Publier pour faire communauté

Les publications scientifiques de La contemporaine

Dominique Bouchery

Anne Joly

Wanda Romanowski

La politique éditoriale de La contemporaine procède des liens privilégiés de l’institution avec les milieux de la recherche en sciences humaines et sociales. Trois publications sont présentées : la revue semestrielle Matériaux pour l’histoire de notre temps, la collection « Sources et travaux de La contemporaine » aux Presses universitaires de Paris Nanterre et les catalogues d’exposition.

La Contemporaine's publishing strategy is rooted in its close links with social science and humanities research circles. The article looks at three publications, the twice-yearly journal “Matériaux pour l’histoire de notre temps”, the collection “Sources et travaux de La contemporaine” published by Presses universitaires de Paris Nanterre, and exhibition catalogues.

La politique éditoriale de La contemporaine (nouveau nom de la Bibliothèque de documentation internationale contemporaine – BDIC – depuis le 1er mars 2018) est étroitement liée à la nature de ses collections patrimoniales, à la position particulière qu’elle occupe dans le champ de la recherche en tant qu’établissement interuniversitaire, ainsi qu’à la mission de diffusion culturelle qui lui est assignée depuis sa fondation en 1917.

Les collections de La contemporaine, rassemblées à l’origine pour comprendre les causes de la Grande Guerre, couvrent désormais toute l’histoire de l’Europe et des relations internationales aux XXe et XXIe siècles. Elles sont d’une extrême variété : peintures et estampes, photographies documentaires, affiches, presse politique française et étrangère portant sur l’ensemble du XXe siècle, archives privées (mouvements de la Résistance, Ligue des droits de l’homme – LDH, Cimade – Comité inter-mouvement auprès des évacués, etc.), sources imprimées rares (tracts, brochures, presse informelle), sans compter les monographies provenant de différentes aires géolinguistiques. La valorisation de ce fonds exceptionnel souffre cependant de la configuration actuelle des locaux, sans salle d’exposition permanente et dispersés sur deux sites distants (Hôtel national des Invalides à Paris et campus de l’université Paris Nanterre). En attendant la construction en 2020 d’un nouveau bâtiment sur le campus de Nanterre permettant de réunir enfin l’ensemble de la collection, La contemporaine s’est engagée dans une politique ambitieuse de publications de différentes natures, destinées à faire connaître ses ressources à la fois aux chercheurs, aux lecteurs de la bibliothèque et à un large public.

En tant qu’établissement interuniversitaire, La contemporaine accueille un public composé en grande partie de chercheurs et d’étudiants. Elle conduit aussi et participe elle-même à de nombreux programmes de recherche sur les thèmes de la mémoire, de l’histoire et du patrimoine (programmes du Labex Les passés dans le présent et, de plus en plus, participation à des projets ANR et des projets financés par la Comue Université Paris Lumières) et organise régulièrement, en partenariat avec différents laboratoires, des colloques et des journées d’études. Les publications de La contemporaine découlent de ces liens privilégiés avec les milieux de la recherche, dans diverses disciplines (histoire, sociologie, histoire de l’art, droit). Elles révèlent l’originalité et la qualité des collaborations qui se sont nouées entre l’institution et ses usagers et témoignent de l’accomplissement d’une autre des missions premières de l’établissement : servir de laboratoire d’histoire invitant les chercheurs à conduire de nouvelles expérimentations.

Trois publications de l’établissement sont évoquées ici. Chacune d’entre elles présente différents types de travaux de recherche, individuels ou collectifs, réalisés à partir des collections de La contemporaine.

La revue Matériaux pour l’histoire de notre temps (1985 – )

La contemporaine publie depuis 1985 une revue qu’elle coédite avec l’Association des amis de La contemporaine. Il s’agit ici de présenter succinctement l’histoire de cette publication et d’aborder les questions suivantes : où le projet éditorial de la revue prend-il sa source ? Comment associer le(s) public(s) à cette entreprise ? Comment l’inscrire dans le paysage de la recherche actuelle à partir des fonds remarquables que l’institution offre aux chercheurs ?

