bibliothèque. Cet article se concentre essentiellement sur le volet lecture publique de la BMVR dans la mesure où la politique patrimoniale mériterait un développement spécifique du fait de la richesse de ces collections et du travail réalisé.
Les années 2000 sont fortement marquées par la constitution des collections de la médiathèque José-Cabanis, ouverte en 2004, dont le prêt constitue une locomotive pour ce nouvel établissement du paysage documentaire toulousain (jusqu’à 30 % des emprunts de la médiathèque pour les seuls CD). Mais rapidement, le streaming vient bouleverser le paysage et les pratiques culturelles. Et de fait, le déclin rapide du support CD et l’évolution des pratiques conduisent la BMVR, comme d’autres bibliothèques en France, à s’interroger activement sur le devenir de la musique en bibliothèque, et à trouver des solutions afin de poursuivre la mission de diffusion de la culture musicale. Vingt ans après, la fonction de prêt demeure auprès de publics vieillissants, et l’enjeu est désormais de toucher de nouveaux publics et de manière différente. Le pari est pris de la médiation par la pratique et le « faire » pour continuer d’exister dans un environnement saturé.
Contextes et leviers pour l’action
Structurée en réseau, la BMVR comprend 21 bibliothèques, dont 4 bibliothèques de quartier 1
qui proposent le prêt de CD, DVD, presse, livres, des instruments ou des services sur place. La Bibliothèque d’étude et du patrimoine présente de riches fonds patrimoniaux musicaux (dont le fonds Déodat de Séverac, acquis en 2016) 2, valorisés par un programme important de référencement et de médiation. Enfin, la médiathèque José-Cabanis – tête de réseau par sa taille, l’énergie de ses équipes et les moyens alloués – agit en aiguillon pour l’innovation et l’expérimentation de nouvelles formes de diffusion de la culture. En son sein, le pôle Musique offre 47 000 documents et de nouveaux services, et s’affirme comme un lieu central pour la diversification des propositions autour de la musique.Les différents projets d’établissements toulousains ont été centrés sur la qualité de l’accueil, l’inclusion et la dimension sociale de la bibliothèque. La structuration des projets, l’élargissement des publics et, pour ce qui concerne la culture musicale, le développement de services, sont des objectifs stratégiques portés par la Direction de la lecture publique et validés par la tutelle. Il s’agit toujours d’améliorer les services aux publics, de continuer de satisfaire les fréquentants et d’attirer de nouveaux utilisateurs en proposant des dispositifs innovants.
En outre, une vision volontariste des projets portée au plus haut dans l’organisation de la bibliothèque est soutenue par des budgets solides, tant en fonctionnement qu’en investissement (récemment pérennisés dans une Programmation pluriannuelle d’investissement (PPI) pour 2021-2026). Sans oublier le contexte dans lequel s’inscrit cette politique ambitieuse : Toulouse est une ville étudiante, riche de multiples propositions culturelles et musicales, dotée de salles de concert de tailles multiples, à la programmation variée, de la musique classique à la musique du monde, sans oublier les musiques urbaines et toutes les formes musicales d’aujourd’hui. Les publics sont là, et les partenaires sont nombreux.
Enfin, la culture professionnelle est un élément essentiel pour faire évoluer l’offre de services : soulignons ici le dynamisme des équipes, en tout point du réseau, qui s’investissent dans des dispositifs communs. Un groupe de travail permanent autour de la musique encourage le partage d’information et de savoirs, la mise en commun des problématiques et la recherche de solutions, ce qui en fait un outil pour la cohérence et la complémentarité des actions. La politique de recrutement a favorisé les profils spécialisés, suscitant l’entrée de mélomanes ou praticiens. Certains agents sont musiciens et cette connaissance appliquée est un atout pour concevoir les projets et faire communauté avec certains publics. Précisons à ce stade que la culture professionnelle et l’engagement associatif portés par des acteurs tels qu’Occitanie Livre et Lecture (qui coordonne le Bimoc, Bibliothécaires musicaux d’Occitanie) ou l’Acim (Association pour la coopération des professionnels de l’information musicale) ont été des appuis forts pour alimenter la réflexion.
