Faire expérimenter et encapaciter

L’approche du numérique des « Petits Débrouillards »

Association « Les Petits Débrouillards »

Le réseau national « Les Petits Débrouillards » s’inscrit dans le double objectif majeur de l’éducation populaire : donner des clés à toutes et tous pour comprendre le monde ; donner les moyens d’agir sur son environnement. Ainsi, il ne s’agit pas seulement de diffuser des connaissances en les rendant plus accessibles, mais bien de conférer un pouvoir d’action au plus grand nombre. Le réseau des « Petits Débrouillards » présente son approche des questions numériques.

Ont contribué à ce texte : Ghislaine Hierso (trésorière de l’association française « Les Petits Débrouillards ») ; Hélène Breard (directrice, « Les Petits Débrouillards Grand Ouest ») ; François Deroo (directeur de l’association française « Les Petits Débrouillards ») ; Antony Le Goïc-Auffret (responsable Recherche et développement, « Les Petits Débrouillards Grand Ouest », enseignant à l’université Rennes-2 à l’UFR sciences humaines et sciences de l’éducation, et au CREAD, usages socio-éducatifs des TIC) ; Guillaume Apremont (adjoint de direction, pédagogie et numérique, « Les Petits Débrouillards Nouvelle-Aquitaine Sud ») ; Yann Sanchez, (coordinateur d’activités, chargé de développement numérique, « Les Petits Débrouillards PACA ») ; Guillaume Remaud (coordinateur Numérique et formations, « Les Petits Débrouillards Nouvelle-Aquitaine ») ; Laure Digonnet (responsable du secteur formation, « Les Petits Débrouillards Grand Est »).

*

À la découverte d’un réseau de curieux

Le réseau « Les Petits Débrouillards » participe du renouveau permanent de l’éducation populaire. Par une éducation aux démarches scientifiques, expérimentales et raisonnées, il contribue depuis 1986 à développer l’esprit critique, et à élargir les capacités d’initiatives de chacune et chacun. Son objectif est de permettre aux jeunes et moins jeunes de s’épanouir individuellement et collectivement, par des parcours de citoyenneté active et démocratique.

Faire pour comprendre, comprendre pour agir

Les « Petits Débrouillards » sont des gens curieux, dynamiques, et passionnés de sciences. Pour nous, la curiosité n’est pas un vilain défaut. C’est par les questions que nous grandissons. Cette perspective permet à tout un chacun, grâce à des sens en éveil, d’observer et d’appréhender son environnement direct, de mieux se l’approprier, d’agir dessus, de s’engager pour le défendre.

Apprendre à problématiser et à se questionner est essentiel. Cela réclame un apprentissage tout au long de la vie. Ce chemin est pour les Petits Débrouillards une condition requise pour des transformations sociales pacifiques et pertinentes, pour nous comme pour les générations futures. Autant commencer jeune !

Un réseau de proximité engagé

Le mouvement français « Les Petits Débrouillards » est composé de 10 structures associatives, 58 antennes et relais territoriaux, animé par 2 500 animateurs et bénévoles, 80 volontaires et 200 salariés permanents.

Les Petits Débrouillards participent à différents collectifs et programmes nationaux ou territoriaux axés sur le numérique : Grande École du Numérique, Class’Code, Éducnum, MedNum, Inria, conseillers numériques, Plateforme RSE (contribution au rapport « Responsabilité numérique des entreprises »), réseaux des tiers-lieux et des fablabs, etc.

Illustration
Carte du réseau des Petits Débrouillards

Les priorités de l’association

La nécessité sociale d’un accompagnement d’une grande part de la population en difficulté avec l’ordinateur ou internet est documentée depuis plusieurs années, c’est pourquoi nous en avons fait un de nos trois axes de développement au côté des programmes « Être humain, vivre ensemble » et « Éducation aux transitions ».

Deux dimensions retiennent en particulier notre attention :

  • celle de l’ambition sociale de la réponse aux inégalités sociales numériques ;
  • celle, plus technique, de la position des acteurs associatifs dans le contexte actuel vis-à-vis du projet.

Le rapport sur la e-inclusion du Conseil national du numérique et les travaux sur les soft skills montrent la nécessité d’aborder la lutte contre les inégalités numériques et l’accès au droit de manière globale. Si d’un côté il faut des professionnels qui accompagnent, au plus près, les usagers sur les plateformes de services dématérialisés, il faut également prévenir le décrochage numérique et, plus important, cultiver la littératie numérique pour augmenter le pouvoir d’agir des personnes.

