Le nouveau bâtiment des Archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine
Un grand projet présidentiel
Retour sur les aspects très concrets du nouveau bâtiment des Archives nationales de Pierrefitte-sur-Seine : la réussite d'un projet architectural se loge bien souvent dans les détails les plus matériels...
The article looks back at a number of practical issues arising from the construction of the new French National Archives in Pierrefitte-sur-Seine. The success of an architectural project often lies in the most concrete details...
Après des mois d’attente, le président Jacques Chirac annonce le 9 mars 2004 la décision du gouvernement de construire un nouveau bâtiment pour les Archives nationales, sur le site retenu de Pierrefitte-sur-Seine. En mai 2005, le jury du concours international d’architecture désigne l’architecte Massimiliano Fuksas lauréat.
Les cibles principales du projet sont les suivantes :
- 320 km linéaires de fond d’archives (archives postérieures à l’année 1790) ;
- salles de consultation publiques pour 300 lecteurs ;
- auditorium de 300 places ;
- salle d’exposition ;
- bureaux et locaux de travail pour un effectif de 300 agents.
Un nouveau souffle
pour l’institution des Archives nationales
Ce grand projet est l’occasion d’une refondation de l’institution. Les calendriers de tous les chantiers archivistiques sont coordonnés à celui de l’opération immobilière (durée des études et travaux).
Chantier archivistiques connexes :
- chantier de récolement des fonds d’archives sur les deux sites existants (site de Paris et de Fontainebleau) ;
- chantier de dépoussiérage et de reconditionnement portant sur 30 km d’archives ;
- chantier de numérisation avec environ 5 millions d’images produites ;
- chantier de dématérialisation des instruments de recherche portant sur environ 22 000 instruments de recherche ;
- chantier de création d’un nouveau système d’information archivistique (SIA) ;
- chantier de préparation du déménagement (1,6 million de codes-barres posés).
Fiche technique de l’opération
• Maîtrise d’ouvrage : ministère de la Culture et de la Communication – Direction générale des patrimoines
• Maîtrise d’ouvrage déléguée : ministère de la Culture et de la Communication – Opérateur du patrimoine et de projets de la Culture (Oppic)
• Maîtrise d’œuvre : Massimilianio Fuksas Architecture associé avec Betom (BET), Altia (acousticien) et Florence Mercier (paysagiste)
• Constructeur entreprise générale : Bouygues Bâtiment Ile-de-France
• Équipement de rayonnages : Samodef-Forster
• Surface du terrain : 43 960 m²
• Surface hors œuvre nette du bâtiment : 82 505 m²
• Coût de l’opération immobilière : 195 millions d’euros
Un ancrage dans un territoire en devenir
Le choix du terrain, en proche banlieue nord, repose notamment sur l’extrême proximité d’une station de métro et sur la proximité de l’université de Paris 8.
Le terrain est d’autre part suffisamment spacieux pour accueillir un bâtiment qui répond au programme du projet, mais qui permettra une extension du bâtiment dans les décennies futures.
Les collectivités locales se mobilisent pour créer un accueil favorable à l’institution.
Une conception architecturale
en deux entités de bâtiments
La seule partie « magasin de conservation » de l’opération, monolithique avec 220 magasins d’archives constitue une volumétrie très importante, que M. Fuksas habille d’un bardage métallique en panneau d’aluminium et dénomme « le coffre précieux » des Archives nationales.
Une entité architecturale satellite regroupe les bureaux et locaux de travail pour le personnel de l’institution.
Le motif du losange choisi par l’architecte habille la totalité du projet ; sous la forme de panneaux aluminium pour le bâtiment principal et sous la forme d’une structure métallique ajourée pour la partie satellite.
Une grande capacité à conserver
les Archives républicaines
220 magasins d’archives de 200 m² dont 9 magasins spécialisés avec la répartition suivante :
- 6 magasins pour cartes et plans ;
- 2 magasins pour les documents photographiques (chambre froide) ;
- 1 magasin pour les documents audiovisuels.