Origines

Le lancement de la revue Matériaux pour l’histoire de notre temps est étroitement lié à une période et un contexte particuliers de l’établissement. Avant la revue proprement dite, dont le no 1 paraît en 1985, l’Association des amis de la BDIC, fondée en 1981, publie depuis ses débuts avec le concours de la bibliothèque la Lettre de l’Association des amis de la BDIC & du musée. Au début des années 1980, la BDIC doit faire face à une crise importante : depuis plusieurs années, ses moyens financiers s’avèrent insuffisants et son existence apparaît menacée. La communauté scientifique attachée à l’institution s’organise en France et à l’étranger. Il s’agit de communiquer, de mobiliser autour d’une institution qui, ayant vécu synchroniquement les événements du XXe siècle, a dû essuyer de grandes difficultés de façon ininterrompue (instabilité de son implantation, exiguïté ou inadaptation des locaux, pénurie de personnels…). Cette « fragilité institutionnelle » explique que la mobilisation soit essentiellement le fait de personnes ayant un lien intellectuel et personnel fort avec la BDIC. Tel est par exemple le cas du premier président de l’association, Daniel Mayer, résistant, qui a été président de la LDH de 1958 à 1975, de la FIDH (Fédération internationale des ligues des droits de l’homme) à partir de 1977 et sera appelé à présider le Conseil constitutionnel à partir de 1983. La campagne des années 1980 pour sauvegarder la BDIC a porté ses fruits. La Lettre de l’Association des amis paraîtra de façon régulière (14 numéros) jusqu’à la fin de 1984. Elle se présente comme un bulletin de liaison sur la bibliothèque et le musée, informant notamment sur les activités et la vie de l’établissement (entrée des fonds d’archives ou documentaires, expositions présentées au musée des Invalides, etc.). La revue proprement dite apparaît au début de 1985 sous un titre qui mérite qu’on s’y arrête : la notion d’« histoire de notre temps » n’est pas sans évoquer « l’histoire du temps présent » d’un institut du même nom fondé quelques années auparavant  1. Elle rappelle la profonde vocation contemporanéiste de l’établissement. La démarche de collecte en prise directe avec les événements, initiée avec la Grande Guerre et la Révolution russe, est ainsi à poursuivre et à inscrire dans l’identité profonde de la BDIC. Le terme de « Matériaux » quant à lui insiste sur la notion de « sources ». Ce que l’établissement entend mettre à la disposition des chercheurs, ce sont ainsi les pierres qui leur permettront d’édifier leur maison, à savoir leur œuvre d’historien. Cette nouvelle revue veut contribuer au signalement de ces ressources, et faciliter leur accès au plus grand nombre.

Matériaux vue comme un « carrefour »

La revue apparaît à la fois comme un développement de la Lettre de l’association et comme son dépassement. Loin de s’éteindre, cette dernière se prolonge en tant qu’organe de communication sous la forme du Journal de la BDIC. Matériaux pour l’histoire de notre temps s’organise dès lors en parallèle comme un lieu de publications et une chambre d’écho des échanges intellectuels entre chercheurs, enseignants-chercheurs, doctorants, bibliothécaires. En d’autres termes, il s’agit d’y réunir les différentes composantes d’un public que l’on sait pluriel  2. Les numéros s’organisent autour d’un dossier thématique, progressivement pris en charge par un coordinateur scientifique, et de rubriques qui seront amenées à évoluer au fil du temps. Dans les années 2010, la maquette de la revue est totalement refondue et l’accent est mis sur la publication de Varia de jeunes chercheurs ou d’historiens amateurs travaillant à partir des ressources de l’établissement. Cette prise en compte de la pluralité des publics et des approches va dans le sens d’un élargissement du « collège invisible », notion chère à Moshe Lewin  3, qui entendait par là une sorte de confrérie amicale (et intellectuelle) formée autour de l’établissement et de ses collections. La dimension de « passage de relais » générationnel est aussi, sans doute, importante. Le même Moshe Lewin avouait être arrivé jusqu’aux portes de la BDIC par le biais d’un de ses maîtres, Basile Kerblay. De même, l’historienne Rita Thalmann a-t-elle commencé à y travailler sur les conseils avisés de son prédécesseur Georges Castellan  4.

