Les collections francophones en Amérique du Nord

Sarah Sussman

Cet article est une présentation raisonnée des principales collections détenues dans les bibliothèques d’Amérique du nord et portant sur des régions ou des pays francophones (à l’exception de la France) : Québec, Louisiane, Caraïbes, pays francophones d’Afrique, du Moyen-Orient et d’Asie du Sud-Est. Il conclut sur l’intérêt de mettre en place des politiques documentaires coordonnées.

Sarah Sussman’s article presents North America’s main library holdings on French-speaking regions outside France, covering Quebec, Louisiana, the Caribbean, French-speaking Africa, the Middle East, and South-East Asia. It concludes by underlining the importance of developing a coordinated document policy.

Dieser Artikel ist eine durchdachte Präsentation der wichtigsten Sammlungen im Besitz der Bibliotheken Nordamerikas und erstreckt sich auf frankophone Regionen oder Länder (mit Ausnahme Frankreichs): Québec, Louisiana, Karibik, frankophone Länder Afrikas, des Mittleren Ostens und Südostasiens. Er schliesst mit dem Interesse des Einsatzes aufeinander abgestimmter Anschaffungspolitiken.

Este artículo es una presentación razonada de las principales colecciones detentadas en las bibliotecas de América del Norte y que se refiere a regiones o países francófonos (a excepción de Francia): Quebec, Luisiana, el Caribe, países francófonos de Africa, del Medio Oriente y de Asia del sudeste. El artículo concluye sobre el interés de instalar políticas documentales coordinadas.

Les collections de langue française ont une longue histoire au sein des bibliothèques et des archives nord-américaines.

Les régions francophones du Canada et de la Louisiane avaient des raisons pratiques et politiques de créer ces collections francophones, écrites par et sur leurs populations, alors que les grandes bibliothèques de recherche, comme la Bibliothèque du Congrès, la New York Public Library, celles des universités d’Harvard, Yale et Princeton ont rassemblé des collections francophones dès leur création, soulignant ainsi le rôle fondamental joué par la pensée et par l’histoire françaises dans l’éducation classique.

En Amérique du Nord, les documents francophones se divisent en plusieurs grandes catégories. Tout d’abord, ceux qui sont originaires de l’Amérique francophone. Au Canada, cela concerne principalement le Québec et la Nouvelle-France, mais aussi d’autres provinces ayant un riche patrimoine francophone, comme l’Ontario et les Prairies. Aux États-Unis, des populations francophones se sont implantées historiquement en Nouvelle-Angleterre et en Louisiane, mais aussi dans des états du Sud-Est, eu égard à leur proximité avec les Caraïbes. Plusieurs bibliothèques possèdent des collections consacrées à la production culturelle de ces sociétés.

Cependant, les collections francophones ne se contentent pas de fournir une documentation sur les communautés locales. Les bibliothèques nord-américaines disposent également de fonds francophones richement dotés en documents provenant d’autres zones francophones, d’Afrique, des Caraïbes, d’Asie du Sud-Est, d’Afrique du Nord et du Moyen Orient.

Cet article s’efforcera d’identifier les bibliothèques dont les politiques documentaires sur ces thématiques sont particulièrement affirmées. Il ne portera ni sur la France, ni sur d’autres pays européens francophones tels que la Suisse et la Belgique.

Qu’est-ce qu’une collection francophone ?

Définir les contours de la collection francophone d’une bibliothèque demeure une entreprise compliquée et ambiguë.

Une récente bibliographie sur la francophonie regroupe des ouvrages publiés en français hors de l’Hexagone depuis les années 1970, et classés selon des thèmes clés tels que le langage, la littérature, la société  1. Ce travail met en rapport l’augmentation du nombre d’ouvrages universitaires portant sur le monde francophone et l’émergence des études francophones à l’université, avec le mouvement socioculturel culminant dans la création de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) dans les années 1970 et ses objectifs politiques formulés pour la première fois à l’occasion de la conférence d’Hanoï en 1997  2. Il montre que les principales productions de la littérature francophone et des travaux universitaires portent sur le colonialisme et le post-colonialisme, les phénomènes migratoires, les politiques linguistiques, les notions d’altérité et de différence.

Cependant, la documentation portant sur les cultures et les sociétés francophones couvre des champs beaucoup plus larges et, dans le cadre de cet article, je ne veux pas limiter mon analyse aux seuls documents relatifs à la mission politique de l’OIF. Car les collections aux États-Unis et au Canada portent sur tous les aspects historiques et contemporains : littérature, arts et culture, politique, sciences, religion et société.