Les 10 étages de magasins sont desservis par deux ensembles de monte-charges. L’un situé du côté versement et l’autre situé côté salle de lecture permettent une communication aisée des documents.
Une conception fonctionnellement adaptée
Lors du développement du projet, une attention particulière a été portée au respect des procédures et circuits des différents flux. D’autre part, des simulations quantitatives sur les flux ont permis de dimensionner largeurs de couloir, appareils élévateurs et monte-charges.
Circuit du document :
– circuit de versements des documents entre quai de déchargement et magasins ;
– circuit de la communication entre magasins et salles de consultation.
Circuit du public :
– séparation circuit des agents/circuit du public.
Facilité de circulation
pour les mouvements d’archives en chariot
Compte tenu des flux importants d’archives confrontés aux compartimentages du bâtiment du fait de l’application de la réglementation incendie dans un bâtiment classé IGH (immeuble de grande hauteur), avec des portes de recoupement coupe-feu, il a été arbitré que toutes les portes coupe-feu seraient motorisées avec un système d’ouverture automatique.
Portes de recoupement CF à ouverture automatique :
- dans les circulations, les automatismes d’ouverture sont commandés par un radar de détection ;
- pour les magasins d’archives avec accès contrôlés, les déverrouillages de porte et automatismes d’ouverture sont déclenchés par un lecteur de badge qui assure le contrôle d’accès.
Un site sensible en termes de sûreté
Site entouré d’une clôture avec système de vidéosurveillance :
- PC de contrôle avec présence de personnel 24 h sur 24 ;
- magasin d’archives avec contrôle d’accès par lecteur de badges ;
- magasins d’archives confidentielles et sensibles avec un double contrôle d’accès (accès contrôlé par caméras depuis le PC, avec déverrouillage initial puis par lecteur de badges).
Les magasins de conservation
Une conception qui favorise la conservation :
la structure en béton du bâtiment
L’orientation et la recherche d’une forte inertie thermique étaient déjà inscrites dans le programme. Le parti architectural et le choix d’un bâtiment massif (empilement et juxtaposition des 220 magasins) exprimé par le concepteur répondent très favorablement à la demande du programme.
En phase d’étude d’avant-projet, l’optimisation inertie/coût de mise en œuvre des murs béton a conclu à définir une épaisseur de 30 cm pour les murs des magasins.
Une étude de simulation thermique dynamique du futur bâtiment, avec le fichier météorologique défavorable de la canicule 2003, a permis de confirmer que cette épaisseur de 30 cm était une valeur satisfaisante, qui permettait de réduire les consommations énergétiques.
Une mise en œuvre du béton à la recherche
de magasins aptes à conserver des archives
dès la livraison de l’opération
Le concept retenu de parois épaisses en béton favorisant l’inertie thermique engendrait les questions suivantes : les parois des magasins seront-elles sèches lors de la mise en place des archives ? L’humidité relative en ambiance des magasins sera-t-elle acceptable lors de l’arrivée des documents ?
Des solutions en cascade et des préconisations techniques ont été mises en œuvre pour permettre d’atteindre, à la livraison du bâtiment, la qualité d’un air ambiant compatible avec la conservation de documents patrimoniaux :
- formulation spécifique du béton coulé en place (ajout de plastifiants pour réduire les quantités d’eau utilisées pour le béton) ;
- fenêtres provisoires de séchage pour chaque magasin pendant la durée de réalisation du gros œuvre ;
- utilisation d’éléments en béton préfabriqués (apport réduit d’eau) pour les dalles de planchers
- membrane d’étanchéité provisoire pour collecte des eaux de pluie pendant la durée de réalisation du gros œuvre ;
- mise en route anticipée de la ventilation trois mois avant la date de livraison.
