Éditorial

Reine Bürki

Éditer, publier, éditorialiser… les bibliothèques consacrent aujourd’hui une part croissante de leurs activités à des pratiques éditoriales. Celles-ci, si elles ne sont pas tout à fait récentes, prennent de l’ampleur avec le numérique et redessinent des collaborations nouvelles avec les chercheurs, le public, les éditeurs dans le prolongement de leurs missions premières : médiation des collections, valorisation patrimoniale, accès à l’information, services aux chercheurs…

L’activité éditoriale relève aussi d’impératifs stratégiques : communiquer, faire connaître les ressources et les services, inscrire de façon pérenne les actions des établissements dans leur environnement, promouvoir la visibilité et l’image de la bibliothèque auprès des publics, participer à la diffusion la plus large du savoir, initier des partenariats et déployer chaque fois un peu plus la bibliothèque sur tous supports, papier comme numérique… Un nouveau modèle de bibliothèque « éditrice » (de revues, de webzines, de blogs, de carnets de recherche, d’objets multimédia) qui correspond à l’évolution des codes médiatiques de partage et d’appropriation de l’information. Au fil des articles de ce dossier, c’est également la notion de point de rencontre qui caractérise la production éditoriale des bibliothèques, souvent décrite comme « pont », « carrefour », « passerelle » (entre les collections, les chercheurs, les bibliothécaires, les publics).

Ces dernières années voient par ailleurs le repositionnement stratégique des bibliothèques de l’enseignement supérieur et de recherche dans un environnement académique en mutation. Au-delà de leur fonction documentaire, les établissements s’affirment comme un acteur essentiel pour l’élaboration et la diffusion des savoirs dans un contexte où techniques, usages et modèles économiques affectent en profondeur les moda-lités de production de l’édition scientifique. Les défis de l’open access, de la visibilité et de l’accessibilité des publications, amènent progressivement les bibliothèques à se positionner comme maillon éditorial, dans la continuité des services offerts à la communauté universitaire.

Si elles étoffent les missions natives des bibliothèques et interrogent le contour des périmètres « métier », ces activités éditoriales n’en trouvent pas moins un socle dans les compétences induites des bibliothécaires : expertise documentaire, sélection et valorisation de contenus, organisation de l’information, maîtrise des cadres techniques, production de métadonnées, connaissance de l’écosystème éditorial et de ses enjeux…

Leurs stratégies éditoriales témoignent de la plasticité des bibliothèques et de leur aptitude à s’adapter aux évolutions de leur environnement, culturel comme scientifique. Plus qu’un nouveau champ d’activité dont on pourrait débattre les frontières, il faut y voir le renouvellement continu d’une institution in progress, à la croisée de la production et de la diffusion des savoirs.