Pour répondre aux inégalités, des actions sont développées, comme la formation « Tremplin numérique des Petits Débrouillards », qui s’adresse aux publics majeurs éloignés de l’emploi. Elle vise à relever le double défi de répondre aux besoins des entreprises et d’amener vers l’emploi le public visé en donnant une solide culture technique et numérique. Cette pédagogie active par projets est fondée sur la pratique, la résolution d’erreurs et un accompagnement individualisé avec la mobilisation d’un réseau local d’entreprises et de partenaires.

Pour « Les Petits Débrouillards », l’éducation au numérique consiste à faire comprendre comment fonctionne le numérique, les jeunes opérant ainsi une certaine distance. Par exemple, il s’agit de comprendre comment fonctionne un processeur, un serveur, comment une information est ensuite transformée en numérique. L’association cherche à faire comprendre comment la technologie peut influencer ou non les utilisateurs. Les sujets sont nombreux : au-delà de la compréhension du matériel, il faut également comprendre la logique, l’architecture, le langage, le code, l’intelligence artificielle. Sont aussi concernés les objets connectés, la robotique, les drones, la fabrication 3D, la modélisation. En ce qui concerne les usages du numérique, l’association se concentre sur les sciences humaines et sociales : comment fonctionne et s’organise un réseau social (comment les informations arrivent, comment et quelles données peuvent être récupérées…), l’éducation aux médias (désinformation…).

L’association explique et encourage la fabrication et la production de contenus, de façon plus partagée grâce au numérique (cartographies, wikis, projets coopératifs…). Plus précisément, cela passe par des actions comme :

  • le développement de sites qui se servent du numérique pour développer les activités et les approches ;
  • la formation : formations auprès d’enseignant.es, d’animateurs et d’animatrices et de professionnel.les, mais aussi formations spécifiques à des publics qui ont quitté le système scolaire et qui ont besoin de mieux comprendre les technologies (hackathons, « B to camp », mooc…) ;
  • la participation à la MedNum, coopérative de 70 sociétaires (associations et entreprises intéressées) dans laquelle 4 500 médiateurs interviennent sur les solidarités numériques.

L’information circule rapidement et touche un public large. Il y a donc un besoin fort de développer un sens critique aigu du public. Les entreprises doivent prendre conscience de leur impact sur le public. Il est essentiel de faire un travail par territoire, avec les parties prenantes locales. Cela permettrait d’améliorer le capital culturel numérique de tous. La responsabilité des entreprises est engagée pour augmenter le pouvoir d’agir de chacun.

Aux Petits Débrouillards, nous abordons le numérique au travers d’une pédagogie de l’expérimentation. Observer, s’interroger, expérimenter, tâtonner, débattre, conclure : la démarche scientifique est un antidote au dogmatisme. La pédagogie des Petits Débrouillards encourage la curiosité, le partage des connaissances et l’esprit critique. Grâce à cette démarche, les participants avancent à leur rythme et collectivement. Ils s’approprient les problématiques scientifiques au fur et à mesure qu’ils les découvrent et qu’ils les mettent à l’épreuve de leurs hypothèses, de leurs expérimentations, de leurs investigations et de leurs interprétations.

Si l’essaimage du numérique dans sa diversité est une nécessité, il est aussi primordial à ce stade d’inverser les logiques. Comment s’initier soi-même à la pensée numérique et aux compétences associées indispensables pour agir dans le monde qui nous entoure ou le numérique se trouve dans tous les espaces et temps de notre vie ? La nécessité d’inventer de nouveaux rapports par le fait de rendre tangible le numérique à travers des ateliers de « faire » et de pratiques mettent en place les conditions d’une rencontre réelle entre public et numérique pour aller au-delà des compétences techniques d’utilisation des outils numériques.

Les Petits Débrouillards revendiquent une approche à visée capacitante, émancipatrice, créatrice, dans un climat de collaboration horizontal et décloisonné favorable aux échanges, à l’appropriation des savoir-faire et à l’innovation au plus près des territoires quotidiens des publics (les envies, les désirs, les imaginaires personnels depuis la rue, le quartier, les structures de proximité que sont les centres sociaux, les points accueil Jeunes, les missions locales…).

