Accueillir tous les publics
Les dispositifs d’accessibilité à la BPI
La BPI a la responsabilité d’une double mission concernant l’accueil des personnes en situation de handicap : l’accueil sur place dans ses locaux, et l’animation d’une mission nationale proposant des bonnes pratiques. À la veille de sa rénovation, la BPI est confrontée à la nécessité de traiter ces sujets avec la plus grande attention, tout en veillant à expérimenter de nouvelles solutions d’accessibilité.
The BPI has a twofold role in improving accessibility for disabled readers. Not only is the site fully open to them, but it runs a nationwide programme overseeing best practice in the library sector. The library, due to undergo renovations shortly, is faced with an urgent need to tackle the issue of disabled access and will be experimenting with new accessibility solutions.
Au cours des vingt dernières années, l’accès de tous les publics à l’offre culturelle et artistique a constitué un enjeu majeur des politiques publiques. Les administrations, les collectivités et les institutions culturelles ont conçu des stratégies et des outils pour répondre à cet enjeu majeur. Le secteur des bibliothèques, comme les autres secteurs culturels, a expérimenté, innové, mis en place des offres qui puissent inclure tous les citoyens dans leur diversité.
Il est intéressant de se pencher sur la manière dont la Bibliothèque publique d’information (BPI), a pris en charge cette responsabilité, et comment elle a répondu en particulier aux exigences et aux besoins des publics en situation de handicap.
Il n’est pas inutile de se référer au décret portant création de la Bibliothèque publique d’information (décret n° 76-82 du 27 janvier 1976), bien connu dans le monde des bibliothèques, dont l’article 2 stipule que :
« La Bibliothèque publique d’information est une bibliothèque nationale. Elle a pour mission :
D’offrir à tous, et dans toute la mesure du possible en libre accès, un choix constamment tenu à jour de collections, françaises et étrangères de documents d’information générale et d’actualité ;
De constituer un centre de recherche documentaire en liaison avec les autres centres, bibliothèques et établissements culturels. »
Si tous les mots de cet article sont fondateurs, on s’attachera ici principalement à expliciter l’expression « offrir à tous ». En effet, si la bibliothèque accueille les publics les plus divers, qui peuvent provenir de la plus grande précarité comme des strates les plus insérées dans la société, ainsi qu’un grand nombre d’étudiants, elle développe aussi des réflexions, initiatives et programmes importants à destination des usagers en situation de handicap.
Des actions structurantes sont ainsi menées par la BPI pour faciliter l’accès de ses espaces et de ses services aux personnes en situation de handicap. Cette action locale lui permet de porter ces politiques au niveau national. Toutefois, de nouvelles perspectives doivent être tracées à l’occasion, en particulier, du projet de rénovation des espaces de la BPI qui sera engagé de 2018 à 2020.
Dans ses espaces, la BPI a pour objectif de faciliter la mixité du public en situation de handicap et du public valide. Dans ce cadre, la politique de la BPI en matière de services aux personnes en situation de handicap se déploie suivant trois axes :
- l’élargissement de l’accessibilité des offres « standards » afin qu’elles puissent bénéficier au public le plus large possible, en situation de handicap ou non ;
- la dissémination d’offres accessibles dans les espaces de la bibliothèque et dans la programmation de manifestations culturelles afin de permettre aux personnes en situation de handicap qui le souhaitent d’avoir une expérience de la bibliothèque avec tous les publics.
- le renforcement aussi des offres dédiées, particulièrement celles proposées à l’intention des publics déficients visuels, au travers de l’offre des « loges »
Le concept des loges
Ce service est rendu aux publics déficients visuels par la possibilité d’utiliser l’une des cinq loges accessibles sur rendez-vous (pris sur place ou à distance, principalement par téléphone et occasionnellement par messagerie électronique). Ces loges sont accessibles aux horaires d’ouverture de la bibliothèque (10 h à 22 h en semaine, midi à 22 h les samedi et dimanche, fermeture le mardi). Les usagers déficients visuels disposent de matériel et des logiciels spécifiques permettant l’accès aux collections imprimées, aux ressources électroniques et à internet.
Une équipe de bénévoles – formés et partie prenante de la définition de ce service, avec lesquels la BPI établit une convention – peut être sollicitée par les usagers pour des lectures ou des aides à la recherche. Deux bibliothécaires assurent, sur demande, la formation des usagers d’une part et celle des bénévoles d’autre part, à l’usage du matériel et des logiciels mis à disposition, et à la recherche documentaire.
