« Bibliothèques : vive la sociale ! »
Le Monde, 3 avril 2015
Frédéric Potet
Les bibliothèques sont dans le Monde, les vraies bibliothèques de terrain, pas les stars que sont la BnF ou la BPI ! Une double page ! Oui, c’est possible, on l’a vu, on l’a lu.
Effet « Je suis Charlie » ? C’est sur « une nouvelle mission : miser sur la capacité du livre à nourrir la cohésion sociale » que s’axe ce reportage. Étrange formule, comme si la bibliothèque se réduisait au livre et à la lecture – ce que dément tout l’article qui, au contraire, évoque les horaires d’ouverture, l’accueil, les services proposés, la possibilité de « parler sans chuchoter, de téléphoner, de manger » ou même de jouer aux jeux vidéo.
Ce sont les bibliothèques de Créteil, d’Anzin et Louise-Michel (Paris) qui servent d’exemple pour illustrer cet article en présentant leur nouveau visage. Évoquant les atouts de ces trois établissements (le bâtiment, les ordinateurs en libre accès, l’aide à la recherche d’emploi, le piano numérique, l’écrivain public, un jardin partagé, le rapport aux habitants) mais aussi leurs difficultés (le maintien de la discipline, la baisse des budgets), l’article met bien en évidence l’apparition d’un nouveau modèle de bibliothèque, « le troisième lieu », « concept très en vogue dans la profession », concept qu’Anne Verneuil (directrice de la médiathèque d’Anzin et présidente de l’ABF) ramène d’ailleurs malicieusement à « deuxième lieu, dans la mesure », dit-elle, « où 27 % de la population de la ville est au chômage » (on se souvient que dans l’expression « troisième lieu », les deux premiers sont le travail – ou l’école – et la famille).
On aurait aimé de plus longs développements sur ces activités de cohésion sociale, ici juste listées : « nous sommes un lieu de vie avant d’être un lieu culturel », revendique Hélène Certain, directrice de la bibliothèque Louise-Michel. Nourrir la cohésion sociale ? par des débats ? l’aide aux devoirs ? l’accueil d’associations ? L’article reste hésitant, dans un entre-deux entre la découverte (pour le journaliste) de ces nouveaux lieux et le rôle qu’ils peuvent jouer, qui, bien sûr, excède largement celui d’un accueil gratuit et d’espaces chauffés. Présentation inaboutie aussi car l’espace dévolu au texte est largement partagé avec quatre belles photos, illustrant les lieux, leur modernité et leur transparence – photos très politiquement correctes, qui soulignent la diversité et la jeunesse des usagers.
Est-ce qu’il y avait trop à dire ? Est-ce que le journaliste a voulu trop embrasser ? En bref, pour les professionnels de la profession, il s’agit surtout d’un survol un peu superficiel.
Mais pour les autres lecteurs, cela aura été l’occasion de rencontrer de nouvelles réalisations, présentées ici positivement, et de susciter la curiosité à leur égard. Ne boudons pas notre plaisir. Et, peut-être, à venir un second article. Il s’appellerait « Le temps des cerises ».