Academic Library Value
The Impact Starter Kit
Megan Oakleaf
ISBN 978-0-8389-1592-9 : 62 dollars
Cet ouvrage se présente sous la forme d’un kit pratique à l’usage des bibliothécaires universitaires, leur permettant de mieux cerner la valeur de leur bibliothèque auprès de ses usagers (étudiants et enseignants) mais également auprès de toutes les parties prenantes qui gravitent autour de la BU. Mesurer la valeur de la bibliothèque universitaire tout en identifiant les moyens de l’accroître dans le cadre de ses missions institutionnelles, telle est l’ambition déclarée en introduction.
Si cette notion de « valeur » est largement débattue outre-Atlantique par nos homologues américains, elle peut être encore nébuleuse ici. Un livre blanc 1 rédigé par la commission AFNOR/CN46-8, « Qualité - Statistiques et évaluation des résultats » est paru en février 2016 qui portait le titre un brin provocateur « Qu’est-ce qui fait la valeur des bibliothèques ? ». Ayant pour ambition de vulgariser les concepts proposés pas la norme ISO 16439 « Information and documentation -- Methods and procedures for assessing the impact of libraries » parue dans sa première édition anglaise en avril 2014, ce livre blanc insistait sur les notions d’impact et d’« outcomes ». La notion de valeur demeure très connotée dans cette publication et les auteurs présentaient principalement les méthodologies de mesure du retour sur investissement (ROI). Aujourd’hui, cette appropriation de la notion même de valeur a progressé au sein de la profession. Nous sommes en mesure de comprendre que la valeur de la bibliothèque se mesure également en termes d’impact sociétal 2 et qu’au-delà du ROI, il convient peut-être de se pencher sur le VOI (value of investment ou valeur sur investissement) qui prend en compte à la fois les bénéfices financiers et les bénéfices intangibles.
Dans la récente publication 3 coordonnée par Jérôme Pouchol qui propose un parcours de lecture à travers le blog de Bertrand Calenge, Carnet de notes, on peut lire cette très belle interrogation : « Alors le cœur des gens, au-delà des argumentaires institutionnels, comment le sondez-vous ? Comment mesurez-vous l’impact de vos services et collections sur la population hors ces mesures internes (ou comment l’estimez-vous, soyons modestes !) ? Bref le “dehors”, comment l’évaluez-vous ? »
C’est donc du « dehors » que nous parle Megan Oakleaf dans ce kit. L’auteur a longtemps œuvré en tant que consultante auprès de bibliothèques académiques. De cette expérience, elle a tiré des exercices et des formations qui lui ont permis d’aider les bibliothécaires à s’approprier les démarches nécessaires à identifier « la valeur de leur bibliothèque ». En 2012, elle a publié Academic Library Value : The Impact Starter Kit qui venait compléter son précédent ouvrage de 2010, The value of Academic Libraries : A comprehensive Research Review and Report. Ce dernier rapport publié pour le compte de l’ACRL est disponible en ligne 4 : il demeure l’ouvrage de référence en la matière. Tout récemment, en 2017, l’ACRL a commandé une mise à jour de ces travaux à OCLC qui a donné lieu à la publication de cette note de 82 pages (dont 39 pages de bibliographie) également disponible en ligne 5 : Action-oriented Research Agenda on Library Contributions to Student Learning and Success. Lynn Silipigni Connaway et ses corédacteurs y étudient comment les bibliothèques académiques peuvent s’aligner sur les problématiques de l’apprentissage et de la réussite étudiante et comment elles peuvent avoir un impact sur celles-ci, tout en faisant des recommandations sur la bonne façon de communiquer avec les parties prenantes de l’enseignement supérieur. Ces deux axes sont abordés via un examen exhaustif de 535 publications récentes dans les domaines des bibliothèques et des sciences de l’information ainsi que dans celui de l’enseignement supérieur.