Perspectives : élargir la diffusion

La mise en ligne sur le portail Persée (à partir de 2005), puis Cairn (à partir de 2011), a permis d’augmenter l’audience d’une revue qui, jusqu’alors, se trouvait essentiellement diffusée dans les bibliothèques et dans des cercles de personnes qui connaissaient déjà l’institution. Les outils statistiques offerts par ces portails montrent une démultiplication continue des consultations sur le temps long. Une « revue de bibliothèque » est soumise à une double difficulté : d’une part, elle risque d’être confinée dans une forme d’entre soi si elle s’en tient trop étroitement à ce qui fait sa vocation première, à savoir ses collections, ses projets, sa vie interne ; d’autre part, elle est d’un point de vue scientifique maintenue « au milieu du gué » en tant que revue semi-académique. Matériaux pour l’histoire de notre temps tente de maintenir l’équilibre en se tenant à distance de ces deux écueils. Pour cela, elle s’est notamment attachée à associer toutes les parties prenantes de la bibliothèque (chercheurs, militants, déposants…) en même temps qu’elle visait l’amélioration de son secrétariat de rédaction et de la qualité éditoriale des textes publiés. Le développement du projet éditorial est aussi passé par une structuration accrue en rubriques bien identifiées : des Varia, une « Chronique de la recherche » qui rend compte des projets dans lesquels est investi l’établissement (à titre d’exemples, le Labex Les passés dans le présent, le colloque « Femmes en déportation » autour du Fonds de l’ADIR) ou encore des recensions d’ouvrages de recherche publiés en lien direct avec l’institution (Emmanuel Naquet, Pour l’Humanité, PUR, 2014, sur l’histoire de la LDH).

Aujourd’hui, après plus de trente ans d’existence, Matériaux pour l’histoire de notre temps offre une base d’informations pertinente pour comprendre La contemporaine et ses fonds, son histoire et ceux qui l’ont faite, qu’il s’agisse de bibliothécaires, de chercheurs ou de tout autre type de lecteur. Un des enjeux pour la revue aujourd’hui est d’augmenter le nombre de ses participants, lecteurs et auteurs, notamment en poursuivant cette dynamique de passage de témoin.

La collection « Sources et travaux de La contemporaine »

Comme l’indique son titre, la collection « Sources et travaux de La contemporaine/BDIC », lancée en 2008 aux Presses universitaires de Paris Nanterre, rassemble à la fois les travaux de présentation, thématique et ordonnée, des fonds conservés à La contemporaine et les travaux de recherche réalisés à partir des collections. Y sont édités des répertoires de sources, des thèses ou travaux réalisés à partir des fonds et des actes de colloques ou journées d’étude. La démarche n’était certes pas nouvelle pour l’institution. Elle éditait elle-même auparavant sous forme de brochure à tirage modeste des actes des colloques qu’elle organisait (par exemple : Les Portugais et le Portugal en France au XXe siècle, actes de la rencontre organisée par le groupe EPOCA à la BDIC, le 8 décembre 2001) et plusieurs guides de sources (par exemple : Mémoire de 68 : guide d’une histoire à faire, Verdier, Lagrasse, 1993). Mais la création d’une collection intégrée au catalogue des Presses universitaires a fortement contribué à ancrer la bibliothèque dans son environnement de recherche tout en assurant une diffusion plus large de ses publications, désormais présentes en librairie. Dotée d’un comité de lecture, formé par les membres du conseil scientifique de La contemporaine, cette collection est dirigée par l’institution tout en bénéficiant de l’appui éditorial des Presses universitaires.

Depuis la création de la collection en 2008, cinq ouvrages ont paru. Le premier est un guide des sources tous supports de l’institution sur la Première Guerre mondiale  5. Instrument de recherche recensant quelque 150 fonds, cet inventaire permet toutefois une lecture thématique du conflit, des expériences du front à celles de l’arrière (politique et diplomatie, mais aussi questions intellectuelles et enseignement), tenant compte de l’historiographie sur le sujet.

Les deux thèses publiées relèvent de l’histoire de la photographie. La première, consacrée à la photographie soviétique de 1917 à 1945, d’Annette Melot-Henry (2012), s’est beaucoup appuyée sur les ouvrages de référence et la presse illustrée en langue originale de la bibliothèque. La seconde porte sur le fonds de la Section photographique de l’armée entre 1915 et 1919  6, section née de la volonté de l’État français de contrer les effets de la propagande par l’image exercée dans les pays neutres par les Allemands. Le musée de La contemporaine, qui relevait de la tutelle du ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts pendant la guerre, conserve une partie de ces photographies  7, l’un des joyaux de la collection photographique de l’institution.

