Du jeu, des enfants et des livres à l’heure de la mondialisation
Jean Perrot
Collection « Bibliothèques »
ISBN 978-2765410119 : 35 €
La réflexion sur les livres et la culture d’enfance inlassablement menée par Jean Perrot, fondateur de l’Institut international Charles Perrault, professeur émérite à l’université de Paris 13, spécialiste de la littérature d’enfance et de jeunesse, et qui fut directeur du laboratoire Jeux et jouets (de l’Institut Charles Perrault), l’a conduit à publier plusieurs ouvrages animés d’une idée-force : l’imaginaire ludique habite adultes et enfants, les rapproche et investit l’espace de la création. Mais, depuis Du jeu, des enfants et des livres, publié en 1987, de nombreuses mutations sont intervenues, dont Jean Perrot s’est toujours attaché à marquer les étapes. Dans Du jeu, des enfants, et des livres à l’heure de la mondialisation, il met en exergue deux composantes, essentielles et corrélées, du contexte actuel : ce qu’il appelle « l’avènement de la vidéosphère » et la mondialisation, en ce qu’ils affectent le champ de la littérature pour la jeunesse.
On est donc dans une recherche qui se construit de manière évolutive. D’où sans doute, pour le lecteur, une entrée difficile dans la lecture d’un essai qui rassemble un matériau profus, emprunte à plusieurs domaines disciplinaires, et où méthodes d’analyse et théories s’entrecroisent. Mais faisons confiance à l’auteur quand il énonce que « (son) propos est bien, d’abord, de proposer une réflexion concrète sur la production contemporaine ».
Réflexion sur la réflexion, d’abord. Et Jean Perrot d’évoquer le développement, à l’échelle internationale, de la recherche et de la critique. Sont ainsi présentés d’importants travaux et ouvrages, dus ou non à des universitaires, publiés ces dernières années, sans omettre des références plus anciennes. Ainsi se définit et se légitime un territoire, celui de la littérature pour la jeunesse, éclairé par l’esprit d’enfance. Réflexion également menée sous le signe de la Société du spectacle, Jean Perrot, d’ouvrage en ouvrage, élargissant les perspectives ouvertes par Guy Debord pour penser le monde, le rôle de l’image et la place de l’enfant.
Dans les quatre parties qui suivent sont développés des thèmes très variés : le mythe de Noël, le livre objet, la couleur dans l’album, le mot et l’image, etc. Occasion, chaque fois, de mettre en avant auteurs et œuvres anciennes et surtout toutes récentes. Le dernier thème abordé, « Du corps à l’œuvre », permet d’explorer jusqu’au vertige, dans le théâtre et le roman, réel, représentation, récit, jeu et fantasme et de montrer que, de même que le corps s’inscrit dans l’œuvre, l’œuvre elle-même s’inscrit dans l’histoire.
Il y a dans cet essai matière à de multiples essais et l’on a parfois le sentiment que, saisissant un terme, l’auteur veut en épuiser la polysémie et avec elle toutes les possibilités de développements théoriques dans un entrecroisement qui met au défi le lecteur. Mais comment ne pas être sensible à l’ampleur et à la diversité des connaissances mises en œuvre, aux analyses toujours stimulantes, à l’originalité des points de vue, au courage intellectuel d’une vision prospective voire visionnaire ?