Droit d’auteur et bibliothèques

par Christelle Petit
Sous la direction d’Yves Alix
Paris, Éditions du Cercle de la Librairie, 2012, 241 p., 24 cm
Collection « Bibliothèques », Nouvelle édition
ISBN 978-2-7654-1348-6 : 36 €

À l’heure où les bibliothèques cherchent plus que jamais à ancrer leur existence dans le champ social et culturel par une présence active et visible, qu’elle soit réelle ou virtuelle, les questions de droits d’auteur sur les documents montrés, transmis, prêtés ou produits se posent de manière particulièrement prégnante.

C’est dire la nécessité de la parution de Droit d’auteur et bibliothèques, qui opère une « refonte presque complète » de l’ouvrage Le droit d’auteur et les bibliothèques publié en 2000 dans la même collection, à un moment du débat sur le droit de prêt où les bibliothécaires prenaient conscience de leur trop grande ignorance en matière de droit d’auteur. Le BBF écrivait alors  1  : « On peut dire de cet ouvrage qu’il vient à point nommé ou qu’il s’est longtemps fait attendre. » Depuis, le Code de la propriété intellectuelle a subi d’autres modifications : la loi sur le droit de prêt de 2003 a été suivie en 2006 de la loi Dadvsi (droits d’auteur et droits voisins dans la société de l’information), en 2009 de la Loppsi (loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure) et aussi de la loi Hadopi « favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet ». Cette recension aurait donc pu commencer par la même formule.

Aujourd’hui, dans les bibliothèques, les questions liées au droit d’auteur suscitent sans doute moins de positions polémiques que d’interrogations perplexes. C’est que le droit à l’information interroge les bibliothèques et institutions documentaires dans des directions de plus en plus nombreuses et diverses : le droit à l’image et à la vie privée, les données publiques, la sécurité des données, le cadre juridique des publications sur internet, etc. La préface de l’ouvrage précise néanmoins la volonté de s’en tenir à la seule propriété intellectuelle, précisément propriété littéraire et artistique, laquelle pose suffisamment de questions pour justifier alors d’un ouvrage complet.

Droit d’auteur et bibliothèques est signé par neuf auteurs qui, comme pour la première édition, ont la qualité inestimable de couvrir les champs du droit et des bibliothèques, neuf auteurs pour un ouvrage fouillé, précis et organisé.

Le propos est donc structuré en trois parties, la première partie étant consacrée à une présentation générale de la législation par Emmanuel Pierrat : la définition d’une œuvre, les deux grands droits, patrimoniaux et moraux, les exceptions aux droits patrimoniaux. Il ne s’agit pas pour autant d’un cours de droit : les lois, citées et expliquées, sont commentées à travers le prisme des bibliothèques, ce qui permet de bien en cerner les enjeux, et au passage de régler leur compte à certaines idées reçues, à commencer par la croyance qu’internet naviguerait à vue dans une sorte de vide juridique. Le « etc. » qui achève cette partie dit bien, cependant, que la réglementation n’a rien de définitif.

La deuxième partie étudie des aspects liés aux collections dans leurs rapports au droit d’auteur : le dépôt légal (Sophie Sepetjan), le droit de prêt, de consultation (Yves Alix), le droit de reproduction (Michèle Battisti), l’action culturelle (Yves Alix). Chaque article traite avec précision son sujet et fournit plus que des pistes : des bases solides, de vrais outils de réflexion pour les pratiques des professionnels.

Quant à la dernière partie, intitulée « Révolution numérique et évolutions de la propriété intellectuelle », elle s’organise autour de trois thématiques : les bibliothèques dans le débat politique et juridique (Dominique Lahary), les archives ouvertes, les licences Creative Commons (Manuel Durand-Barthez) et la bibliothèque sur le web, la publication numérique (Lionel Maurel). Bien sûr, le mot de la fin n’est pas donné, des questions restent en suspens même si se dessine une tendance générale à la contractualisation en matière de droits d’auteur.

La dernière partie de la première édition, qui consistait en un guide pratique, n’a pas été reprise, puisque, selon les auteurs, le Guide pratique du droit d’auteur : utiliser en toute légalité textes, photos, films, musiques, Internet + protéger ses créations d’Anne-Laure Stérin (éditions Maxima, 2011) remplit pleinement cette fonction de manuel.

Néanmoins, et ce n’est pas la moindre de ses qualités, l’ouvrage est parcouru d’encadrés sur des points spécifiques : « La numérisation des livres indisponibles au XXe siècle », « L’accord Sacem/Creative Commons », « Engager et rémunérer des auteurs et des interprètes », ou encore « Thèses et travaux universitaires : les enjeux de la diffusion en ligne » et bien d’autres. Ces ressources complémentaires sont augmentées d’une partie « Ressources » qui décrit les fonds concernant le droit d’auteur dans les bibliothèques et propose une bibliographie organisée et assez complète sur le sujet.

L’ensemble de ces informations rassemblées, expliquées, mises en perspective pour les bibliothèques, justifiait bien les modifications du titre, pour en signifier la refonte annoncée. Et sans nul doute, les bibliothécaires se sentiront mieux armés après la lecture de Droit d’auteur et bibliothèques.