Les métiers des bibliothèques
Éditions du Cercle de la librairie, collection « Bibliothèques », 2017, 208 p.
ISBN 978-2-7654-1526-8 : 38 €
Si le BBF ne m’avait pas proposé d’en faire la recension, je n’aurais peut-être pas pris le temps de lire Les métiers des bibliothèques, réflexions collectives sur les métiers des bibliothèques coordonnées par Nathalie Marcerou-Ramel. Ne pas le faire eut été fort dommage. Dans ce volume compact de 200 pages, doté d’une bibliographie à la fois conséquente et pertinente, seize contributeurs, dont la réflexion se nourrit d’années d’expérience de terrain qui leur donnent un recul appréciable sur les modes éphémères, font un état des lieux contemporain sur la manière dont se conjuguent aujourd’hui les métiers des bibliothèques, au pluriel, quinze ans après le fameux ouvrage Bibliothécaire, quel métier ? coordonné par Bertrand Calenge en 2004.
En le lisant avec l’attention soutenue requise par l’obligation morale d’en rendre compte, tant pour donner envie de le lire à ceux qui, comme moi, ne prévoyaient pas de le faire, que pour en tirer la substance en 5 000 caractères pour ceux qui en resteront à cette brève recension, je me suis interrogée sur ce que ce livre riche et dense pouvait apporter à différents types de lecteurs.
L’ouvrage, derrière un titre faussement simple, n’est pas une brochure Onisep sur les « Métiers des bibliothèques ». Ce n’est pas non plus une célébration édifiante de la nécessité des « Bibliothécaires dans la cité », illustrée de parcours inspirants assortis de beaux portraits sur papier glacé. Encore moins un manuel pratique, comme peut l’être le Métier de bibliothécaire d’Yves Alix. Bref, ce n’est pas une lecture à picorer, mais dix-sept textes substantiels, destinés à rester comme un jalon et une photographie de la manière dont s’écrivent et se projettent nos métiers en 2017.
Si vous êtes responsable d’équipe en bibliothèque, la première partie de l’ouvrage, « Retour sur les fondamentaux », nourrira votre réflexion en matière de définition de missions et de fiches de postes : les contributions de N. Godonou Dossou, C. Letrouit et P.-Y. Cachard explorent en profondeur les trois facettes des rôles de médiation des bibliothécaires en matière sociale, documentaire ou de compétences informationnelles. Ils dessinent les contours, chacun à sa manière, de ce « génie du tiers » dans un univers où être en mesure d’aider chaque usager à identifier et à prioriser ses besoins dans une situation d’abondance informationnelle prend un relief tout particulier.
Si vous travaillez, selon le joli terme belge employé par Y. Alix dans sa contribution, à accompagner la formation continuée en bibliothèques (formateur, correspondant formation, n + 1 impliqué dans l’évolution des compétences), l’ouvrage est une invitation à faire un bilan des compétences actuelles des équipes et à faire de vous un acteur à la réflexion stimulée pour co-construire une offre de formation adaptée aux évolutions des métiers, non seulement en termes de missions, mais aussi en matière de travail collectif et d’innovation organisationnelle.
Si vous êtes en position d’influer sur la gestion prévisionnelle des emplois et compétences (GPEC) dans la bibliothèque où vous exercez, ou dans un service de DRH, les projections et réflexions salutaires de Ph. Marcerou sur les évolutions possibles (et nécessaires ?) des statuts rappellent les conditions de l’exercice des métiers des bibliothèques, et montrent bien en creux que l’homéostasie de notre profession est très grande – la labilité de surface des missions restant ancrée en profondeur dans une stabilité structurelle, sur plusieurs générations, des statuts –, résiliente face aux changements sociétaux.
Si vous être directrice ou directeur de bibliothèque et avez une fonction de représentation et de négociation, plusieurs contributions décrivent les mutations du rapport au politique et ouvrent des pistes d’action pour faire évoluer la perception qu’ont les décideurs du rôle des bibliothèques et des bibliothécaires au service des communautés à desservir. Ce livre est également susceptible de nourrir votre réflexion sur les dispositifs managériaux les mieux à même de soutenir et de favoriser les évolutions des métiers : la contribution d’É. Pichard fait la part belle aux pistes d’actions et appelle à dépasser la recherche d’« innovation pour l’innovation » pour co-construire le sens de nos actions avec les publics concernés. I. Eleuche décrit de manière précise et documentée comment une démarche de certification qualité permet une prise de décision aux bons échelons, reposant sur des éléments factuels, suivis dans le temps et améliorant à la fois les processus objectifs et subjectifs et l’impact du travail des bibliothécaires auprès des usagers.
Si vous préparez un concours d’entrée de catégorie A ou B ou un examen professionnel, ce livre sera pour vous une très bonne manière de préparer les oraux : vous y trouverez les notions clés pour montrer que vous comprenez les ferments d’évolution à l’œuvre (le numérique, le lien avec les métiers frontières d’archiviste et de documentaliste). La lecture de la contribution de P. Latour vous permettra, au fil de dix pages enlevées, de dresser une mise en perspective de métiers passés du service des savoirs au service des personnes, dans une vue cavalière allant de Ninive à Couperin. Si vous voulez aller à l’essentiel sans tout lire, l’introduction très complète de N. Marcerou-Ramel résume en vingt pages synthétiques toutes les notions évoquées par les seize contributeurs et souligne les citations clés remarquables des différents chapitres.
D’un point de vue subjectif de directrice de BU et animatrice de la commission #ADBUmétiers, promotrice zélée de bibliothèques utiles, utilisables et attentives à leurs usagers, j’ai trouvé encourageant que la plupart des chapitres soulignent l’importance de mettre les besoins des usagers au centre des processus d’action et de décision et mentionnent le développement de compétences en Design UX et connaissance des usages comme des enjeux forts des métiers des bibliothèques en 2018.
La conclusion du britannique G. Bulpitt résume fort bien des enjeux sur lesquels je travaille depuis des années de manière empirique : « Pour une bibliothèque, la clé de la réussite réside dans l’importance accordée à l’usager, donc à la fourniture de services susceptibles de s’adapter aux besoins de chacun. […] L’organisation du travail doit reposer sur un travail en équipe souple plutôt que sur les hiérarchies, ce qui valorise les individus et répond aux attentes des nouvelles générations d’usagers et de personnels. Les agents doivent enfin être incités à prendre des responsabilités, tant dans l’exercice de leur métier que dans leur développement personnel. […] C’est la combinaison d’une priorité donnée à l’usager, d’une bonne expérience de gestionnaire et d’un solide profil de compétences, conçu pour évoluer dans un environnement exigeant, qui donne aux bibliothécaires des atouts pour piloter le changement. »