La bibliothèque du Mucem

Du projet à l’épreuve du réel

Sophie Bernillon

Le Mucem à Marseille est l’héritier du musée national des Arts et Traditions populaires (MNATP), lui-même issu du musée d’Ethnographie créé en 1879 à Paris au palais du Trocadéro. Ce projet architectural et culturel, qui accordait initialement une place centrale aux collections documentaires de la bibliothèque, a toutefois vu celles-ci basculer du côté du Centre de conservation et de ressources, à la Belle-de-Mai et non plus au fort Saint-Jean, scindant de facto les collections du public se rendant au musée, au risque d’un contresens en termes d’action culturelle.

The Mucem museum in Marseilles took over from the National Museum of Popular Arts and Traditions, which itself grew out of the Museum of Ethnogaphy founded in the Trocadero Palace in Paris in 1879. The project – both architectural and cultural – initially granted pride of place to the library's documentary collections, but they were then moved to the Centre for Conservation and Resources at the Belle-de-Mai site rather than being housed in the principal site at the Fort Saint-Jean. The result of this was to cut the collections off from visitors to the museum, which makes little sense in terms of cultural outreach.

La bibliothèque du musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, riche de 150 000 documents en ethnologie et sciences humaines et sociales sur la France, l’Europe et la Méditerranée, est actuellement située au sein du Centre de conservation et de ressources du Mucem, dans le quartier de la Belle-de-Mai, à Marseille. Cette bibliothèque a déjà connu plusieurs implantations, au gré de l’histoire du musée, et son emplacement et fonctionnement actuels sont le résultat des aléas d’un projet architectural et programmatique.

Du palais de Chaillot au bois de Boulogne

Le Mucem est l’héritier du musée national des Arts et Traditions populaires (MNATP), lui-même issu du musée d’Ethnographie créé en 1879 à Paris au palais du Trocadéro, dont la salle de France est ouverte en 1884.

Le musée d’Ethnographie ferme ses portes en 1935, le palais du Trocadéro est alors détruit pour cause de vétusté et remplacé en 1937 par le palais de Chaillot, construit pour l’Exposition universelle de cette même année. Les collections de l’ancien musée d’Ethnographie sont alors partagées au sein de deux institutions distinctes, qui se côtoient à l’intérieur du bâtiment. Les collections étrangères rejoignent le musée de l’Homme et les collections françaises rejoignent le musée des Arts et Traditions populaires, dont la direction est attribuée à Georges-Henri Rivière (1897–1987), son concepteur. Le fonds d’origine du musée est ainsi constitué par la collection de la salle de France du musée d’Ethnographie comprenant 7 300 objets. Ces collections concernent principalement le folklore, les structures sociales et les traditions orales.

Ce musée est donc une création du Front populaire, dont la politique culturelle se veut d’orientation éducative et à vocation populaire. Le musée est ainsi créé le 1er mai 1937 « à l’usage des populations laborieuses et de la jeunesse scolaire ».

La bibliothèque du musée est créée dès le mois de juin, son fonds initial est constitué de 600 volumes provenant de la bibliothèque personnelle de Georges-Henri Rivière  1. En 1944, 8 404 ouvrages étaient déjà enregistrés  2, l’enrichissement des collections avait été massif dans tous les domaines du musée grâce à une intense activité de recherche et de collectes pendant les années de guerre. En 1947, le MNATP participe à la création de la Société d’ethnographie française, l’actuelle Société d’ethnologie française, dont il abrite le siège.

Le musée est installé dans le palais de Chaillot de 1937 à 1968. Georges-Henri Rivière, conservateur, conçoit le nouvel établissement comme un musée-laboratoire (centre de documentation et de recherche et centre de conservation et d’exposition) et comme un musée de synthèse (complément des musées régionaux dont il représente une espèce de condensé). Autour du musée, les arts et traditions populaires se constituent en objet scientifique et se professionnalisent. La bibliothèque (ainsi qu’une phonothèque, une photothèque et une iconothèque) a été conçue et constituée dès l’origine du musée, Georges-Henri Rivière créant même un système de cotation et d’indexation spécifiques pour les ouvrages et les périodiques de la bibliothèque, en lien avec les thématiques régionales et les différentes disciplines présentes dans le fonds.