Un tel service nécessite des investissements réguliers pour renouveler et adapter le matériel. Ainsi, à l’automne 2015, la BPI a procédé au renouvellement de la quasi-totalité du matériel adapté, mis à jour les logiciels spécifiques (Jaws, ZoomText…) et acquis des lecteurs / enregistreurs Daisy.
En 2015, ces loges ont été utilisées près de 3 200 heures en autonomie et plus de 400 heures avec un accompagnateur bénévole ou un bibliothécaire de la BPI.
Les événements
La programmation de la BPI est réalisée en prenant en compte l’objectif de l’accessibilité pour tous les publics. On peut citer de très nombreux exemples, parmi lesquels :
- Dans le cadre du festival international du film documentaire « Cinéma du réel » qui se déroule chaque année à la BPI, le film Pas comme des loups de Vincent Pouplard a été projeté en 2016 en audiodescription avec un grand succès.
- La cérémonie de remise du Prix Handi-Livres a fêté son dixième anniversaire à la BPI, le 24 novembre 2015 et s’est de nouveau tenue le 5 décembre dernier dans les espaces du Centre Pompidou.
L’exposition annuelle fait l’objet d’une attention particulière en termes de conception et d’expérimentation de matériels et d’usages.
Afin de proposer à tous les publics une visite riche de découvertes et d’expériences, la BPI est très attentive à la question de l’accessibilité de ses expositions.
Les commissaires veillent à la hauteur d’accrochage des œuvres présentées et ménagent de larges espaces de circulation pour que les personnes à mobilité réduite profitent de cette exposition en toute fluidité, s’assurent du sous-titrage des vidéos diffusées à l’intention des publics déficients auditifs, proposent des cartels d’introduction de chaque partie de l’exposition en braille et en gros caractères à l’intention des publics déficients visuels, et organisent des visites adaptées.
La BPI expérimente aussi une accessibilité inclusive, en utilisant deux dispositifs innovants :
- L’audioguide développé par la société Audiospot, dans le cadre d’un partenariat, qui propose à la diversité des publics des parcours audioguidés adaptés : un parcours standard en français et en anglais, un parcours déficient visuel et un parcours déficient auditif présentant notamment des contenus en langue des signes française. Cet audioguide développé selon le principe de l’accessibilité universelle s’appuie sur une technologie nouvelle, enrichie dans le cadre de l’exposition « Claire Bretécher » de 2015-2016. Il s’agit bien d’une application accessible pour le public valide ou affecté d’un handicap, disponible à partir d’un smartphone ou équivalent. Lorsque le visiteur de l’exposition se trouve à proximité immédiate d’une balise, il peut consulter un contenu particulier préparé à son intention.
- Le dispositif de planches tactilo-visuelles réalisé par Laville Impressions, qui permet d’appréhender par le toucher le travail graphique de Claire Bretécher ou de Franquin, pour l’exposition « Gaston, au-delà de Lagaffe » qui a été inaugurée le 6 décembre 2016.
Cette proposition est particulièrement appréciée car elle permet à tous les visiteurs une perception différente de l’image, par le toucher. Elle peut aussi s’inclure parfaitement dans un parcours EAC.
Deux techniques différentes sont utilisées pour arriver à ce résultat de deux graphismes superposés :
- Embossage du dessin sur l’image en noir ou en couleur. Il est nécessaire d’utiliser tous les moyens tactilo-graphiques permettant d’exprimer sans saturation le maximum de détails signifiants : traits continus, pointillés, surfaces pleines, trames…
- Ajout de résine tactile transparente sur l’impression sur l’image en noir ou en couleur. L’avantage de cette technique est une plus grande solidité/durabilité du relief.
L’équipe des huit médiateurs culturels (deux pouvant intervenir en langue des signes française) qui accompagnent au quotidien l’exposition auprès des publics vient renforcer cette démarche d’accessibilité inclusive pour que de la diversité des publics qui visitent cette exposition naisse un enrichissement mutuel des visiteurs lors de ces parcours partagés.
À noter que parmi toutes les formations reçues par ces médiateurs, ceux-ci ont suivi deux ateliers de trois heures mis en place à leur intention avec l’imprimerie Laville afin d’accompagner au mieux les publics déficients visuels, mais aussi, et surtout, les voyants qui se questionnent sur le dispositif tactilo-visuel et l’expérimentent.
Le projet de rénovation de la BPI :
une opportunité de faire évoluer les services
À partir de 2018, la BPI s’engage dans un programme de rénovation qui devrait se terminer en 2020. Ce projet a été élaboré avec les équipes de la BPI et répond à des axes stratégiques qui doivent guider la bibliothèque dans les prochaines années, en adaptant les services et les locaux aux nouveaux usages de lecture et d’accès à l’information et aux savoirs.