Mais chaque médaille ayant son revers, il faut reconnaître que cette culture de l’action – alliée à la réflexion collective, une méthode itérative et des moyens adéquats – mériterait d’être solidement et plus précisément évaluée. Il convient en effet de définir de nouveaux indicateurs pour évaluer ces usages. Bien sûr, les statistiques (prêts, usages, consultations) sont importantes, mais il y a fort à parier que l’étude des durées de fréquentation, par exemple, alliée à des enquêtes de public, sera nécessaire pour orienter les stratégies à venir en matière de culture musicale. En effet, séduire de nouveaux publics induit de les connaître et de les cibler. La veille professionnelle, des enquêtes de publics, des questionnaires soutenus par des focus group et des entretiens individuels, de même que des analyses conjointes avec les partenaires seront d’un appui certain.
Le support en musique ? Il bouge encore…
Il y a donc urgence, car la baisse des prêts de CD est régulière et semble inexorable : entre 2005 et 2018, les prêts chutent de 57 % à la médiathèque José-Cabanis. Pour autant, l’analyse fine des chiffres démontre un engouement pour les méthodes d’apprentissage, les partitions et l’autoformation, les études du ministère de la Culture menées à l’époque confirmant le développement de la pratique amateur. De nouveaux services voient alors le jour, élaborés en mode projet par l’équipe du pôle Musique. Le prêt d’instruments est lancé en 2015 avec 8 instruments. L’engouement du public est immédiat : les réservations s’enchaînent, la demande est forte et l’offre s’enrichit au fil des ans (et des budgets). Désormais plus de 150 instruments sont disponibles à l’emprunt à l’échelle du réseau 3
, avec un taux de rotation supérieur à 10 4À la MJC, plus de 22 instruments sont proposés avec le dispositif Presto (prêt de deux semaines au lieu de trois, non réservable, non renouvelable) avec un taux de rotation annuel supérieur à 15.
Le prêt de CD s’effondre donc, les ordinateurs ne disposent plus de lecteurs intégrés, les prêts de livres consacrés à la musique stagnent, alors même qu’une édition indépendante et de qualité produit un catalogue stimulant (citons, à titre d’exemple, Le Mot et le reste 5
). Ailleurs, certains établissements ont désormais renoncé à proposer du prêt de CD. La bibliothèque Dok de Delft, aux Pays-Bas, par exemple, a remplacé ses bacs par des assises et ses disques par un accès à une plateforme de streaming bien connue (Spotify).À Toulouse, au fil des ans, plusieurs dispositifs viennent compléter l’offre traditionnelle de CD. En 2014, le prêt de vinyle est lancé à la bibliothèque Saint-Cyprien, suscitant l’écho de la presse locale et un succès immédiat auprès du public. En 2017, la médiathèque José-Cabanis ouvre le comptoir à vinyles (880 vinyles à ce jour), avec une politique documentaire complémentaire. En 2020, le prêt de cinq platines vinyles est mis en place afin de compléter l’offre sur cette pratique de niche. Et en 2023, pour aller jusqu’au bout de la logique, ce sont cinq platines CD qui seront prêtées. Depuis 2021, les bibliothèques de quartier peuvent disposer de fonds éphémères de CD, les Discomobiles : 5 flight cases composés chacun de fonds thématiques de 140 CD sur des genres musicaux, soit 700 CD en tout qui ont totalisé 1 700 prêts. Un chiffre modeste mais qui montre la bonne appropriation de ce dispositif par les bibliothèques de quartier et leurs publics.
Le pôle Musique de la médiathèque a réalisé près de 190 000 prêts de CD en 2018 : même si la baisse des prêts se poursuit, ce chiffre est loin d’être négligeable. En 2022, 110 000 CD environ auront été prêtés (projection novembre 2022) ce qui laisse présager d’un changement radical des habitudes, à relier aux difficultés des bibliothèques à reprendre leur place habituelle dans la vie des publics depuis la pandémie. Malgré tout, les acquisitions courantes de CD se poursuivent dans les cinq lieux de diffusion, dans un contexte de diversification des moyens d’accès. Les supports et l’écoute restent complémentaires des services orientés vers la pratique et le faire. Le budget est graduellement adapté à la baisse, mais suffisamment maintenu pour permettre l’innovation et l’acquisition de matériels.
Action culturelle et services en ligne pour une approche intégrée de la musique
Concomitamment, la Bibliothèque de Toulouse a misé sur deux domaines d’intervention pour une approche complète de la culture musicale : d’une part, une politique d’offre en ligne, qu’elle soit produite par la Bibliothèque ou proposée par des ressources numériques ; d’autre part, une approche intégrée de l’action culturelle.