L’accroissement des collections ainsi que l’extension des différents services et sections de recherche demandent de plus en plus d’espace. En 1954, le Palmarium du bois de Boulogne est attribué au musée des Arts et Traditions populaires. Mais le bâtiment n’est pas adapté pour recevoir les collections et les différents services du musée. Il est donc démoli pour laisser place, dès 1969, à un nouveau bâtiment conçu par l’architecte Jean Dubuisson, élève de Le Corbusier. La structure se caractérise par une conception originale. Une section verticale est destinée à recevoir l’ensemble des services administratifs, scientifiques et techniques, alors que les galeries d’expositions et les réserves prennent place au sein d’une vaste section horizontale. Dès 1972, une galerie d’étude est ouverte aux spécialistes, aux étudiants et aux collectionneurs. Les objets exposés concernent essentiellement la culture populaire française et les processus technologiques de la société préindustrielle. Le grand public doit attendre 1975 et l’ouverture d’une galerie culturelle pour accéder aux collections. Cette galerie présente, dans un programme inspiré par Claude Lévi-Strauss, la plupart des facettes de la culture matérielle et immatérielle de la France rurale.

C’est également en 1975 qu’est introduit un ensemble d’outils informatiques dans l’établissement. Le musée national des Arts et Traditions populaires est ainsi le premier musée français à mettre en œuvre un traitement automatique de l’information scientifique et le premier établissement à créer une base de données pour le ministère de la Culture. La bibliothèque sera informatisée en 1995 (sauf les collections de périodiques).

Le musée connaît un grand succès auprès du public dans les années 70, lié à l’essor des sciences sociales, telles que l’ethnologie ou la sociologie. Mais dès le début des années 90, la fréquentation diminue. Les raisons de cette désaffection tiennent en partie au fait que la notion d’arts et traditions populaires est devenue obsolète pour le public, qui se tourne vers les musées d’art contemporain. Par ailleurs, une baisse de dynamisme au sein de l’établissement caractérisée par des expositions moins audacieuses ou présentant des thèmes trop restrictifs, une politique d’information inadaptée, ainsi que le départ de nombreux chercheurs, ne lui permettent pas de retrouver une place de premier ordre. Enfin, se pose le problème croissant du manque d’espace, les collections étant de plus en plus importantes au sein de l’établissement.

Lors de l’installation du musée dans le bâtiment construit en 1969, la bibliothèque se déploie sur trois espaces différents. L’essentiel de la bibliothèque est implanté au septième niveau du bâtiment où se trouvent les magasins des monographies et les réserves pour les fonds particuliers, comme celle pour les impressions populaires. Des bureaux jouxtent ces magasins et réserves. Une salle de lecture de 115 m² comprenant 32 places assises est implantée au huitième niveau. Au deuxième sous-sol, une réserve de 120 m², équipée de rayonnages mobiles, abrite les collections de périodiques.

En 1997, la bibliothèque réunit 90 000 ouvrages, dont 5 000 anciens (datant essentiellement du XVIIe siècle) et 3 000 titres de périodiques (dont 420 en cours), deux tiers français et un tiers étrangers  3. Les champs thématiques couvrent de nombreux domaines comme l’anthropologie sociale, l’archéologie, les arts populaires, l’ethnographie, l’ethnologie, le folklore, la méthodologie des sciences sociales, la muséologie. La bibliothèque fait figure de pôle d’excellence dans les domaines de la chanson, du cirque et des arts du spectacle, des contes populaires, du folklore et des traditions, ainsi que du music-hall. Les fonds remarquables de la collection sont le fonds de 3 000 impressions populaires (littérature de colportage ou bibliothèque bleue), 700 titres d’almanachs, 10 000 chansons, et les fonds spéciaux : Charles-Brun (régionalisme), Van Gennep (folklore), Delarue (conte), Dauven (cirque et music-hall) et Maget (ethnologie).

