Bibliothèque en évolution ?

Louis Klee

Le fil des récentes dépêches les plus lues de Livres Hebdo 1

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Livres Hebdo du 23 août 2014.

dessine, mine de rien, une réflexion sur l’avenir des bibliothèques.

D’un côté, Jacques Attali fustige la vision rétrograde des gens du livre qui ont transformé le projet de TGB numérique en une BNF antédiluvienne et malcommode 2

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Blog de Jacques Attali, « Amazon, et après ? », 18 août 2014. En ligne : https://www.attali.com/art-et-culture/amazon-et-apres/

. Sa vision de l’évolution du petit monde de l’édition en France est stimulante. Mais rien sur le rôle de la bibliothèque dans la publication en accès ouvert 3
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Blog Marlène’s Corner, « Quels changements pour les BU quand l’OA primera ? », 26 août 2014. En ligne : https://marlenescorner.net/?s=Quels+changements+pour+les+BU

(la réussite de Couperin me semblait pourtant notoire !), dans la formation des élèves et des étudiants et dans l’accès universel à des ressources documentaires sur tous supports neutres et pluralistes. Étrange paradoxe : la partie de l’élite académique qui voulait tant « sa » bibliothèque, sans doute la même qui reste scotchée au cours magistral 4
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Aurélie Collas, « La classe résiste magistralement », Le Monde.fr, 22 août 2014. En ligne : https://www.lemonde.fr/education/article/2014/08/28/la-classe-resiste-magistralement_4478529_1473685.html [accessible sur abonnement].

, à la culture du cuit contre celle du cru 5
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André Miquel, Les bibliothèques universitaires : rapport au ministre d’État ministre de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports, La Documentation française, 1989.

, se rue vers un numérique mal maîtrisé où la bibliothèque n’aurait plus qu’une place résiduelle, façon CDI. Sur le fond, on pourrait penser que l’appropriation de la bibliothèque par le peuple, politique suivie avec une constance cahotante depuis 1945, en a fait une institution obsolète pour cette partie de l’élite qui estime, péremptoire, que tout est sur le Net.

De l’autre, explose la colère des bibliothécaires français participant au congrès de l’IFLA, orphelins de leurs (trop ?) nombreux ministres de tutelle 6

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Christine Ferrand, « Des bibliothécaires en colère », Livreshebdo.fr, 19 août 2014. En ligne : https://www.livreshebdo.fr/article/des-bibliothecaires-en-colere

. Légitime en termes de savoir-vivre institutionnel, elle révèle aussi, qu’ils restent collectivement, malgré des initiatives individuelles remarquables, encore trop dans l’attente, voire dans l’ombre d’une prescription de l’État, des collectivités, voire des syndicats, qu’ils pourront par ailleurs contester. Or c’est la prescription des usagers qui doit guider leur action. Les bibliothécaires doivent anticiper une hypothétique réforme de l’État qui n’aura pas la bibliothèque comme centre d’intérêt premier et donner un libre cours bien plus grand à leur capacité d’initiative qui est sans doute l’une des formes que prend la liberté d’entreprendre dans la fonction publique.

Notre précédente contribution, « Ouvrir pour faire société : la bibliothèque reprogrammée » 7

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Titre inspiré par l’article « The library reboot » (le redémarrage de la bibliothèque) de Richard Monastersky in : Nature du 27 mars 2013. Voir Louis KLEE, « Ouvrir pour faire société : la bibliothèque reprogrammée », Bulletin des bibliothèques de France (BBF), 19 juin 2014. En ligne : https://bbf.enssib.fr/matieres-a-penser/ouvrir-pour-faire-societe-la-bibliotheque-reprogrammee_70081

, développe de manière plus approfondie le rôle de la bibliothèque, institution pilier d’une société démocratique à l’ère du numérique. L’extension des horaires samedi et dimanche, et au moins 70 heures par semaine, représente le premier pas d’une reconquête de publics disparus ou orphelins, corroborée par l’annonce de l’ouverture des musées 7 jours sur 7 8
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Johanna Luyssen, « L’ouverture des musées 7 jours sur 7 est envisagée », Le Monde.fr, 25 juillet 2014. En ligne : https://www.lemonde.fr/culture/article/2014/07/25/l-ouverture-des-musees-7-jours-sur-7-est-envisagee_4462641_3246.html [accès sur abonnement].

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La campagne pour la large ouverture des bibliothèques doit se poursuivre et ne pas tomber dans les oubliettes du conformisme de l’obstacle insurmontable de la technostructure. Mais les bibliothécaires ne sauraient se contenter de cette modeste avancée. Affirmer avec force et constance le bibliothécaire dans le rôle de médiateur, de décodeur, de décrypteur de la culture informationnelle, constitutive de la citoyenneté à l’ère du numérique, et ouvrir le débat sur le modèle économique et la gratuité de la bibliothèque nous semblent des priorités. Ces thèmes pourraient faire l’objet de prochaines contributions.

L’avenir de la bibliothèque dépend beaucoup de celles et ceux qui l’animent, usagers comme professionnels.