C’est sur les principales collections de documents portant sur tous ces sujets que je vais m’attarder maintenant.

Les collections francophones au Canada

Pour ce qui est de l’Amérique du Nord francophone, il convient évidemment de commencer par les principales collections canadiennes.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ), à Montréal, a ouvert ses portes en 2005, regroupant en une seule institution (La Grande Bibliothèque) l’ancienne Bibliothèque nationale du Québec et les Archives nationales du Québec, et devenant un des centres névralgiques de la ville.

Sa mission est d’acquérir, conserver et faciliter l’accès au patrimoine documentaire québécois. Les acquisitions sont effectuées par le biais du dépôt légal ou par achat de tous les documents publiés au Québec, avec un intérêt tout particulier pour ceux portant sur le patrimoine culturel et social de la province. Une partie de sa mission consiste également à promouvoir les maisons d’édition québécoises. Les documents publiés ailleurs qu’au Québec mais portant sur le Québec ou écrits par des auteurs québécois sont aussi acquis.

BAnQ rassemble tout type de documents, monographies imprimées et électroniques, périodiques, documents gouvernementaux, rapports, quotidiens, aussi bien qu’œuvres musicales ou pour la jeunesse. Est particulièrement intéressante l’imposante collection de publications gouvernementales, comprenant, d’une part, plus de 60 000 documents publiés par le gouvernement québécois et plus de 30 000 documents publiés (en français et en anglais) par le gouvernement fédéral canadien et dont les plus anciens remontent à 1867, et, d’autre part, les publications numériques depuis 2001.

Les collections patrimoniales de BAnQ comportent plusieurs fonds de documents rares et exceptionnels, y compris des livres anciens et des grands formats imprimés au Québec et en Nouvelle-France, mais aussi des documents iconographiques comme des cartes postales, des affiches, des cartes, des estampes et des imprimés, des programmes de spectacles, qui portent sur la société québécoise, sa culture, son éducation depuis les débuts de la colonie.

Les archives provinciales, auparavant dispersées dans neuf centres régionaux, ont aussi été intégrées à BAnQ. Elles contiennent la production du gouvernement provincial québécois et de ses agences, les archives judiciaires, des documents photographiques et cartographiques, les archives civiles et notariales, y compris les actes de baptême qui constituent une véritable mine d’or pour les personnes menant des recherches sur la généalogie et sur l’histoire familiale et locale. Les archives de grandes familles et d’autres documents privés complètent les collections.

Les fonds d’archives et d’imprimés de BAnQ nous documentent sur l’histoire sociale et culturelle de cette partie essentielle de l’Amérique du Nord francophone, mais il convient aussi de mentionner d’autres bibliothèques comportant d’importantes collections de littérature francophone nord-américaine.

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Bâtiment de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) situé à Montréal. Photo : mcwetboy (Jonathan Crowe) sur Flickr (licence cc by-nc-nd 2.0)

La bibliothèque de l’université d’Alberta porte un intérêt tout particulier à la littérature francophone de l’Ouest canadien (Western Francophone Canadiana). Elle est également en train de numériser activement l’ensemble de ces documents dans le cadre de sa base de données Peel’s Prairie Provinces. Cette base de données contient la plupart des journaux francophones d’Alberta et bientôt ceux du Manitoba et du Saskatchewan. Elle comporte aussi presque 2 000 livres numérisés, des images et des cartes postales en français, portant sur l’Ouest canadien.

Les collections spécialisées de l’université de Montréal comprennent le fonds Canadiana Georges Baby, centré sur l’histoire et la société canadienne, principalement en français. Au sein de cette collection, on notera des comptes rendus anciens d’explorations du Canada francophone, mais aussi une collection significative de brochures, en grande majorité du XIXe siècle, portant sur divers aspects de la société canadienne francophone.

La bibliothèque de l’université Mc Gill acquiert des ouvrages sur le Canada francophone, et redouble d’efforts pour atteindre le niveau recherche dans les collections consacrées à la littérature francophone canadienne. Parmi ses collections spécialisées, citons le fonds Joubert sur le Canada francophone, qui comporte des documents sur l’histoire du Québec, depuis la fin du XIXe siècle jusqu’aux années 1970, et a trait à tous les aspects sociaux, politiques et culturels de la vie québécoise. Un élément important en est la riche collection d’histoire des paroisses québécoises.

