La musique plus que jamais au cœur de la vie quotidienne des Français
Si les usagers se sont massivement détournés ces dernières années des collections de CD, et n’ont jamais été vraiment conquis par les offres de musique en ligne proposées par les bibliothèques, conduisant celles-ci à entamer une profonde remise en question de la manière dont elles pouvaient remanier leur offre pour répondre aux attentes de leurs publics, la musique n’a jamais été aussi présente dans la vie des Français, comme le soulignent deux enquêtes récentes : Cinquante ans de pratiques culturelles en France 1
, publiée en 2020 par le ministère de la Culture et Les Français et la musique dans les territoires 2, réalisée en novembre 2021 par l’institut OpinionWay pour la Sacem (Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique).La musique, une pratique culturelle largement partagée par toutes les générations
Sixième édition de l’étude Les pratiques culturelles des Français éditée régulièrement par le ministère de la Culture depuis 1973, la dernière mouture, intitulée Cinquante ans de pratiques culturelles en France et menée en 2018 auprès d’un échantillon de 9 200 personnes, permet d’observer pour chaque pratique les évolutions sur cinquante ans. Les auteurs, Philippe Lombardo et Loup Wolff, posent deux constats principaux : la place croissante de la culture dans le quotidien des Français, et notamment l’essor de l’écoute de musique enregistrée, et le développement considérable depuis dix ans des pratiques culturelles numériques, qui bénéficie là encore en premier lieu à la musique.
La pratique musicale occupe également une place importante puisque parmi les 39 % de Français ayant une pratique culturelle amateur, 11 % mentionnent la musique, qui arrive en troisième position derrière la photographie (19 %) et de peu derrière le dessin (12 %).
L’essor considérable de l’écoute quotidienne de musique
En 2018, 81 % des Français écoutent de la musique (hors radio) alors qu’ils n’étaient que 66 % en 1973. L’écoute quotidienne, en particulier, s’est considérablement développée, surtout au cours de la dernière décennie : 57 % des sondés écoutaient de la musique tous les jours en 2018, contre seulement 34 % en 2008. Deux phénomènes principaux expliquent cet essor : une dynamique des âges qui fait que chaque génération se distingue de la précédente par un taux d’écoute supérieur, et le développement des usages numériques chez tous les publics. « Le cumul de la dynamique générationnelle, engagée dès les années 1970, et de la dynamique liée au tournant numérique de la consommation musicale dématérialisée au cours des 10 dernières années se traduit par une réduction drastique des écarts de pratique entre les plus jeunes et les plus âgés sur l’ensemble de la période », notent les auteurs.
Il y a cinquante ans, le nombre des 15-19 ans écoutant de la musique quotidiennement était 20 fois supérieur à celui des plus de 60 ans : en 2018, le ratio n’est plus que de 2,5. Les écarts de pratique entre les différentes catégories sociales mais aussi selon les types de territoire se sont également considérablement réduits : l’écart entre les cadres et les employés et ouvriers a été totalement comblé, de même qu’entre habitants des grandes agglomérations et habitants des zones rurales.
L’impact déterminant des équipements numériques
La généralisation des équipements numériques dans les foyers a été un facteur déterminant pour l’écoute musicale : 36 % des Français écoutent de la musique via les technologies numériques. Si les jeunes sont ceux qui y ont le plus recours (73 % des 15-24 ans), les générations plus âgées ne sont pas en reste : 34 % des 40-59 ans les utilisent et 12 % des plus de 60 ans. Les écarts de pratique selon les territoires sont également faibles puisque 30 % des habitants des petites communes (moins de 2 000 et moins de 20 000 habitants) écoutent de la musique en streaming, contre 45 % dans les agglomérations de plus de 200 000 habitants. « L’écoute quotidienne de musique devient ainsi progressivement une pratique très largement partagée, quels que soit les âges, le statut social ou les territoires », concluent Philippe Lombardo et Loup Wolff.