La bibliothèque fait partie du réseau des bibliothèques des Musées nationaux depuis 1958, et depuis 1981 est dirigée par un conservateur d’État du corps scientifique des bibliothèques mis à la disposition de la Direction des musées de France. Ce conservateur est assisté d’une équipe de quatre personnes.

Le mode d’emploi destiné aux lecteurs de la bibliothèque précise alors : « La grande spécificité de ce service tient de sa double vocation : elle dépend en effet des deux institutions complémentaires et associées que sont le musée et le Centre d’ethnologie française (CNRS). Par cette double appartenance, elle constitue une bibliothèque unique en France et en Europe, tant par la richesse de ses collections que par la diversité des domaines couverts  4. »

L’enrichissement des collections de la bibliothèque est dû à 80 % à des acquisitions gratuites (dons, dépôt légal, échanges).

La bibliothèque se veut « spécialisée-publique », comme la bibliothèque du musée de l’Homme  5. Bibliothèque spécialisée, elle est néanmoins ouverte à tous, aussi bien visiteurs curieux après la visite de la collection du musée qu’étudiants ou chercheurs.

Le public extérieur à l’établissement consulte sur place. Les ouvrages sont en accès indirect dans la salle de lecture à l’exception d’ouvrages de référence et les derniers numéros de certains périodiques. La salle de lecture est ouverte, comme les autres services documentaires du musée (archives et documentation photographique, iconothèque, phonothèque) de 13 h 30 à 17 h, du lundi au vendredi, avec la possibilité d’accueillir le matin les lecteurs de province et étrangers. Le public interne à l’établissement (conservateurs, chercheurs du CNRS et autres membres du personnel du musée) peut emprunter les documents et accéder au magasin des livres.

D’après le rapport annuel d’activité, 2 008 lecteurs extérieurs ont consulté 8 769 documents en salle de lecture, et une cinquantaine de membres du personnel du musée-laboratoire ont emprunté 3 780 documents au cours de l’année 1997.

2001 : le musée des Civilisations de l’Europe
et de la Méditerranée (Mucem)

Pour répondre à la crise à laquelle fait face le musée, il est décidé en 2001 de procéder à une refonte majeure de l’établissement. Plusieurs axes sont envisagés. Il est ainsi choisi d’élargir le territoire géographique à l’Europe et à la Méditerranée, le nouvel établissement prenant le nom de « musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée ». La période chronologique traitée est aussi étendue au Moyen-Âge et à l’époque contemporaine. Le champ social est élargi à la ville et à la civilisation. Enfin, les moyens méthodologiques sont ouverts à l’ensemble des sciences sociales et ne se restreignent plus seulement à l’ethnologie.

Suite à ces nouvelles orientations, la décision est prise de déménager intégralement l’établissement pour l’implanter à Marseille, ville particulièrement adaptée à la vocation du nouveau musée en raison de sa situation géographique aux confins de l’Europe et de la Méditerranée. C’est la première fois en France que le déménagement intégral d’un musée national est mis en œuvre. Pour faciliter les opérations préalables au transfert des collections, les galeries sont fermées au public en 2005. Alors qu’une grande partie du personnel reste à Paris pour préparer le chantier, des équipes s’installent à Marseille dans la tour du roy René, au fort Saint-Jean. Celles-ci proposent, dès leur installation, toute une série d’expositions temporaires, qui préfigurent l’implantation future du Mucem dans la ville. La première exposition « décentralisée » a lieu durant l’hiver 2003-2004.

Du point de vue architectural, le projet du Mucem comporte à la fois la rénovation d’un bâtiment historique, situé à l’entrée du port de Marseille, le fort Saint-Jean, et la construction de deux bâtiments modernes, un pour le musée lui-même, situé sur le môle J4 et imaginé par Rudy Ricciotti, et un pour les réserves, imaginé par l’équipe Corinne Vezzoni et associés.