Le climat de conservation dans les magasins
Un arbitrage et un choix des valeurs de température et d’hygrométrie qui permet des économies d’énergie :
- renouvellement d’air : 0,1 volume/heure ;
- brassage : 0,3 volume/heure ;
- températures contrôlées et variables en fonction des saisons : de 16 °C à 24 °C avec une variation de 0,5 °C par jour et 5 °C par semaine ;
- hygrométrie contrôlée : de 40 % à 57 % avec une variation de 1 % par jour maxi et 5 % par semaine.
Lors de l’exécution des travaux, une mise en œuvre
qui optimise les économies d’énergie
En phase chantier, la recherche du meilleur système de diffusion/brassage a permis d’adapter et de mettre en œuvre un système dénommé à « haute induction ».
Une gaine de soufflage positionnée sur la longueur du magasin, avec des perforations latérales mathématiquement calculées (trous de diffusion), permet de créer un déplacement d’air faible, mais néanmoins généralisé, de l’air dans les magasins.
Ce système testé en usine, en conditions réelles, a montré sa grande performance et à moindre coût, puisque les moteurs électriques qui assurent le déplacement de l’air dans les gaines sont 50 % moins puissants qu’un système classique de diffusion d’air.
La gaine de reprise d’air localisée dans un angle du magasin, permet un balayage de l’air dans l’autre direction, ce qui assure un brassage intégral de l’air traité dans chacun des magasins.
Gestion centralisée des risques incendie
Compte tenu de sa hauteur, le classement du bâtiment dans la catégorie IGH (immeuble de grande hauteur) impose une réglementation incendie de niveau supérieur.
Toutes les parois (murs et dalles) des magasins sont coupe-feu 4 heures.
Un système de détection incendie comprenant huit détecteurs optiques par magasin, avec report au poste de contrôle de sécurité incendie, permet d’assurer une bonne prévention.
Le classement IGH impose la présence d’un personnel spécialisé et habilité de surveillance 24 h sur 24. Un détachement de la BSPP (brigade des sapeurs-pompiers de Paris) assure cette permanence.
Un système d’extinction automatique d’incendie par brouillard d’eau haute pression complète le dispositif de gestion des risques d’incendie.
En termes d’efficacité et d’extinction, ce système équivalent au système classique de sprinkler a été retenu pour sa faible consommation en eau. Les essais réalisés pour tester l’efficacité du système ont montré que l’impact de l’eau d’extinction sous forme de micro-gouttelettes était beaucoup moins destructeur sur les documents d’archives.
Les mobiliers et rayonnages de conservation
Pour 220 magasins construits, 166 magasins sont équipés de rayonnages (54 magasins restent à équiper).
Afin de rentabiliser les surfaces construites, la plus grande partie des magasins est équipée de rayonnages mobiles, dits « compacts ». Cette solution d’optimisation permet de conserver plus de 2 km linéaires d’archives pour chaque magasin de 200 m² de surface utile.
Une attention particulière a été portée à poursuivre l’efficacité du brassage d’air induit par le système de diffusion en plafond. Toutes les tôles utilisées (façades, échelles et tablettes) à la réalisation des rayonnages sont perforées, permettant ainsi une grande perméabilité au déplacement de l’air et un climat propice à la bonne conservation.
L’ergonomie des rayonnages a été optimisée. De cinq niveaux prévus initialement, une augmentation à six niveaux de tablettes pour boîtes d’archives a permis d’augmenter la future capacité du bâtiment à environ 360 km linéaires d’archives.
La tablette basse est au minimum à 12 cm du niveau du sol et la plus haute est au maximum à 190 cm.
Les rails qui assurent le déplacement transversal des rayonnages mobiles sont encastrés dans les chapes, permettant une circulation plus aisée des chariots d’archives.
Pour les six magasins grands formats (cartes et plans), les préoccupations de l’optimisation de l’espace et la recherche d’une logique fonctionnelle ont conclu à choisir des meubles à plans également sur des chariots mobiles.