Notons enfin la publication d’actes de colloque ou de journées d’étude organisés le plus souvent par La contemporaine à l’occasion d’importants dépôts d’archives privées. C’est le cas du colloque « La Cimade et l’accueil des réfugiés » (2010) qui s’est tenu lors de l’ouverture au public des archives de la Cimade  8, l’une des principales associations françaises d’aide aux réfugiés, et du colloque « Femmes en déportation » (2015) dont les actes sont sur le point de paraître, organisé lors du dépôt des archives de l’Association des déportées et internées de la Résistance (ADIR). Un colloque international sur l’histoire de la Ligue des droits de l’homme après 1945, dont le fonds a été récemment déposé à La contemporaine, sera organisé en décembre 2018. Les actes en seront également publiés dans cette collection.

Pour ces colloques, le principe est le suivant : lorsque l’inventaire du fonds déposé est achevé et qu’il peut être mis à disposition du public, la bibliothèque invite des chercheurs – jeunes et confirmés, historiens mais aussi sociologues, politologues ou juristes – à l’exploiter. Les actes présentent ainsi les résultats de leurs premières recherches exploratoires et s’accompagnent de présentations détaillées des fonds, l’idée étant à la fois d’en montrer le potentiel d’exploitation pour la recherche en histoire et plus largement en sciences sociales, et de présenter d’autres collections connexes de l’établissement : documentation, fonds de presse ou de photographie, etc., avec lesquelles les confrontations peuvent être fécondes. Dans le cas de l’ADIR, les actes ont fourni l’occasion de mettre en parallèle des fonds d’archives privées conservés dans d’autres institutions : le musée de la Résistance nationale à Champigny, le musée de la Résistance et de la déportation de Besançon, le Mémorial de Ravensbrück ou encore les fonds des Archives nationales.

Ces ouvrages sont l’aboutissement d’une collaboration étroite entre chercheurs, bibliothécaires, archivistes et associations dépositaires, souvent heureuses de faire entrer par ce biais leurs activités dans l’histoire. Ils sont le fruit d’un contexte de travail liant sur plusieurs années l’établissement aux associations concernées. De multiples rencontres et séances de travail ponctuent en effet le processus de dépôt d’un fonds associatif. L’institution garantit à la fois sa valorisation par la recherche et sa mise à disposition dans les meilleures conditions aux acteurs associatifs et, plus largement, à tous les citoyens. De ce travail commun naît un climat de confiance propice au dialogue, y compris critique. À ce titre, la publication des actes de colloque contribue à rendre tangible l’un des ponts que jette La contemporaine entre chercheurs d’un côté et acteurs et témoins de l’histoire, dépositaires de fonds, de l’autre.

Les catalogues d’exposition

Les expositions temporaires organisées par La contemporaine ont pour ambition d’offrir à un large public une traduction des avancées historiographiques permises par les recherches menées à partir de ses collections.

Les catalogues d’exposition publiés aujourd’hui par l’institution n’ont plus grand-chose à voir avec les petites brochures, le plus souvent dactylographiées, qui accompagnaient les expositions jusqu’au milieu des années 1980. Cette évolution s’inscrit dans un mouvement général de mutation des catalogues d’exposition, passés en quelques décennies de listes d’œuvres, accompagnées au mieux d’une courte présentation, aux beaux livres, associant textes scientifiques et images de grande qualité  9.

En ce qui concerne La contemporaine, le passage de la brochure au livre est lié au déploiement, dans les années 1980, d’une politique ambitieuse d’expositions temporaires destinées à un large public.