Le bâtiment Ricciotti s’inscrit dans un contexte plus large que le Mucem, celui de la construction de la cité de la Méditerranée (Euromed), dont l’achèvement est prévu pour 2013. Il est ainsi prévu que le musée soit voisin d’un Centre régional de la Méditerranée (devenu depuis la Villa Méditerranée), d’une galerie commerciale, et d’un parking souterrain de 1 000 places. L’édifice dessiné par Ricciotti est un cube aplati de 72 mètres de côté. Il s’étend sur quatre niveaux qui doivent abriter les expositions, permanentes et temporaires. Il doit être relié au fort Saint-Jean par une passerelle.

Le bâtiment des réserves, construit dans l’enceinte de l’ancienne caserne du Muy, dans le quartier de la Belle-de-Mai, doit avoir une capacité de 10 000 m². Il présente un plan carré de 72 mètres de côté et s’élève sur trois étages.

Le centre de ressources documentaires

En 2002, le projet scientifique et culturel du nouveau musée est publié sous la direction de Michel Colardelle, son directeur, sous le titre : Réinventer un musée : le musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée à Marseille. Le projet de centre de ressources documentaires est présenté pages 64 à 67 du projet scientifique et culturel du musée. On y lit en préambule : « Le centre de ressources documentaires multimédia a pour mission de collecter et de conserver les documents et les informations, ainsi que de les communiquer au public. Il joue un rôle particulièrement important dans l’établissement, dans la mesure où le patrimoine qu’il conserve et communique est aussi précieux que les collections “traditionnelles” : un film relatif à une fête (“traditionnelle” comme la Saint-Jean, plus récente, comme Noël, ou “nouvelle”, comme Halloween) est à l’évidence indispensable pour accompagner les objets dans leur présentation au public, comme dans leur étude spécialisée. […] Ce service scientifique et technique se compose de la bibliothèque, du service historique  6 et de la documentation  7. »

Puis, dans le paragraphe « Les services au public » : « Le centre documentaire vise à fournir l’information la plus large, la plus efficace et la plus rapide possible à l’intérieur du musée vers les conservateurs-chercheurs, vers ses visiteurs, et à l’extérieur du musée vers l’ensemble de la communauté scientifique. Son ambition est d’offrir au public un pôle de consultation centralisé unique. […] Dès son entrée dans le bâtiment du musée, grâce à une signalétique appropriée, le visiteur doit pouvoir repérer facilement le centre de ressources documentaires. Le visiteur trouve tant auprès des hôtesses d’accueil qu’en consultant des bornes interactives, les premières indications concernant le service : brève description des collections, conditions d’accès, cheminement dans le bâtiment.

La chaîne de circulation se poursuit par la zone de consultation. À l’entrée de cette salle, un accueil documentaire permet aux lecteurs de repérer et de localiser la documentation existante dans le domaine souhaité, le mode et les conditions précises d’accès. […] La consultation proprement dite des documents se déroule dans la salle de consultation, où le lecteur trouve à portée de main la plus grande partie des collections d’imprimés actuellement en magasin. L’organisation de la collection en libre accès constitue un outil de travail essentiel pour l’efficacité de la recherche  8. » Le libre accès est ainsi présenté comme un « progrès considérable ».

C’est à partir de ce projet scientifique et culturel qu’est réalisée la programmation architecturale du nouveau musée, puis lancé le concours international d’architecture, remporté par Rudy Ricciotti et Roland Carta. Ces deux architectes y ont répondu en dessinant les plans d’une médiathèque (centre de ressources documentaires) de 1 270 m² sur deux niveaux, à construire dans une brèche du fort Saint-Jean, ouverte par un bombardement en 1944 et jamais comblée depuis. Une équipe de douze agents est prévue pour assurer la gestion et l’ouverture au public de cette médiathèque.