Le kit qui fait l’objet de cette recension fournit une série de 52 fiches d’activité permettant concrètement aux bibliothécaires de conceptualiser ce qu’évaluer la valeur de la bibliothèque peut signifier, et d’identifier les moyens de mieux communiquer sur cette valeur aux différentes parties prenantes.
Il ancre solidement la bibliothèque universitaire dans l’agenda et les priorités de son université selon l’idée que la BU ne peut fonctionner hors sol (« Few libraries exist in a vacuum, accountable only to themselves », Sarah Pritchard). Sa valeur découle (ou découlera) principalement de sa capacité à répondre aux besoins des étudiants et des enseignants.
C’est dans cet esprit que sont organisés les premiers exercices qui proposent de mieux identifier les besoins de l’institution, de ses parties prenantes (les différents partenaires dans et en dehors de l’université, y compris les parents des étudiants) ; d’éclaircir ce qui constitue la valeur de la BU pour ces différents acteurs au travers d’ateliers où des questions comme « Rappelez-vous votre dernière visite en BU, ou la dernière fois qu’un bibliothécaire vous a aidé. Quelle aide avez-vous obtenue ? Qu’est-ce que cette aide vous a permis de réaliser ? » sont posées.
Une deuxième série d’exercices consiste à analyser la communication de l’université, du service de la scolarité ou de la recherche, et d’identifier ce que la bibliothèque fait actuellement pour contribuer à la réalisation des missions et objectifs de ces entités, le temps qu’elle y passe, les partenariats qu’elle noue autour de ces projets ou missions, mais surtout les actions qu’elle pourrait entreprendre pour démultiplier son utilité (sa valeur) pour la réalisation du plan d’action ou des priorités de l’université et de ses services.
Ce faisant, la bibliothèque doit s’interroger sur sa propre organisation, ses fiches de postes, son suivi et son évaluation des actions entreprises pour améliorer la réalisation des missions de l’université. Elle devra entreprendre un véritable audit de son action en faveur de son institution mère et de la réussite étudiante, et mettre en œuvre une évaluation continue de son impact en la matière. Pour cela, la bibliothèque doit construire un tableau de bord autour d’indicateurs qui permettent de suivre l’apport de la bibliothèque à ces objectifs principaux : la réussite étudiante, le succès de la recherche, le rayonnement de l’université. Plusieurs fiches d’activité proposent de travailler autour de l’évaluation des actions actuelles afin de passer de l’impact passif à l’impact actif !
« Knowledge is power, right ? We need to know if we’re making an impact so we can celebrate our successes and address our weaknesses. »
C’est ainsi que dans la partie intitulée « taking action », des fiches proposent des exercices ou des guides d’animation permettant de clarifier l’action de la bibliothèque en faveur de la réussite étudiante (la façon dont ils apprennent ; le taux de rétention) ; de la productivité des enseignants (faculty productivity) ; de l’efficience de l’université elle-même, de son prestige et de sa notoriété.
Pour finir, le kit propose de nombreux outils pour mener à bien ces évaluations (celles du « dehors », pour reprendre le mot de Bertrand Calenge) et entrer dans un cercle vertueux du pilotage de l’action par l’évaluation de l’impact et des résultats.
En conclusion, on pourra s’amuser de ce kit et de ses fiches qui ressemblent à certains cahiers de vacances que l’on achète plein d’entrain, mais que l’on oublie au fond d’un sac de plage et que l’on retrouve le 31 août plein de culpabilité mais persuadé que l’on fera aussi bien sans…
Cependant, s’il est peut-être difficile d’appliquer strictement ces fiches dans un contexte français, la lecture de cet ouvrage constitue une mine de pistes à explorer, adapter, interroger pour mieux piloter sa bibliothèque afin qu’elle devienne un outil performant, désiré, désirable et utilisable 6, contribuant à la réussite étudiante et au rayonnement de son université. Comprendre cet écosystème qui ancre la bibliothèque comme un service de l’université, dont l’action doit être guidée par l’utilité présente et future pour le bénéfice des usagers et des parties prenantes, peut être un ressort intéressant permettant d’envisager le futur.