L’université de Toronto possède des ouvrages portant sur l’histoire canadienne, tout comme un fonds dédié à l’histoire et à la langue franco-ontarienne, y compris à l’enseignement. D’autres bibliothèques universitaires canadiennes, comme celle de l’université d’Ottawa, comportent aussi des ressources pour l’étude de l’Amérique du Nord francophone.

De l’autre côté de la frontière, à la bibliothèque de l’université de Brown, la collection Harris consacrée au théâtre et à la poésie américains comporte la plus importante collection de poèmes et d’œuvres théâtrales canadiennes hors du Canada, dont un très grand nombre de documents en langue française. Cette collection, qui ne cesse de s’enrichir, possède des documents du XVIIe au XXe siècles. Se trouvant également à Brown, la bibliothèque John Carter possède des sources primaires sur l’histoire de l’Amérique du Nord et de l’Amérique du Sud avant 1825 et une riche documentation francophone.

La proximité avec le Canada est peut-être la raison pour laquelle les bibliothèques de la Nouvelle-Angleterre et de la région des Grands Lacs, comme celle de l’université du Michigan, possèdent souvent d’importantes collections dédiées aux études canadiennes. Par exemple, l’Assumption College, à Worcester dans le Massachusetts, est un petit établissement catholique fondé par des moines augustiniens pour éduquer la population francophone de Nouvelle-Angleterre, composée en majeure partie d’immigrants québécois. Son Institut français promeut la culture et le patrimoine franco-américain, et l’une des missions de sa bibliothèque est de rassembler les documents relatifs à tous les aspects de la présence française aux États-Unis, et plus particulièrement en Nouvelle-Angleterre.

Les États-Unis francophones

Bien sûr, en Amérique du Nord, la culture et la langue françaises ne sont pas uniquement présentes au Canada. Les États-Unis ont une longue tradition de communautés francophones, allant des Acadiens de Louisiane, aux immigrants caribéens au sud-est, en passant par les immigrants franco-canadiens le long de la frontière du nord-est.

Aux États-Unis, la Bibliothèque du Congrès dispose de remarquables collections portant sur ces populations, leur histoire, leur culture, comme le souligne son partenariat numérique avec la BnF, « La France en Amérique, France in America », lancé en 2006. Cette bibliothèque numérique totalement bilingue comporte des documents des deux bibliothèques nationales relatifs à la présence française dans toute l’Amérique depuis les premiers explorateurs jusqu’à la fin du XIXe siècle.

De même, le Schomburg Center, de recherches sur la culture noire, qui dépend de la New York Public Library, rassemble de la manière la plus exhaustive possible les documents relatifs à l’histoire et à la culture des populations d’origine africaine et de la diaspora africaine du monde entier, y compris les populations et les cultures francophones. Avec des fonds diversifiés, comportant des manuscrits, des documents d’archives, des livres rares, des documents musicaux, des objets, des photographies, des imprimés, des images animées, des enregistrements sonores, les collections du Schomburg Center sont les plus importantes concernant les Noirs aux États-Unis et dans les Caraïbes. Les acquisitions portent principalement sur des documents en français publiés au Canada, en Afrique, et dans les Caraïbes, et les fonds historiques et contemporains sur Haïti ont la réputation d’être particulièrement remarquables.

Les bibliothèques de Louisiane, région liée historiquement à la France et abritant d’importantes communautés francophones, tant cajuns que caribéennes, se sont spécialisées dans les documents francophones portant sur leur région.

L’université de Tulane à la Nouvelle-Orléans considère que les documents francophones rassemblés au sein de son département des Louisiana Studies sont un des points forts de sa collection. Cela dit, leur bibliothécaire fait remarquer que, depuis dix ans, il y a eu très peu d’acquisitions de documents de langue française portant sur la Louisiane, la plupart d’entre eux ayant été publiés par les éditions Tintamarre. Tintamarre est une maison d’édition installée au Centenary College, à Shreveport, en Louisiane, et publie ouvrages anciens et nouveaux travaux portant sur la Louisiane francophone. Les étudiants de cet établissement travaillent à l’édition et à la publication de ces documents.