Voici la description qui est faite de ce service dans le journal du musée réalisé par la revue L’Alpe pour le MNATP-MCEM : « La place des documents est désormais centrale dans un grand équipement culturel. Il faut pouvoir s’arrêter pour consulter un livre ou une revue, un film, des photos ou tout autre document numérisé. La médiathèque de l’Europe et de la Méditerranée offrira des espaces de consultation de très grande qualité. La salle de consultation proposera cinquante postes multimédias adaptés au travail et à l’écoute avec casque. Les rayonnages des livres seront en libre accès, avec une capacité de cinquante mille volumes. Des cabines d’écoute et de visionnage des documents audiovisuels seront également installées dans la médiathèque. Véritable centre de ressources sur les civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, relié notamment à la Bibliothèque nationale de France, à la bibliothèque de l’Alcazar à Marseille et à la bibliothèque de la maison méditerranéenne des Sciences de l’Homme à Aix-en-Provence, cette médiathèque est appelée à devenir une référence internationale dans son domaine  9. »

La relance du projet, profondément modifié

Après quelques années de latence et d’hésitations liées au contexte national et local, l’option de la délocalisation du musée s’est trouvée finalement renforcée par la relance de l’Union pour la Méditerranée, puis par la désignation de Marseille comme capitale européenne de la culture en 2013.

Par une lettre du 19 mai 2008, Christine Albanel, alors ministre de la Culture et de la Communication, confie à Stéphane Martin, président-directeur général de l’établissement public du musée du quai Branly, la mission d’analyser l’état des modalités de mise en œuvre du projet du musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée et de proposer des solutions opérationnelles et rapides destinées à mettre en œuvre ce projet  10.

Dans son rapport remis le 4 août 2008 à la ministre, Stéphane Martin ne remet pas en cause la philosophie générale du musée mais le projet culturel est remis à plat.

Le sort du centre de ressources documentaires en particulier est profondément modifié et scellé par le paragraphe 2.3.3. du rapport, p. 14, qui s’intitule : « Déménager le centre de ressources documentaires à la Belle-de-Mai ». Voici quelques extraits de ce paragraphe : « […] le centre de conservation pourrait accueillir en son sein le centre de ressources documentaires prévu actuellement sur le Fort Saint-Jean. Cette solution […] présenterait l’avantage de regrouper toutes les ressources, objets de toute nature, documentation et archives, sur un même site. Dans la mesure où ces ressources sont avant tout complémentaires et destinées au même public de chercheurs, ce regroupement renforcerait la qualité de centre de recherches du centre de conservation. D’autre part, la conservation des fonds spécialisés et précieux étant déjà prévue au centre de conservation, il paraît pertinent d’y ajouter toute la documentation plus générale, tout en conservant un espace de consultation destiné au grand public au sein du bâtiment du musée, tel que cela est prévu dans le projet de Rudy Ricciotti  11. »

Les raisons de ce choix sont économiques, le bâtiment de 1 270 m² qui devait être construit pour abriter la médiathèque ne le sera finalement jamais.

L’installation au Centre de conservation
et de ressources

En 2009, le programme du projet Vezzoni pour le Centre de conservation est fixé par contrat dans le cadre d’un partenariat public-privé, sans avoir été réellement infléchi par la nouvelle donne qu’était l’arrivée d’un centre de ressources documentaires au sein du centre de conservation, non prévu dans le projet initial.

L’une des dix-sept réserves du Centre de conservation est affectée aux fonds de la bibliothèque, des archives et de la documentation. Cette réserve sera aménagée avec des rayonnages mobiles pour optimiser l’espace. Une salle de 175 m² pour l’accueil du public et la consultation sur place des documents est également prévue.

Le bâtiment est livré en août 2012 et les équipes s’installent dès la mi-septembre. Pour la bibliothèque, l’équipe est constituée d’un conservateur des bibliothèques d’État, nommé le 1er septembre 2012, qui sera rejoint en février 2014 par un secrétaire de documentation. Ces deux postes sont les seuls affectés à la bibliothèque sur les 125 que compte l’organigramme de l’établissement public du Mucem (créé en mars 2013).

