« Décentralisation et culture : vers un grand chambardement ? »
L’Observatoire : la revue des politiques culturelles, n° 43
ISSN 1165-2675 : 22 € (prix au numéro)
L’actualité politique contrarie quelquefois l’actualité éditoriale : ce dossier de l’Observatoire rend compte d’un colloque 1 organisé autour de la future loi MAPTAM (loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles – où vont-ils chercher des noms pareils ?), adoptée par le Parlement en janvier 2014 et rendue caduque, obsolète et dépassée par la relance de la réforme territoriale annoncée en avril 2014.
Le dossier, coordonné par Lisa Pignol et Jean-Pierre Saez, garde cependant une robuste actualité – mais il est vrai que sa lecture est nécessairement distanciée.
Actualité de la langue de bois : on saluera, par exemple, les interventions sur « l’État garant d’une forme d’équité territoriale » (comment ?), la culture comme condition « d’une identification heureuse des individus et des groupes » ou la nécessité « de reconnaître l’existence d’une pluralité de démarches et d’acteurs qui composent les territoires aujourd’hui » (p. 20, 38 et 24).
Actualité de l’analyse historique, celle de Guy Saez, qui souligne notamment l’importance du contexte créé par les lois de décentralisation de 1982-1983 (« l’espace de liberté que les élus locaux vont s’approprier »), plus que du texte de loi lui-même (p. 13).
Actualité de l’analyse politique, celle d’Emmanuel Négrier et Philippe Teillet, sur le bon niveau d’intervention et de responsabilité des collectivités territoriales, « l’échelle d’élaboration et de mise en œuvre des choix publics en matière culturelle » (p. 34), avec un intérêt marqué pour les futures métropoles.
Actualité du coup de gueule de Patrice Béghain, pour qui on se paye de mots (« Le modèle français est à bout de souffle », p. 25), qui parle de « la fin d’un cycle » et souhaite la régulation du champ culturel autour des communes et des régions (p. 27).
Actualité de la revendication de l’identité bretonne (le colloque s’est tenu à Nantes, juste au début du mouvement des bonnets rouges), soulignant la vitalité de la culture populaire, la force du bénévolat et traçant un joli portrait du « plouc d’aujourd’hui », qui n’est pas breton (p. 53).
Actualité de l’incertitude, celle de Sylvie Robert, en particulier à propos des délégations de compétences (qui ne sont pas des transferts) : « Personne ne sait ce que cela peut recouvrir » (p. 23).
Actualité du questionnement autour de la clause de compétence générale, supprimée puis rétablie et qui devrait de nouveau être supprimée.
Actualité de la dissonance entre administratifs et élus, la professionnalisation des gestionnaires culturels ayant généré de la routinisation et de la normativité (p. 42 et 68), au point que c’est une DAC qui appelle à « (re)faire de la politique » (p. 70).
Enfin, pour sourire, actualité de l’anonymat : p. 50, est publiée la contribution de « la vice-présidente du département de Loire-Atlantique déléguée à la Culture », dont, apparemment, personne n’a réussi à connaître le nom.
Bref, un dossier intéressant mais fragilisé par les nouveaux projets politiques. Donc, à reprendre, peut-être en y adjoignant un volet bilan (par exemple, sur les effets de l’évolution de la Drac en Corse, depuis la loi de 2002).