Musique : les bibliothèques gardent le rythme

Éditorial

Véronique Heurtematte

La désaffection des usagers pour l’emprunt de CD, régulièrement confirmée depuis une dizaine d’années par les diverses enquêtes menées au niveau local comme à l’échelle nationale, a conduit les bibliothèques à une profonde et difficile remise en question. Comment continuer à faire exister une offre autour de la musique qui ne soit plus organisée autour du noyau central d’une collection documentaire ? Comment même justifier dans ces conditions le maintien en bibliothèque de sections Musique dont la légitimité n’a jamais été complètement acquise aux yeux des tutelles et doit toujours être démontrée ?

Le peu de succès remporté par les premières réponses mises en œuvre par les bibliothécaires à la fin des années 2000, axées très logiquement pour l’époque sur l’offre de musique en streaming et de bornes d’écoute sur place, n’a fait qu’ajouter au désarroi d’une profession à la recherche d’un second souffle. Les établissements qui ont fait le choix d’une offre de musique entièrement numérique constatent la difficulté à faire exister ce secteur culturel en l’absence de toute matérialité dans les espaces de la bibliothèque.

Mais, attentives aux pratiques de leurs usagers comme aux grandes mutations à l’œuvre dans les pratiques de « consommation » de la culture, les bibliothèques musicales se sont récemment entièrement réinventées en misant sur une offre dédiée à la pratique amateur, la promotion de la musique vivante et sur des actions de médiation créatives et originales. Prêt d’instruments, studios de répétition, karaokés, concerts, siestes musicales, conférences, festivals, espaces pour la pratique en groupe : partout où elles sont expérimentées, c’est le succès assuré pour ces propositions qui répondent à la forte attente d’un public à la recherche d’une expérimentation directe, vivante et sensible de la musique.

Axée sur le partage, la dimension participative, l’offre renouvelée des bibliothèques autour de la musique, fruit d’expérimentations individuelles et d’une réflexion collective, entre en résonance avec l’une des tendances profondes de nos sociétés : le désir d’être pris en compte dans son individualité et de vivre des expériences personnalisées où l’on est acteur et non plus seulement consommateur passif.

Comme en témoignent les articles rassemblés dans ce dossier, la musique a toujours toute sa place et toute sa légitimité en bibliothèque.