La bibliothèque de l’université de Louisiane, à Lafayette, possède d’importantes collections consacrées à la Louisiane francophone, puisqu’elle a pour mission de rassembler de la manière la plus exhaustive possible tout document portant sur l’histoire et la culture de l’État. Les archives de l’université possèdent les archives privées des plus éminentes familles francophones de la région, portant tant sur l’histoire et la culture acadiennes, que sur la musique cajun et créole. Le département de l’université, consacré aux études françaises et francophones, publie la revue universitaire (à comité de lecture) Études francophones.

Les bibliothèques de l’université de Floride ont créé une bibliothèque numérique bilingue inspirée de « La France en Amérique » intitulée « Français en Floride/Floride française », elle permet aux chercheurs d’avoir accès aux travaux portant sur la colonisation française de la Floride.

Les collections francophones : les Caraïbes

Après avoir mentionné la Floride, nous pouvons maintenant nous tourner vers la place qu’occupent les Caraïbes au sein du monde francophone.

La Floride abrite trois universités qui sont membres fondateurs de la dLOC (Digital Library of the Caribbean), la Bibliothèque numérique des Caraïbes.

L’université de Floride, l’université internationale de Floride, et l’université de Central Florida, ont réuni leurs fonds aux collections disponibles à travers toutes les Caraïbes, pour créer cette magnifique bibliothèque numérique qui préserve le patrimoine documentaire portant sur la région et y assure un libre accès.

Les documents en français et en créole représentent une part significative de la dLOC  3. Haïti, la Guyane, et les Antilles françaises y sont représentés. Les chercheurs du monde entier peuvent ainsi avoir accès à des documents tels que les récits des premiers voyages et des premières explorations, des sources primaires portant sur l’esclavage, l’immigration, l’agriculture, des études linguistiques, des documents iconographiques historiques, des cartes, des photographies, tout comme des documents éphémères plus récents, des journaux et des newsletters, des documents gouvernementaux, et de la littérature. Ils peuvent également avoir accès à des documents rares et uniques provenant des archives d’Haïti.

Outre cette remarquable collection numérique, plusieurs autres bibliothèques d’Amérique du Nord possèdent une documentation abondante sur les Caraïbes françaises. L’université de Floride s’efforce de renforcer sa collection de documents portant sur les Caraïbes, y compris la littérature francophone.

La bibliothèque de l’université de Duke, en Caroline du Nord, est une autre ressource importante d’ouvrages caribéens, avec peut-être la plus importante collection consacrée à Haïti de tous les États-Unis. Le laboratoire de recherche « Haïti » de l’université de Duke est en train de mettre en place la bibliothèque numérique Haïti (Haiti Digital Library  4), qui devrait servir de guide et de portail pour accéder aux ressources en ligne sur Haïti. Parmi les documents rares de la bibliothèque de Duke, il faut mentionner les archives de plusieurs organisations de défense des droits et de l’amélioration des conditions de vie des immigrants haïtiens tant en Floride, que dans le reste des États-Unis  5.

Importante, elle aussi, pour la connaissance des Caraïbes françaises est la bibliothèque John Carter à l’université de Brown, déjà évoquée. Cette bibliothèque s’est spécialisée dans les ouvrages portant sur les Amériques et le monde atlantique, et dispose de collections particulièrement significatives consacrées à l’exploration et à la présence française aux Amériques. Elle est particulièrement renommée comme centre de recherche sur l’esclavage et le monde atlantique.

Les collections francophones : l’Afrique et l’Asie

Si l’on quitte les Amériques, il faut signaler que les documents sur la présence française et le long passé politique et l’héritage culturel français sur le continent africain forment une riche offre de documents francophones au sein des bibliothèques nord-américaines.

Les sources en langue française tant venant que traitant de l’Afrique de l’Ouest et du Maghreb relèvent souvent des bibliothèques dédiées aux mondes africain et islamique. Les bibliothécaires qui s’intéressent à l’Afrique subsaharienne se sont regroupés au sein du Conseil des bibliothécaires africanistes (Africana Librarians Council), parrainé par l’Association des études africaines. Ils se rencontrent deux fois par an et publient trois fois par an un bulletin d’informations.

La plupart des bibliothèques abritant des collections africaines de niveau recherche sont également membres du CAMP (Cooperative Africana Materials project), le projet coopératif concernant les documents africains, fondé en 1963 sous l’égide du CRL (Center for Research Libraries). Il a mission de préserver les publications rares et les archives portant sur l’Afrique subsaharienne, et d’en favoriser l’accès  6. Il acquiert des microfilms et procède au microfilmage de documents précieux ; la numérisation de ces microfilms est en cours.

