Le politique, l'artiste et le gestionnaire
(re)configurations locales et (dé)politisation de la culture
Vincent Dubois
Clément Bastien
Audrey Freyermuth
Kévin Matz
ISBN 978-2-36512-003-6 : 22 €
Cet ouvrage collectif aborde quelques grands thèmes qui intéressent toutes les personnes concernées par les politiques culturelles locales : les acteurs (et leur positionnement respectif), leur poids, les registres successifs de légitimation, l’effacement de la politique.
Dans les trois premiers chapitres, déjà publiés ailleurs, Vincent Dubois reprend certains de ces thèmes à partir d’études locales. Le rôle historique de la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture (FNCC), l’exemple de la ville de Givors (Isère), celui de Bron (Rhône) lui permettent de tirer des éléments explicatifs de l’évolution des registres culturels et de la montée en puissance de l’administration locale de la culture. Comment le socioculturel s’est effacé, comment le traitement de la culture s’est « désocialisé » (a quitté le registre social), comment les administrateurs culturels se sont autonomisés par rapport au politique (non seulement en se professionnalisant mais aussi en mobilisant des ressources externes), comment « la politique culturelle municipale est [devenue] désormais l’apanage de spécialistes, loin des militants qui en avaient constitué la base ».
Quatre textes inédits enrichissent ce panorama. Vincent Dubois et Kévin Matz évoquent les « affaires » culturelles, les interventions directes d’élus qui, par une nomination, un désaveu, une coupure budgétaire, une censure, ont réglé un conflit avec des acteurs culturels – 48 affaires ayant eu lieu de 1995 à 2008 sont étudiées.
Audrey Freyermuth, à partir de l’exemple alsacien, analyse la place de la culture dans les intercommunalités : où elle montre que, malgré « l’encouragement au portage communautaire », « le cadre communal reste le principal échelon et le moteur de l’intervention culturelle locale ». L’intercommunalité confinée « aux interstices ».
Kévin Matz présente les résultats provisoires (mais convaincants) d’une étude encore inachevée sur le nouveau paradigme de la culture comme outil du développement économique : « croyance », « nouvelle doxa » (« l’effet Bilbao », du nom de la ville où le musée a relancé l’économie locale), « le mythe des effets économiques de la culture », dont l’émergence a été facilitée par le nouveau modèle de maire manager (et la fin du modèle de maire bâtisseur) et la conversion des acteurs culturels au management. C’est « la neutralisation du politique par l’économique ».
Clément Bastien revient, lui, sur le mécénat d’entreprise, ses effets (très limités), sa légitimité (la relève par des financements privés), son organisation (l’accent mis sur le territoire régional) et son périmètre (des projets « pacifiés », où des notables locaux peuvent s’investir, et d’où les acteurs culturels se sont retirés).
Deux compléments méthodologiques sont proposés : « Éléments pour une socio-histoire », réflexion programmatique due à Vincent Dubois, et une très riche (mais un peu ancienne) bibliographie.
À ces intéressants apports à la réflexion sur les politiques culturelles, s’ajoutent quelques éclairages sur les bibliothèques : la gratuité (p. 65), le projet de bibliothèque (p. 83), la professionnalisation (p. 96), le « deuil d’une vocation sociale » (p. 100), les médiathèques intercommunales (p. 132 et 135).
On notera, in fine, que cet ouvrage est dédié à Augustin Girard…