Gâteau de pommes de terre et hachis de Prussiens

Cuisine de guerre en bibliothèque

Caroline Poulain

À l’occasion du centenaire de la Grande Guerre, la bibliothèque municipale de Dijon met les petits plats dans les grands avec une programmation assaisonnée des meilleurs ingrédients issus de son fonds gourmand. Entre mises en bouche et hors-d’œuvre : les journées d’études « Manger et boire en 1914 et 1918 » qui réuniront de nombreux spécialistes de cette thématique.

To mark the centenary of the First World War, Dijon central library has drawn up a menu featuring the finest battlefield recipes from its cookery book collection. The library is also planning a series of research events on the theme of food and drink from 1914 to 1918, bringing together specialist scholars to explore the theme.

À l’occasion du Centenaire de la Grande Guerre, la bibliothèque municipale de Dijon a naturellement choisi de se pencher sur la question de l’alimentation, dans le cadre du fonds gourmand qu’elle conserve, enrichit et valorise depuis trente ans. Le point d’orgue, deux journées d’études « Manger et boire entre 1914 et 1918  1 », est accompagné d’autres travaux et actions afin de décliner la thématique tant pour les chercheurs que pour tous les autres publics.

Des journées universitaires…

Les historiens et les archéologues spécialistes de la période sont en effet nombreux à avoir abordé cette question ; le contexte historiographique, accordant une large place à la culture matérielle, au quotidien, aux individus, au corps, à « l’histoire d’en bas  2 », confirme par ailleurs l’intérêt d’une telle thématique. Les intervenants échangeront autour de questions variées, parmi lesquelles : l’alimentation au front, les sciences de la nutrition face à la guerre, les colis des familles à leurs soldats, le rôle de l’alcool, les spécificités des troupes africaines, les apports de l’archéologie, les entreprises alimentaires, la place du pain, l’édition culinaire, ou encore le nationalisme gastronomique…

… saupoudrées de dégustations...

Avec l’objectif désormais régulier de mettre cerveau et papilles au même niveau, ces journées seront accompagnées d’actions très concrètes. Un partenariat établi avec le lycée hôtelier du Castel à Dijon permettra de proposer à la dégustation les pains et gâteaux testés et recréés par les enseignants et leurs élèves, à partir de recettes sélectionnées dans les livres de cuisine publiés entre 1914 et 1918. Un dîner gastronomique permettra de découvrir des plats typiques de la période, issus de menus du fonds gourmand.

… réinventées grâce à l’enrichissement du fonds...

Les acquisitions patrimoniales des deux dernières années privilégient les menus et les livres de cuisine publiés pendant la guerre.

Une édition culinaire spécifique se développe en effet – et se poursuivra dans les décennies suivantes – caractérisée par des objectifs précis : cuisiner de façon économique, ne pas gaspiller, transformer les restes, utiliser rationnellement les denrées disponibles, épargner les combustibles, réduire, remplacer ou supprimer la viande, la graisse, les œufs, la farine blanche...

Parallèlement, la grande mode des menus, dont l’accélération se situe à la Belle Époque, ne faiblit pas et l’on continue de trouver ces éphémères sur les tables : menus ronéotypés sur le front, menus faits main dans les familles ou grands menus officiels, ils ont tous leur intérêt, en laissant notamment transparaître un esprit patriotique et anti-allemand.

Caricatures de casques à pointe, soldats ennemis fuyant, poilus rêvant à l’horizon de la paix, portrait d’une infirmière… l’illustration est souvent révélatrice de la vie quotidienne rêvée ou fantasmée. Pudding des Alliés, Vin-crou-mourir, plats célébrant les villes du front – haricots de Soissons, biscuits de Reims et champagne d’Épernay –, gaufrettes nationales, hachis de Prussiens ou tête d’alboche sauce Lebel : la terminologie de la gastronomie trouve elle aussi souvent son inspiration dans le contexte guerrier.

… dans le cadre d’un programme plus large

Ces livres et ces menus seront présentés au public, aux côtés d’autres documents (presse, littérature, iconographie...), au cours de plusieurs visites pour adultes et scolaires, et lors d’une exposition-dossier dans deux bibliothèques, tandis qu’une partie des collections relatives à la guerre a été numérisée et sera mise en ligne en fin d’année  3 : menus, photographies du front ou de l’arrière, dessins, manuscrits dont des carnets de guerre de soldats allemands et le monumental journal intime d’un lieutenant-colonel en retraite ayant décrit toute la période.

Un programme d’animations plus générales rythmera par ailleurs l’année 2014 sur l’ensemble du réseau : lectures, biblio-filmographie, projections, concert, échange avec les lecteurs autour de la littérature de guerre.

Grande Guerre et gastronomie... deux thématiques à fort potentiel auprès d’un large public !

  1. (retour)↑   Les 14-15 novembre 2014. Programme sur : http://www.bm-dijon.fr
  2. (retour)↑   L’expression est mise en lumière par Élise Julien (« À propos de l’historiographie française de la première guerre mondiale », Labyrinthe, n° 18, 2004 (2). En ligne : http://labyrinthe.revues.org/217) et utilisée par Stéphane Audoin-Rouzeau et Annette Becker dans 14-18, retrouver la guerre, Gallimard, 2000, p. 25, et par Rémy Cazals et Frédéric Rousseau dans 14-18, le cri d’une génération, Privat, 2001, p. 140.
  3. (retour)↑  http://patrimoine.bm-dijon.fr