Dès 2011, la Bibliothèque de Toulouse, à l’instar d’autres structures comme la Bibliothèque municipale de Lyon, ouvre un site en ligne entièrement dédié à la musique, baptisé BibliOzik 6
. Les équipes s’investissent alors dans la création d’un explorateur musical, dans une logique de diffusion pédagogique, et le site se donne pour ambition à l’époque de valoriser l’expertise des professionnels vers le large public. En 2020, le site collaboratif Occitanie Music Box 7 voit le jour et propose dans le même esprit le référencement des acteurs en Occitanie, alimenté par des professionnels de bibliothèques de la région. Il faut bien convenir que ces initiatives, si elles ont le mérite d’avoir existé, ont pris bien peu de place face à la puissance des algorithmes et ont peiné à trouver leur public. Pour autant, la constitution de playlists et l’expérimentation de diverses plateformes de diffusion 8 ont permis de (re)motiver des professionnels démunis face aux mutations en cours. En 2021, au sortir du confinement, le choix est fait d’afficher de façon explicite la proximité avec les publics en proposant un service en ligne et en faisant le « pas de côté » pour se distinguer : la personnalisation sera la valeur ajoutée des sélections produites par des bibliothécaires « humains ». Sur le modèle du service de questions/réponses en ligne Eurêkoi 9, Disquovery 10 est un service gratuit et personnalisé de recommandations musicales, garantissant une réponse en 72 heures. Ce service en ligne affiche son ambition d’être au plus près des utilisateurs (abonnés ou non) mais reste modeste et volontairement soutenable : les équipes toulousaines auront envoyé 276 playlists entre 2021 et 2022.La stratégie musicale de la Bibliothèque de Toulouse marche donc sur plusieurs jambes. L’offre d’actions culturelles est un pilier de cette politique, tant pour rendre compte de la vitalité du domaine, initier des partenariats, que pour attirer et satisfaire les publics autour de la musique vivante. Cela s’incarne, par exemple, dans la programmation des Music’halte, qui rassemble un public nombreux et régulier sous la splendide coupole de la Bibliothèque d’étude et du patrimoine. À la programmation régulière de concerts dans des espaces équipés pour accueillir environ 180 personnes s’ajoutent l’accueil de petites formes ou show cases, ou de concerts dessinés qui mixent les publics, sans oublier les productions musicales destinées au public jeunesse.
Les équipes de bibliothécaires s’illustrent aussi dans une myriade d’actions de médiation. La Fabrique de la musique 11
https://acim.asso.fr/mathieu-ferraro-presente-la-fabrique-de-la-musique-entretien-avec-un-hybride-4/
Les Nuits de la lecture, le festival des Siestes Électroniques avec une boîte à rythme artisanale, inspirée de la fameuse Mini Pops des années 1960, dont les plans sont partagés et utilisables.
Figure 1. Balance Oz concert live Facebook sur le pôle Musique
Photo Charlotte Henard
De nouveaux services pour un autre usage du lieu bibliothèque
Avec le prêt d’instruments, la dynamique est en marche et les équipes sont prêtes pour faire évoluer le modèle de l’offre. L’engouement pour la pratique musicale amateur permet d’aller plus loin, en s’appuyant sur la dynamique émergente liée aux réflexions sur le modèle « troisième lieu ». Les pays du Nord ont montré la voie, et le projet de créer un lieu dédié à la pratique amateur est né. Ce sera la Music Box, créée en 2016 à la médiathèque José-Cabanis, dans laquelle les fréquentants peuvent pratiquer leur instrument favori sans bruit. Cette pièce entièrement vitrée est placée à l’entrée du pôle Musique et est accessible avec une carte « Services » 14
La carte « Services » est gratuite pour toutes et tous sur présentation d’une pièce d’identité, pour 1 heure 30 d’utilisation de tous les dispositifs proposés sur place (visionnage de film ou TV, jeux vidéo ou de société, accès Internet, musique).