En 1984, le catalogue de l’exposition « La France et les Français de la Libération, 1944-1945 » est le premier à adopter le format d’un véritable livre. Le sommaire est calqué sur le parcours de l’exposition dont il reprend l’intitulé des sections et des sous-sections. Présenté dans la préface de Léo Hamon comme « un catalogue intelligent qui réussit en quelques pages le tour de force de donner les clés nécessaires à la bonne compréhension de cette période… aide les images exposées à faire naître chez les cadets l’émotion qui pour les anciens tiendra à leur souvenir  10 », il est composé de courts textes résumant les différents thèmes, accompagnés d’articles plus détaillés sur certains sujets. L’ouvrage est très largement illustré par les documents présentés dans l’exposition. De nombreuses affiches sont reproduites en pleine page, et si la plupart des pages sont imprimées en noir et blanc, deux cahiers de huit pages en quadrichromie permettent néanmoins de mettre en valeur les documents les plus visuels. En annexe, une chronologie, une bibliographie, la liste des œuvres exposées et une présentation de l’institution achèvent de donner au lecteur les outils nécessaires à la compréhension de l’exposition.

Les catalogues suivants adopteront tous ce format de livre, mêlant systématiquement textes scientifiques et nombreuses illustrations. Celles-ci sont de plus en plus abondantes, plus grandes et de meilleure qualité à mesure que les catalogues évoluent vers le format beau livre. Il faut cependant attendre la fin des années 1990 pour que l’édition des ouvrages se professionnalise. L’exposition « Les Sixties, années utopies », présentée aux Invalides à Paris en 1996, puis au Royal Pavillon de Brighton en 1997, est l’occasion d’une publication coéditée par Somogy, maison spécialisée dans l’édition des catalogues d’exposition. De format carré, et non plus rectangulaire, muni d’une jaquette, le livre est imprimé en couleurs  11. La présence dans l’exposition de très nombreuses œuvres d’art, et le partenariat avec le Musée d’art de Brighton, expliquent certainement ce choix d’une publication s’approchant du livre d’art.

Indispensables aux expositions temporaires dont ils constituent la trace durable, les catalogues ont pris ces dernières années une importance croissante, au point de constituer en eux-mêmes des événements, concomitants aux événements que sont les expositions. Outils de médiation destinés à donner aux visiteurs toutes les clés pour comprendre le propos des expositions, ils s’adressent cependant à un public plus large que celui des manifestations. Édités désormais par des maisons d’édition privées, diffusés en librairie, les catalogues de La contemporaine se doivent d’être attrayants pour répondre aux impératifs commerciaux des éditeurs. Les maquettes ont pour cela à répondre à plusieurs défis : un équilibre harmonieux entre les textes et les images, la mise en valeur des contenus, la représentation la plus fidèle possible de l’exposition. Le livre doit être facile à feuilleter, agréable à lire, rappeler l’exposition tout en élargissant et en approfondissant son propos.

Cette nécessité de plaire à un public large est parfois difficile à concilier avec les exigences scientifiques élevées qui président à la conception des expositions. En raison du lien de La contemporaine avec l’enseignement supérieur et la recherche, la valorisation de l’institution et de ses collections passe par une programmation en phase avec les avancées historiographiques les plus récentes. Les commissaires d’exposition sollicités pour la direction des ouvrages sont donc des chercheurs, spécialistes du sujet abordé, dont la participation garantit la haute teneur intellectuelle du catalogue et par conséquent de la manifestation. L’exercice d’écriture imposé par les multiples destinataires des textes (milieux académiques, public amateur, médias spécialisés) n’est pas d’une exécution facile.

Mais cette collaboration entre institution patrimoniale et historiens s’est révélée particulièrement féconde pour la réflexion sur la place des images dans le champ de la recherche historique. Les catalogues publiés par La contemporaine depuis les années 1980 ont été novateurs dans ce domaine en concentrant autant que possible les analyses historiques sur les documents présentés, et en accordant aux œuvres picturales, aux photographies, aux estampes, aux affiches et aux objets le statut de sources indispensables à la recherche en histoire, au même titre que les archives, la presse ou les monographies.

Parallèlement aux publications présentées ici, La contemporaine poursuit sa réflexion sur d’autres projets éditoriaux, notamment en support numérique. Un guide des sources de l’institution sur la paix et le pacifisme, tous supports confondus, est par exemple en cours d’élaboration. À paraître l’an prochain aux Presses universitaires de Nanterre, il connaîtra une version papier et une déclinaison numérique qui devrait accroître sensiblement sa portée. À l’avenir, ces publications numériques devraient multiplier les possibilités de signalement collaboratif afin de valoriser les ressources de plusieurs institutions sur des thématiques communes.