Les universitaires membres d’institutions appartenant au CRL (et pas uniquement au CAMP) peuvent profiter de ces importantes ressources grâce au prêt interbibliothèques. Généralement, les bibliothèques ayant les programmes d’études africaines les plus dynamiques sont celles qui possèdent les plus importantes collections en la matière  7.

Actuellement, la plus importante bibliothèque portant sur l’Afrique est celle de la bibliothèque Melville Herskovits de l’université Northwestern. Ses collections portent sur l’ensemble du continent, livres, journaux et autres documents publiés dans toutes les langues, en Afrique ou bien sur l’Afrique. Les documents de langue française constituent une grande part de la collection, et il convient de noter que l’Afrique du Nord y est une thématique très bien représentée.

Les collections africaines de la Bibliothèque du Congrès comptent également parmi les plus importantes dans le domaine. Partie intégrante de la division africaine et moyen-orientale, ce département rassemble des documents de tout format et portant sur tous les aspects de l’Afrique subsaharienne, y compris l’Afrique francophone.

Dans d’autres bibliothèques, les documents concernant l’Afrique francophone se trouvent dans les collections générales des bibliothèques disciplinaires (théologie, anthropologie, par exemple), ou dans des collections spécialisées et des départements d’archives.

L’université de Yale dispose de quelques-unes des plus importantes collections africaines disponibles actuellement. Bien qu’elles se concentrent avant tout sur l’Afrique anglophone, les bibliothèques de Yale n’en négligent pas pour autant l’Afrique francophone.

Parmi les autres importantes collections des bibliothèques des États-Unis consacrées à l’Afrique, il faut mentionner celles de :

  • l’université de l’Indiana, avec une attention traditionnellement portée sur l’Afrique de l’Ouest, mais aussi un récent regain d’intérêt pour les documents francophones en provenance du Maghreb  8 ;
  • l’université d’État du Michigan, qui bien que traditionnellement centrée sur le Sénégal et le Sahel, principales régions de l’Afrique francophone, n’en néglige pas pour autant tout autre document en français ;
  • l’université de Floride ;
  • l’université de l’Illinois à Urbana-Champaign.

En Californie, les universités UCLA et Berkeley ont toutes les deux d’importantes collections africaines, avec un intérêt tout particulier porté aux ouvrages de sciences humaines et de sciences sociales publiés en Afrique de l’Ouest et en République démocratique du Congo.

Les bibliothèques de l’université Stanford et les Hoover Institution Library and Archives sont réputées pour leurs importantes collections consacrées à la politique africaine, de la colonisation européenne à l’époque contemporaine, en passant par la période des indépendances. Les archives de la Hoover Institution abritent plusieurs importantes collections consacrées à l’Afrique francophone : Zaïre, Congo, Gabon, Cameroun et Côte d’Ivoire. En 2001, les bibliothèques de l’université Stanford ont renforcé leurs fonds documentaires en y intégrant la plupart des ouvrages et des périodiques de la collection africaine de la bibliothèque de la Hoover Institution. Ces fonds sont centrés sur les sciences sociales, sur les documents gouvernementaux ou d’agences non gouvernementales, tout comme sur les ouvrages littéraires et les essais. Le passé colonial de la Belgique en Afrique, faisant l’objet de nombreux rapports de toute première importance, de périodiques et d’autres documents, est loin d’être absent de ces fonds. Il en est de même pour les anciennes colonies françaises.

Dans les bibliothèques nord-américaines, le Maghreb relève d’abord des bibliothèques consacrées aux mondes islamique et moyen-oriental.

Étant donné l’importance que revêt la zone pour les États-Unis en matière de politique étrangère, la Bibliothèque du Congrès s’est dotée d’une collection remarquable.

Traditionnellement, les collections les plus importantes portant sur le Maghreb et les zones sous influence française au Moyen-Orient se trouvent dans les bibliothèques dont les institutions ont d’importants programmes académiques qui y sont consacrés.

La plus importante d’entre elles est l’université de Princeton, dont les collections consacrées au Proche-Orient ont été intégrées à la bibliothèque Firestone. Elle possède d’importants fonds sur l’histoire coloniale, la géographie, la santé publique, et également de remarquables fonds de périodiques rares. Yale et Harvard ont également d’impressionnantes collections centrées à la fois sur l’histoire et les sociétés proche-orientales. Elles sont particulièrement bien dotées en matière de littérature maghrébine francophone, tout comme l’université UCLA. L’université de l’Arkansas a bénéficié du don de la bibliothèque de recherche sur l’Afrique du Nord de l’éminent chercheur Kenneth Brown.