Le chantier des collections s’achève par le déménagement de l’intégralité des fonds et collections de Paris à Marseille, représentant un million d’items, qui s’échelonne de novembre 2012 à juillet 2013. Outre la conservation des collections, l’objectif du CCR est de rendre les collections accessibles et communicables au public. Ainsi, en plus de la salle de lecture pour les collections documentaires, une salle de consultation des collections objets est également ouverte sur rendez-vous, une réserve « témoin » est visitable, et une petite salle d’exposition de 100 m² permet d’exposer les collections.

Mi-septembre 2013, trois mois après l’ouverture des salles d’exposition du musée au J4 et au fort Saint-Jean, la salle de lecture du Centre de conservation et de ressources – située à 45 minutes en transports en commun du J4 et du fort Saint-Jean, et à 15 minutes à pied de la gare SNCF – est ouverte au public et permet la consultation sur place de l’ensemble de ses fonds documentaires. Environ 5 000 livres et fascicules de périodiques sont en libre accès, les autres documents sont en accès indirect et communicables. Cinq postes de consultation des bases de données du musée sont également en accès libre et 24 places assises sont proposées. La salle de lecture est ouverte du lundi au vendredi de 14 heures à 17 heures, le matin sur rendez-vous, à toute personne de 16 ans ou plus, sur présentation d’un justificatif d’identité, puisque la salle de lecture se trouve dans le même bâtiment que les réserves.

Les fonds depuis la fin des années 1990 se sont enrichis de documents sur la Méditerranée, et à Marseille est intégré le fonds Gabriel Camps, spécialiste des Berbères, donné au Mucem par sa veuve et ses filles.

Pour les onze premiers mois de l’année 2014, environ 1 000 documents de la bibliothèque ont été consultés ou empruntés (l’emprunt est possible pour le personnel du musée) par quelques petites dizaines de lecteurs.

La comparaison de tous ces chiffres (ressources humaines, surface allouée, horaires d’ouverture, fréquentation, consultation et prêt) avec ceux de la bibliothèque à Paris en 1997, période où le déclin du MNATP était pourtant déjà amorcé, et surtout avec les prévisions du premier projet scientifique et culturel du musée, parle d’elle-même.

Ce dispositif est complété par un centre de documentation au fort Saint-Jean, considéré comme une « annexe » de la bibliothèque du CCR, à destination du personnel du Mucem et des stagiaires accueillis en formation à l’Institut méditerranéen des métiers du patrimoine, installé au fort Saint-Jean. Faute de moyens et de réelle volonté de l’établissement, ce centre de documentation est encore embryonnaire et n’en est qu’à ses balbutiements, peu fréquenté pour l’instant.

L’espace de consultation destiné au grand public, cité par Stéphane Martin dans son rapport et qui était prévu par Rudy Ricciotti, n’a pas été repris dans le dernier projet scientifique et culturel du Mucem, publié en 2013, juste avant l’ouverture du musée. Peut-être subsiste-t-il une réminiscence de cet espace dans la médiathèque, qui vient d’être inaugurée dans le musée au J4 fin novembre 2014 ? Cette vidéothèque de la Méditerranée permettant de visionner plusieurs milliers de documents d’archives audiovisuelles est proposée au grand public en consultation sur place grâce à un partenariat avec l’INA Méditerranée. C’est le département du développement culturel et des relations internationales qui en est le maître d’œuvre et non les services documentaires du musée, situés au CCR.

Actuellement, aucune borne ne permet de consulter les collections (documentaires ou non) du musée au J4 comme cela était prévu dans le premier PSC (projet scientifique et culturel).

L’ensemble des collections est accessible en ligne sur le site du Mucem (http://www.mucem.org), dans l’onglet Collections depuis l’ouverture du musée en juin 2013.

La visibilité de la bibliothèque et du centre de ressources documentaires en général est toutefois assez faible sur l’ensemble des documents produits par le musée à destination du public, qu’il s’agisse du site internet du musée ou des diverses brochures papier publiées depuis l’ouverture du musée. Ce centre n’est tout simplement pas mentionné sur la plupart des documents, comme par exemple dans la brochure de plusieurs pages réalisée pour les enseignants sur les actions pédagogiques du musée pour l’année 2014-2015, dont une page entière traite des ressources du musée, et où il n’est même pas fait mention du centre de ressources documentaires !