Il s’agit de diversifier les espaces, tout en conservant les places de lecture, et de rénover la bibliothèque autour de thématiques structurantes que sont : la médiation artistique et culturelle ; l’accès à la formation tout au long de la vie ; l’aide à la recherche d’emploi ; la mise en valeur de l’actualité de la presse et de l’édition contemporaine ; le renforcement de la place du cinéma documentaire, en créant un centre de ressources et une programmation régulière de films ; l’éditorialisation des contenus, avec la création d’un webmagazine et la refonte du site internet de la bibliothèque ; le numérique, par l’accès à des ressources en ligne nombreuses correspondant aux besoins du public et par un suivi des nouveaux usages de lecture ; la création de nouveaux espaces permettant de développer l’éducation artistique et culturelle et de s’intéresser à des médias valorisant la relation entre l’image et l’écrit, mais aussi de s’adresser à un nouveau public dans le cadre de l’offre « Nouvelle Génération ».
Ce programme ambitieux ne peut être réalisé sans une attention constante aux questions d’accessibilité, notamment dans le cadre de la législation liée à la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances.
Toute l’expertise acquise par les équipes de la BPI doit être partagée et profiter à l’ensemble de la communauté des bibliothèques de lecture publique.
En tant que bibliothèque nationale, et en coordination avec le Service du livre et de la lecture (SLL) du ministère de la Culture et de la Communication, la BPI a pour objectif d’assurer une mission de coordination autour des questions d’accessibilité pour les bibliothèques de lecture publique. Dans le cadre de cette mission nationale, la BPI entend développer une expertise et une capacité d’expérimentation et d’innovation au service de l’ensemble des bibliothèques de lecture publique.
Il s’agit notamment de recenser, de faire émerger et de diffuser les « bonnes pratiques » d’accueil des publics en situation de handicap en bibliothèques, tant du point de vue de l’accessibilité que des services innovants.
Le réseau Alphabib
La BPI a lancé dès 2007, avec l’appui du Service du livre et de la lecture (SLL), le projet ALPHABib (Améliorer l’accueil des personnes handicapées en bibliothèque). D’abord sous forme de wiki participatif, le projet dispose à présent d’une rubrique spécifique sur le site de la BPI à destination des professionnels 1. La rubrique ALPHABib cherche à favoriser la constitution d’un réseau des professionnels en charge des services dédiés à l’accueil des personnes en situation de handicap au sein des bibliothèques. Il vise également à fédérer les professionnels autour d’un réseau d’échanges et d’informations sur la question des services, les évolutions des outils et des technologies, les méthodes, les pratiques… On y trouve une documentation de base, réglementaire et technique.
Ce réseau demande néanmoins à être repensé compte tenu des évolutions réglementaires et de nouvelles pratiques de travail collaboratif, notamment en relation avec le blog Accessibib de l’ABF. La BPI veillera à renouveler ce réseau, en coopération avec l’ABF et le SLL.
La BPI organise aussi une journée annuelle d’études sur ces questions. Ces journées s’appuient chaque fois sur des expériences innovantes en lien avec un territoire particulier. Elles sont construites en partenariat avec le SLL et la commission handicap de l’ABF. Ces journées sont l’occasion de mutualiser les expériences et d’enrichir les points de vue des différents secteurs culturels. Plusieurs thématiques ont été abordées : langue des signes et culture sourde, l’édition adaptée, l’édition jeunesse adaptée, pratiques innovantes pour l’accessibilité, l’exception handicap…
La journée d’études qui devait se tenir à Montpellier le 13 octobre 2016 a été reprogrammée le 30 mars 2017 sur le même sujet : « Handicap et numérique en bibliothèque : cadres, démarches, outils ». Il s’agira d’explorer et de présenter les cadres, les démarches, les outils et les bonnes pratiques à connaître et à mettre en œuvre pour améliorer l’inclusion numérique de tous les publics. Cette journée sera organisée en collaboration avec le Réseau des médiathèques de Montpellier Méditerranée Métropole.
À la veille de sa rénovation, la BPI est donc confrontée à de nombreux défis dans le champ de l’accessibilité. Elle doit tout d’abord être attentive à intégrer de manière forte les problématiques d’accessibilité dans son programme de rénovation. Elle doit aussi s’emparer de la question de l’accessibilité numérique, notamment dans le cadre de l’exception au droit d’auteur en faveur des personnes handicapées. Elle doit finalement approfondir son expertise pour toutes les formes de handicap, tout en conservant son expertise reconnue dans les domaines des handicaps visuels et auditifs.
Elle pourra ainsi approfondir son rôle national d’expertise, d’expérimentation et de réflexion dans le domaine du handicap et de l’accessibilité.