Ce service a trouvé son public, quand bien même la période Covid ne permet pas de sortir des statistiques significatives. 5 300 instruments ont été utilisés en 2018 (année de référence). Au regard des objectifs de départ, la fréquentation est bonne et de nouveaux usagers sont touchés. En plus des praticiens amateurs, mélomanes en herbe qui voient ici un moyen de pratiquer sans gêner leurs voisins, on note un fort intérêt de jeunes migrants qui viennent en groupe et souhaitent jouer ensemble. Ils ne sont pas les seuls à en faire le souhait et prochainement le service évoluera vers la pratique collective (possibilité de jouer ensemble au casque et d’enregistrer ses productions sur une clé USB). Le choix de la transparence et l’emplacement de la Music Box sont certainement pour beaucoup dans son succès. Le service est visible et incite à la curiosité. En revanche, à l’échelle des 9 500 m2 de la médiathèque, la situation en étage est un écueil car rien n’est identifiable depuis l’entrée de l’établissement. La visibilité de la musique dès l’entrée de la médiathèque est sans conteste un élément à améliorer, par exemple en présentant des instruments au rez-de-chaussée entre deux sélections thématiques.
Figure 2. Présentation de la Music Box par le dispositif de médiation La Fabrique de la musique
Photo Charlotte Henard
En ce qui concerne les usages sur place, le nombre d’écoutes a été de 27 000 en 2018 (et presque moitié moins en 2022), essentiellement par des habitués, des curieux mélomanes et des séjourneurs (pour partie des publics en grande difficulté sociale). La médiathèque José-Cabanis revendique d’être un lieu d’accueil pour toutes et tous, et ces écoutes, de même que les visionnages, permettent à chacun.e de passer du temps dans le lieu bibliothèque.
Le pari de la musique électronique pour cibler de nouveaux publics
Le réaménagement de l’espace dédié à la musique de la médiathèque José-Cabanis sera l’occasion d’aller plus loin dans la recherche de nouveaux publics. Pour ce projet qui a connu un temps d’arrêt du fait de la crise Covid mais qui devrait se concrétiser à la rentrée 2023, il s’agit de faire un nouveau pari. En se basant sur les expérimentations réalisées et l’analyse des pratiques du public visé (prêt d’instruments, animations dans et hors les murs), et après analyse du contexte local, le projet va faire la part belle à la diffusion de la musique électronique. Il consiste à remodeler totalement les espaces en faisant plus de place aux usages d’un public de praticiens, qu’il soit averti ou en recherche de conseils avisés. Les collections seront présentées en renforçant l’identification de chaque genre musical par l’adoption de codes visuels dédiés, et la circulation permettra de passer du « chaud » (les nouveautés, les instruments, la pratique) au « froid » (le fonds, la presse, les assises et l’écoute sur place). Pour ce faire, 20 % de la collection ont été désherbés pour se recentrer sur les essentiels de chaque grand genre. Le CD laissera une plus grande place aux instruments dits classiques, et à de nouvelles générations d’outils tels que les boîtes à rythme, samplers, synthétiseurs, pédales, looper, vocodeur. Le thérémine 15
, l’un des plus anciens instruments de musique électronique, sera, quant à lui valorisé par un usage sur place ou l’emprunt. En accès direct pour toutes et tous, ces instruments d’un nouveau genre seront très visibles, disponibles pour jouer sur place et présentés en alternance, avec une offre renouvelée régulièrement. Le dispositif de présentation sur des grandes tables visera à encourager la participation des publics. Certains instruments seront empruntables, d’autres non. La pratique de la musique assistée par ordinateur (MAO) sera quant à elle valorisée par l’ajout de nombreux matériels numériques 16Un nouvel espace dédié (en sus de la Music Box), équipé de 2 PC équipés de logiciels, un iPad muni du logiciel GarageBand avec clavier contrôleur MIDI, ainsi qu’une tablette Androïd.
Figure 3. Thérémine et samplers à la médiathèque José-Cabanis
© Bibliothèque de Toulouse
Les enjeux de ce nouveau projet sont multiples. Dans une logique d’accompagnement des publics vers d’autres usages, et mettant en valeur la musique électronique, il s’agit aussi d’opérer une mutation dans l’esprit des lieux. La démarche n’est pas totalement nouvelle pour la médiathèque et ses équipes puisqu’un espace dédié à la pratique artistique, la Fabrique à dessin, existe déjà et est situé à proximité de l’espace dédié à la musique. Néanmoins, franchir le pas de la médiation et de la transmission d’une culture suppose de la maîtriser un tant soit peu soi-même. La formation interne des équipes chargées d’animer le pôle Musique est donc un enjeu de taille. La chance du pôle Musique est d’avoir des agents curieux et qualifiés, dont certains sont de fins connaisseurs de la musique électronique, et le risque d’une médiation à deux vitesses devra être évité par la transmission de savoirs pratiques entre pairs. Faire communauté avec les musiciens, offrir un espace appropriable facilement, sans renoncer aux missions plus classiques de prêt et de renseignement sur tous les domaines musicaux, c’est tout l’enjeu de ce projet. Avec cette mutation, il s’agira de concilier les pratiques du mélomane habitué des lieux, de satisfaire l’amateur familier de nouvelles formes musicales, et de piquer la curiosité de toutes et tous.