La réalisation du centre de ressources documentaires se trouve donc très loin de ce qui existait avant à Paris et surtout des ambitions affichées par le premier projet scientifique et culturel…

Il serait cependant faux de penser que le livre ou le document n’ont aucune place au Mucem, puisque le concessionnaire La Librairie du Mucem exploite deux points de vente au J4 et au fort Saint-Jean, et qu’un troisième va bientôt ouvrir, amputant de 100 m² une des salles d’exposition temporaire du J4.

D’autres musées, ouverts récemment, ayant aussi le statut d’établissement public, ont pourtant fait des choix différents qui s’avèrent visiblement très concluants en termes de fréquentation par le public, qu’il s’agisse du Louvre Lens ouvert en décembre 2012 dont le centre de ressources est un élément central, situé dans le hall d’entrée en face de la librairie-boutique, ou, ironie du sort, du musée du quai Branly dont le succès de la médiathèque n’est plus à prouver. Elle est en effet répartie en quatre espaces d’accueil du public et de consultation distincts selon le type d’usage (salon de lecture, salle de lecture de type universitaire, fonds rares et précieux, archives et documentation), tous situés dans le même bâtiment que les expositions permanentes et temporaires du musée !

Un petit mot pour finir sur le quartier de la Belle-de-Mai : ce quartier à connotation populaire et ouvrière a connu de fortes vagues d’immigration au cours du XXe siècle, venant de la Méditerranée, à commencer par l’Italie, puis le Maghreb, jusqu’à l’océan Indien aujourd’hui. Avec la fermeture au début des années 1990 de la Manufacture des tabacs, le quartier sombre peu à peu dans la pauvreté et l’identité ouvrière se trouve menacée. En 1992, la manufacture est reconfigurée en pôle culturel avec l’ouverture de la Friche, puis en 1994 s’y installent également les archives municipales de Marseille, les réserves des musées de la Ville, et le CICRP (Centre interrégional de conservation et de restauration du patrimoine). En 2004, c’est l’ouverture d’un pôle média comprenant l’antenne régionale de l’INA et des studios de tournage. Dans ce quartier, aujourd’hui encore cité dans toutes les études comme étant l’un des plus pauvres d’Europe, le populaire cohabite donc avec une forte concentration d’institutions culturelles. C’est aussi dans ce quartier, où vivent plus de 45 000 habitants, qu’un collectif de citoyens réclame depuis plusieurs années aux pouvoirs publics une bibliothèque ou une médiathèque, la bibliothèque municipale de Marseille n’étant pas présente dans ce secteur. Ironie du sort encore, ou des politiques culturelles publiques : combien d’entre eux savent-ils qu’une bibliothèque, certes spécialisée, mais aussi publique, a ouvert ses portes dans ce même quartier ?

  1. (retour)↑  Martine Segalen, Vie d’un musée : 1937-2005, Stock, 2005, p. 34.
  2. (retour)↑  Ibid., p. 86.
  3. (retour)↑  Rapport d’activité de la bibliothèque 1997.
  4. (retour)↑  Bibliothèque mode d’emploi.
  5. (retour)↑  Jacqueline Gascuel et Bernadette Poux, « La bibliothèque du Musée de l’Homme », in Bulletin d’informations de l’ABF, n° 138, 1er trim. 1988.
  6. (retour)↑  Nom donné au service des Archives du musée au MNATP.
  7. (retour)↑  Réinventer un musée : le musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée à Marseille : projet scientifique et culturel, sous la direction de Michel Colardelle, RMN, 2002, p. 64.
  8. (retour)↑  Ibid., p. 66.
  9. (retour)↑  Brochure Musée national des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, Marseille, journal du musée réalisé par la revue L’Alpe pour le MNATP – MuCEM, [sans date], p. 8.
  10. (retour)↑  Stéphane Martin, Rapport à la Ministre de la Culture et de la Communication relatif au MuCEM, 4 août 2008, p. 5.
  11. (retour)↑  Ibid., p. 14.