Enfin, pour ce qui est des documents en français venant et traitant de l’Asie du Sud-Est, l’université Cornell possède la plus importante collection des États-Unis : la John M. Echols Collection étant la plus importante collection mondiale de documents en ce domaine.

D’autres bibliothèques possèdent également d’importantes collections. L’université du Michigan s’est donnée pour mission de rassembler les documents en français provenant du Vietnam, du Cambodge, du Laos et de la Thaïlande. L’université de Californie, à Berkeley, dispose d’une bibliothèque consacrée à l’Asie du Sud et l’Asie du Sud-Est (South and Southeast Asia Library) dotée de fonds remarquables ; par le biais d’une étroite collaboration en interne, on peut aussi trouver dans d’autres bibliothèques de cette institution des documents se rapportant à l’Asie du Sud-Est. Ces dernières s’intéressent tout particulièrement aux études indochinoises renvoyant à la période coloniale française, mais aussi à tout ouvrage scientifique en langue française consacré à l’Asie du Sud-Est.

Signalons d’autres bibliothèques dotées d’importants fonds consacrés au sud-est asiatique, et comportant des documents francophones : la Bibliothèque du Congrès, les bibliothèques de Yale, Harvard, Ohio, Wisconsin-Madison, Northern Illinois, Hawaï, et celle de l’université de Washington.

Francophonie et collections francophones

La recherche universitaire sur des thèmes se rapportant à la francophonie est florissante en Amérique du Nord, comme en attestent programmes et diplômes, conférences et publications.

Des bibliothèques telles que celles du Congrès, des universités Harvard et Yale sont remarquables par la profondeur et l’étendue de leurs collections en la matière. Elles bénéficient d’une politique d’acquisitions à long terme, d’équipes spécialisées de recherche et de financements non négligeables.

Mais, comme j’espère l’avoir mis en évidence au travers de cet article, il existe aussi des collections récentes et plus spécialisées. Les plus importantes institutions de recherche possèdent au moins une collection niveau recherche de documents francophones provenant des régions décrites dans cet article. Les bibliothèques des États-Unis et du Canada abritent d’imposantes collections, et cet article n’a pu présenter qu’une sélection de celles qui comportent d’importants fonds francophones.

On observe également une tendance croissante à la collaboration en matière de politique documentaire, alors que les budgets et l’espace disponible pour les publications imprimées se réduisent. Cette collaboration améliore le partage des ressources et, finalement, rend possible le développement de collections plus complètes et plus pertinentes. En effet, trop souvent, même les collections les plus importantes n’arrivent pas à rendre lisibles auprès des chercheurs les principes de leur constitution. Pour les chercheurs intéressés par des thématiques interdisciplinaires ou des régions et des pays parlant plusieurs langues et à l’histoire politique complexe, plus de transparence en matière de politique documentaire serait la bienvenue.

Les bibliothécaires et les universitaires reconnaissent que des collections thématiques organisées au niveau régional ou même national ont de plus en plus de sens.

Les bibliothécaires d’Amérique du Nord responsables de collections francophones ont compris qu’ils travaillaient mieux en coopérant entre eux et avec leurs collègues en France et dans les pays francophones. CIFNAL (Collaborative Initiative for French Language Collections  9), partenariat pour les collections francophones, a été fondée en 2006 pour promouvoir et faciliter l’échange d’idées et de ressources entre les bibliothèques de recherche francophones et celles d’Amérique du Nord. Appartenant au réseau CRL, les membres de CIFNAL se rencontrent tous les ans pour discuter des moyens d’améliorer l’accès aux documents francophones et de développer la communication entre bibliothécaires dans le monde francophone pour mener des projets communs en ce domaine.

WorldCat rend plus facile que jamais la localisation des fonds des bibliothèques, et les bibliothèques numériques telles que Google Books, Hathi Trust, Gallica et dLOC facilitent la découverte et l’accès aux documents.

La dynamique communauté des chercheurs, des bibliothécaires et de toutes les personnes qui s’intéressent à l’ensemble des aspects de la francophonie a la chance de pouvoir disposer de nombreuses, intéressantes et importantes collections dans les bibliothèques d’Amérique du Nord. •

Octobre 2012