Une démarche proactive pour valoriser la musique par tous les moyens
L’étude des pratiques culturelles, l’analyse des usages (qu’il s’agisse de ressentis objectivés par les statistiques ou du constat d’un public vieillissant ou que certains publics ne sont plus desservis), la pratique du benchmark, la lecture de la littératie professionnelle et la curiosité partagée sont autant de piliers nécessaires pour conduire ces démarches en mode projet. Ces nouveaux services, tous portés et initiés par les équipes de la Bibliothèque de Toulouse, constituent son histoire et sa force. Par une démarche d’expérimentation, dans une logique itérative, sans avoir peur de l’échec, les projets produisent une myriade de propositions qui constituent au final une offre cohérente, structurée et volontaire. Certaines initiatives ont eu moins de succès que d’autres, et il en sera encore ainsi. Pour autant, la recherche de la satisfaction du public reste un objectif qui conduit l’action et l’ambition toulousaines. Certaines actions sont délibérément circonscrites, d’autres sont plus spectaculaires, mais chaque initiative vise un ou des publics pour une forme d’acquisition de savoir, de découverte et de plaisir.
On peut supposer que la multiplicité des dispositifs et leur mise en cohérence permettront d’aiguiller la curiosité et l’intérêt des publics, et de favoriser le dynamisme des équipes. La formation est un enjeu dans l’accompagnement de la totalité d’un service. Elle s’organise le plus souvent en équipe avec des transmissions de savoirs par les pairs. Ainsi, tous les agents ne sont pas musiciens mais le fonctionnement collectif doit permettre la montée en compétence de toutes et tous. Sur certains aspects, comme l’entretien technique des instruments par exemple, ou les acquisitions très spécialisées, des complémentarités sont recherchées, et les fiches de postes prennent en compte les tâches spécifiques. En outre, les dispositifs de communication interne (le journal interne ou les matinées-projet, des rencontres annuelles destinées au partage de connaissance par tous les agents de la bibliothèque) sont mobilisés pour informer largement au sein de la structure.
Les usages se modifient, les supports changent, les propositions évoluent, la partition est mouvante, et la conquête des publics parfois ardue. Les conditions pour poursuivre la diffusion de la culture musicale, au même titre que les autres formes de savoir ou de connaissance, sont en tout cas une marque de fabrique à la Bibliothèque de Toulouse : de la méthode, des moyens, de la conviction et, surtout, l’envie et le désir du partage avec tous les publics.
Et la musique en ligne ?
Deezer, Spotify, YouTube, Soundcloud : écouter de la musique en ligne est devenu un usage courant, parfois au détriment d’autres pratiques moins connectées. Pour répondre à ces usages, la Bibliothèque de Toulouse propose à tous ses abonnés une offre de contenus musicaux et sonores sur sa bibliothèque numérique (Ma BM)1. Mais, loin des artistes populaires et d’un catalogue mainstream (accessible par ailleurs par les abonnés sur ces plateformes grand public), le choix a été fait de privilégier des contenus plus rares et insolites, opéra, jazz, musique contemporaine, baroque, musiques traditionnelles, par le biais d’un abonnement à la Philharmonie de Paris. Au total, plus de 5 000 documents sonores, vidéos de concerts, pages de découverte d’un artiste, d’un instrument ou d’un style musical, sont ainsi accessibles en illimité sur Ma BM. Pour l’heure, ces contenus n’ont pas encore totalement séduit le public puisque les ressources musicales ne constituent que 3 % des consultations (contre près de 40 % pour la presse et 35 % pour les livres numériques) avec une prédilection pour les contenus faisant l’objet d’une médiation physique ou d’une mise en valeur numérique. C’est le cas, par exemple, pour les chants d’Alep (Syrie) ou les concerts de Noël, promus en ligne et, de fait, davantage plébiscités par les visiteurs de la bibliothèque numérique.
Sébastien Nardot
Responsable de la Bibliothèque métropolitaine numérique, Toulouse Métropole