L’expérience solide de La contemporaine en matière de politique d’édition (revues, ouvrages, catalogues) croise par ailleurs les pratiques d’éditorialisation récemment développées dans le cadre de bibliothèques numériques patrimoniales. En 2013, la mise en ligne de L’Argonnaute, bibliothèque numérique de La contemporaine a ainsi été l’occasion d’ouvrir un « Blog des collections », portant sur les collections numérisées et alimentées aussi bien par des conservateurs que par des chercheurs. Par ailleurs, d’autres programmes de valorisation se développent, comme les expositions virtuelles – deux sont en cours d’élaboration à partir des collections et dans le cadre de projets de recherche du Labex Les passés dans le présent. Ce nouveau type de projet numérique, destiné à un public plus large que celui des chercheurs, invite ces derniers à s’aventurer sur des terrains non familiers, nécessitant un accompagnement tant pour la recherche documentaire que pour la structuration des contenus. C’est ainsi que La contemporaine parvient à tirer profit de son profil hybride de bibliothèque, centre d’archives et musée, et de sa situation singulière à la croisée entre monde universitaire et monde associatif pour être un lieu d’élaboration partagée des savoirs historiques.

  1. (retour)↑  IHTP (Institut d’histoire du temps présent) fondé en 1978 par François Bédarida.
  2. (retour)↑  Sur cette approche « publics », voir Sophie Cœuré et Franck Veyron, « BDIC, impressions de lecteurs », Matériaux pour l’histoire de notre temps, n° 100, 2010, p. 60-64 ; Valérie Tesnière, « De la Bibliothèque de documentation contemporaine à La contemporaine », Matériaux pour l’histoire de notre temps, n° 125-126, 2017, p. 4-9.
  3. (retour)↑  Moshe Lewin, spécialiste de l’histoire soviétique, membre fondateur de l’Association des amis de la BDIC et du musée, a fréquenté assidûment La contemporaine. La notion de « collège invisible » qu’il employait volontiers, est fréquemment reprise par la suite. Cf. l’article nécrologique de Robi Morder et Denis Paillard, « Moshe Lewin », Matériaux pour l’histoire de notre temps, n° 100, 2010, p. 25.
  4. (retour)↑  Cf. leurs témoignages dans les numéros 3-4 et 10 de la Lettre de l’Association des amis de la BDIC & du musée, 1983.
  5. (retour)↑  Aldo Battaglia, Archives de la Grande Guerre. Inventaire des sources de la Première guerre mondiale conservées à la BDIC, Presses universitaires de Paris Ouest / BDIC, 2010.
  6. (retour)↑  Hélène Guillot, Les soldats de la mémoire. La Section photographique de l’armée, 1915-1919, Presses universitaires de Paris Nanterre / BDIC, 2017.
  7. (retour)↑  À l’occasion du centenaire de la Grande guerre, ces photos ont été numérisées avec le concours de la BnF et du Labex Les passés dans le présent, et sont consultables dans la bibliothèque numérique de La contemporaine, http://argonnaute.parisnanterre.fr
  8. (retour)↑  La Cimade et l’accueil des réfugiés, sous la direction de Dzovinar Kevonian, Geneviève Dreyfus-Armand, Marie-Claude Blanc-Chaléard et Marianne Amar, Presses universitaires de Paris Ouest / BDIC, 2013.
  9. (retour)↑  Pour une analyse de l’évolution des catalogues d’exposition, lire l’article de Marine Mayon, « Le catalogue d’exposition est-il en pleine mutation ? », publié dans le carnet de recherche Monde du Livre, 5 juillet 2016. Disponible sur : https://mondedulivre.hypotheses.org/5314
  10. (retour)↑  La France et les Français de la Libération, 1944-1945. Vers une France nouvelle ?,sous la dir. de Philippe Buton, Musée des deux guerres mondiales – BDIC, 1984.
  11. (retour)↑  Le livre est d’ailleurs cité dans un article du Nouvel Observateur (12-18 décembre 1996) intitulé « L’internationale des beaux livres ». Il est aussi présenté dans la rubrique « Beaux livres » de La Montagne (11 décembre 1996), dans les rubriques « livres » de Télérama (20 novembre 1996) et d’Étapes graphiques (décembre 1996).