Nous avons démontré les vertus de cette pédagogie dans le développement des compétences numériques transversales, celles qui permettent de se « débrouiller » au quotidien, celles qui permettent deux grandes ouvertures :

  • la reconquête de l’estime de soi, préalable à la mise en mouvement de toute personne ;
  • la réconciliation avec l’apprentissage ou la réhabilitation de la « prise de tête », pour que l’effort d’apprentissage soit récompensé par la satisfaction d’une nouvelle maîtrise, la possession d’une nouvelle compétence pour agir et se transformer.

La médiation numérique aux Petits Débrouillards, c’est tout ça. De la fabrication numérique, pas pour devenir un expert des méthodes agiles, du design et de la CAO, mais pour avoir prise sur le monde, ne plus craindre de se confronter à des technologies que l’on sait asservir à nos besoins pour finalement devenir plus autonome dans l’utilisation des services dématérialisés. De la programmation de robots, des jeux informatiques sans écrans, des programmes de lutte contre les fake news et pour l’esprit critique, de l’initiation à une utilisation créative des technologies (vidéo, wiki, sciences participatives…), il s’agit de tout un ensemble d’activités pour faire culture avec le numérique.

C’est dès l’école primaire que se façonne cette agilité. Le mythe des « digital native » s’est effondré depuis longtemps, et nous savons la nécessité d’apprendre et de développer un usage enrichi des technologies numériques.

Ainsi, l’inclusion numérique et l’accès au droit se travaillent aussi de concert. Un pas de côté permet souvent de mieux s’approprier un service. Plutôt que de mettre les individus face à leurs difficultés, à leurs échecs, au risque de les stigmatiser au regard de leurs situations sociales ou personnelles, il s’agit, pour les personnes adultes ou les enfants, de gagner en autonomie pour naviguer dans la société.

Plus que jamais, la crise du Covid a rappelé la complexité grandissante de la lecture et de la compréhension de notre environnement au quotidien. Complexité qui génère une désappropriation et une situation de dépendance et de soumission aux experts. Celles et ceux qui n’ont pas accès à la compréhension du monde sont confronté.es à une forme d’exclusion qui va souvent de pair avec la précarité culturelle, sociale et économique.

Traiter la question des biais genrés sur les pratiques numériques

La question de l’impact des biais genrés est largement portée par le programme « Être humain, vivre ensemble », qui permet de comprendre et de questionner les stéréotypes et préjugés liés notamment au genre.

L’approche complexe de la démarche nous amène constamment à lier les programmes (numérique, transition écologique et être humain, vivre ensemble) entre eux en proposant des activités qui questionnent le fonctionnement du monde. De plus, le traitement de ces trois grands axes thématiques nous place à l’interface d’une multitude de réseaux de partenaires qui ne se côtoient/connaissent pas toujours. Dans certains cas, le développement de ces activités ainsi que les rencontres conduisent à une production pédagogique.

C’est le cas, par exemple du livret pédagogique « Tous.tes numériques. Comment enseigner le code à l’école sans stéréotype de genre ? ». L’objectif de cet outil est de favoriser la place des femmes dans les filières du numérique et de créer une appétence pour ces filières chez les adultes de demain, de façon plus mixte et équilibrée. Ce livret à destination des enseignants en école primaire est soutenu par le ministère de l’Éducation nationale et la Fondation Femmes@Numérique, et s’inscrit dans le cadre d’un dispositif du Club Égalité des Alpes-Maritimes, « Parcours révélateur de talents pour grandir et s’orienter sans préjugés ». Le livret est composé d’activités pratiques et de conseils pour mettre en place des activités pour faire découvrir le numérique et initier les enfants au codage en classe de CM1/CM2 de façon ludique et inclusive.

TP de vulgarisation en 3 questions

Pour le Bulletin des bibliothèques de France, « Les Petits Débrouillards » reviennent sur des notions de base.

• Code source et logiciel, est-ce pareil ?

Un code source est un texte qui présente les instructions qui composent un programme. Un logiciel est un programme qui est interprété par une machine et permet de réaliser une tâche.

• Coder ou programmer sont-ils des synonymes ?

Des spécialistes feront une distinction, le plus grand nombre pas.

• Qu’est-ce qu’un algorithme ?

Un algorithme est une suite d’instructions basées sur des données permettant de résoudre un type de problème.


Trois références à suivre absolument quand on s’intéresse à la culture informatique

https://www.d-bloc.net/recherche?q=numérique

https://interstices.info/

https://pixees.fr/classcode-v2/

Tous les contenus publiés sur le site du Bulletin des bibliothèques de France sont placés sous licence libre CC BY-NC-ND 2.0 : Attribution – Pas d’utilisation commerciale – Pas de modification 2.0 France.