Toutes les façades des tiroirs des meubles à plans sont rabattables, ce qui permet une manipulation bien à plat des documents grands formats.
Les espaces publics
Les salles de consultation
• 84 places pour la salle des inventaires en libre accès.
• 160 places pour la salle de consultation des documents originaux avec contrôle des lecteurs. Seuls les lecteurs munis d’une carte de lecteur des Archives nationales sont autorisés à consulter les documents.
• 12 places pour la salle de consultation des documents originaux grands formats (cartes et plans).
• 50 places pour la salle de consultation des microfilms, qui est située en mezzanine de la salle des originaux.
• 5 cabines de consultation de documents audiovisuels.
• 20 places en salle de travaux dirigés.
Les mobiliers des espaces de consultation
Les mobiliers conçus par l’architecte, sur des principes fonctionnels retenus, assurent le confort des utilisateurs.
Des études et vérifications ergonomiques ont permis d’optimiser la conception de mobiliers en respect des procédures de consultation des documents originaux et sensibles.
Le choix d’une couleur foncée répond à la préoccupation d’une bonne visibilité des documents d’archives sur les tables pour une meilleure surveillance par le personnel habilité.
Pour la salle de consultation des originaux, cœur fonctionnel public de l’institution, les tables sont organisées par groupe de quatre lecteurs, avec pour chaque place de lecteur, un espace de travail de 140 cm de largeur et 90 cm de profondeur. Chaque lecteur dispose d’un chariot individuel pour le transport de ses cartons d’archives entre le guichet de remise des documents et sa place de lecteur.
Les places de lecture sont connectables (prise réseau et prise d’alimentation électrique) et équipées d’une lampe individuelle de type LED, sans nuisance pour les documents d’archive en consultation.
La salle d’exposition
La salle d’exposition d’une surface de 400 m², accessible depuis le hall d’entrée, dispose des caractéristiques techniques requises pour y exposer des documents patrimoniaux sensibles.
L’auditorium
290 places disposées en gradins permettent d’accueillir toutes les conférences et manifestations culturelles de l’institution. L’acoustique de la salle et son équipement audiovisuel sont dimensionnés pour tout type de présentation avec une régie équipée et des locaux de traducteur pour les colloques internationaux.
Les espaces professionnels de travail
Des locaux professionnels adaptés et performants :
- Salle de pré-tri et dépoussiérage. Sur le circuit de versement, entre quai et monte-charge, un espace spécialisé permet de dépoussiérer, trier et conditionner tout versement d’archives non conforme.
- Salles de tri et traitement des archives : une dizaine de locaux spécialisés et organisés avec tables hautes et chaises hautes de travail, permettent aux archivistes de travailler scientifiquement sur les fonds d’archives.
- Atelier de conservation préventive.
- Ateliers de restauration et de dorure : l’atelier de 320 m² est organisé en plusieurs entités (local humide, bureau responsable, atelier collectif avec établis individuels et zones spécialisées, local fournitures et local dorure).
- Ateliers de prises de vue et numérisation pour grands formats et formats divers avec des équipements adaptés et performants.
Calendrier de l’opération
9 mars 2004 : annonce par le président de la République Jacques Chirac de la décision du Gouvernement de la construction d’un nouveau centre des Archives nationales, sur le site de Pierrefitte-sur-Seine.
10 mai 2005 : désignation du lauréat du concours : Massimiliano Fuksas.
18 juin 2009 : démarrage des travaux de construction.
Décembre 2010 : fin des travaux de gros œuvre (coulage du béton).
Septembre 2010 : mise en place des premiers rayonnages.
22 mai 2012 : démarrage de l’opération du déménagement de 200 km d’archives.
15 juin 2012 : livraison du bâtiment.
Juillet 2012 : arrivée des premiers agents.
21 janvier 2013 : ouverture au public.
11 février 2013 : inauguration par François Hollande, président de la République.
6 septembre 2013 : fin de l’opération de déménagement des archives.