Le rôle prépondérant des acteurs locaux dans la vie musicale des territoires
Commanditée par la Sacem à OpinionWay, l’enquête intitulée Les Français et la musique dans les territoires avait pour objectif de contribuer à éclairer la réflexion des acteurs publics et privés sur la vie musicale en France. Ce sondage, mené auprès d’un échantillon de 2 001 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans, montre une population largement mélomane, pour laquelle la musique constitue un élément essentiel.
L’importance de l’expérience collective de la musique
73 % des personnes interrogées déclarent que la musique tient une place importante dans leur vie, dont 84 % des 18-24 ans et 78 % des 25-34 ans. Cette affirmation est particulièrement vraie pour les habitants des agglomérations de plus de 100 000 habitants. Parmi les mots associés à la musique (plusieurs réponses étaient possibles) arrivent en tête le plaisir (pour 65 % des sondés), la détente et la sérénité (59 %), l’émotion (44 %) et la fête (33 %). L’apport de l’expérience collective de la musique (concerts, manifestations musicales, pratique collective) est fortement reconnu : 87 % des sondés déclarent que la musique permet de découvrir d’autres cultures et de s’ouvrir au monde, 85 % qu’elle permet de rencontrer des personnes de tous âges, 84 % de renforcer le lien social et de lutter contre l’isolement, 80 % de rencontrer des personnes d’autres milieux sociaux, 76 % de renforcer le sentiment d’appartenance à une culture commune.
Le rôle de la musique dans les territoires, important mais marqué par des inégalités d’accès selon les lieux de vie
89 % des personnes interrogées considèrent que la musique est essentielle ou importante pour le bien-être des habitants d’un territoire, 88 % pour le dynamisme des centres-villes, 88 % pour la valorisation de la culture du territoire, 85 % pour l’attractivité d’un territoire, et 80 % pour la création d’emplois directs et indirects au niveau local.
Les Français sont assez satisfaits du nombre et de la variété des activités musicales dans leurs territoires : 66 % considèrent que les musiques sont suffisamment variées, 64 % qu’elles sont suffisamment nombreuses, et 61 % qu’elles sont suffisamment soutenues par les pouvoirs publics et les élus. 71 % des sondés considèrent avoir facilement accès à la musique dans les lieux proposant des cours (conservatoires, écoles, associations), 70 % dans les lieux de rencontres (cafés, restaurants), et 67 % dans les manifestations telles que des festivals ou dans des salles de concert.
Les résultats laissent cependant apparaître de fortes disparités entre les métropoles et les petites communes, en particulier les territoires ruraux : 74 % des habitants des métropoles se déclarent satisfaits de la variété de l’offre musicale, contre seulement 55 % des habitants des territoires ruraux. De même, 75 % des personnes résidant dans des villes de plus de 100 000 habitants disent avoir un accès facile aux manifestations musicales, alors qu’ils ne sont que 54 % dans les petites communes.
Les principaux freins aux activités musicales évoqués par les sondés sont le coût (pour 40 %), l’éloignement des lieux proposant de la musique (32 %), la faible fréquence des tournées nationales ou internationales dans la région (27 %), le manque de manifestations de musiciens locaux (21 %).
Une forte attente de mobilisation des acteurs locaux pour la musique
À la question « Quels sont les acteurs ayant le plus un rôle à jouer pour faire vivre les activités en lien avec la musique ? », 49 % des sondés mentionnent les municipalités, qui arrivent en tête devant les professionnels – organisateurs de concerts, gérants de salles – (47 % des réponses), les artistes (39 % des réponses), les autres collectivités locales – départements ou régions (35 %), les associations (également 35 % des réponses).
À la question « Quelles sont les mesures que devraient prendre en priorité les pouvoirs publics et les élus », 54 % des sondés ont mentionné le soutien à l’organisation de manifestations, 39 % l’ouverture de davantage d’espaces de création et de pratique musicales, 31 % la généralisation de l’enseignement de la pratique musicale, mesure qui arrive à égalité avec l’apport d’un soutien financier aux artistes locaux.