Les journées numériques, Jnum
Émilie Barthet
Les Journées numériques de l’université Paris Descartes se sont tenues à Paris les 28 et 29 mars 2012 sur le thème « Fac en poche ». Leur objectif était d’interroger les usages des supports mobiles, tablettes, téléphones intelligents (smartphones), à des fins d’apprentissage.
Quels sont les enjeux du numérique et de la mobilité pour l’enseignement supérieur ? Face à cette problématique, le constat suivant a d’emblée été posé : si les interrogations sur l’apport des technologies mobiles à la pédagogie restent nombreuses, les pratiques évoluent néanmoins rapidement et les usages mobiles des étudiants se massifient.
François Guité, chargé de mission au ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport du Québec 1, a donné les principes théoriques d’une réflexion sur les apprentissages mobiles ou, en anglais, mobile learning, M-learning. Selon lui, les paradigmes de l’enseignement se sont profondément modifiés depuis l’apparition du wifi dans les institutions d’enseignement. Il pose cinq changements paradigmatiques majeurs :
- Les technologies actuelles permettent d’utiliser le web et les applications informatiques dans les classes et amphithéâtres.
- Les technologies offrent des possibilités supplémentaires pour l’enseignement sans se substituer à des moyens plus anciens.
- Les conditions de production de l’information ont profondément changé. On compte à présent en zetta octets (10 puissance 21) les données disponibles.
- La co-construction de savoirs est devenue une réalité avec le web 2.0 et les réseaux sociaux.
- Le web céderait le pas aux « apps », les applications dédiées des smartphones, dans la logique développée initialement par Apple.
L’idée pour les enseignants est donc de proposer une diversité de moyens aux étudiants pour accéder à l’information. Le stockage des données sur des supports extérieurs aux cerveaux bouleverse la place accordée à la mémorisation dans les apprentissages. Les réseaux sociaux donnent l’opportunité d’un enseignement plus social et moins solitaire, où l’étudiant est plus autonome. L’apprentissage d’aujourd’hui rejoint du coup les préoccupations de l’économie de l’attention, bien connue des spécialistes et usagers du web.
Le style d’enseignement des professeurs devient primordial. De nouvelles méthodes sont ainsi en cours d’élaboration, et un apprentissage adaptatif se met en place. L’acquisition de connaissances par les étudiants peut être demandée en dehors du cours avec tous les moyens qui sont à leur disposition, afin que les cours soient davantage un lieu d’échange et de problématisation.
Jean Debaecker, enseignant-chercheur à Lille 3 2, a décliné les usages qu’il faisait en cours de l’iPad, défendant l’outil comme une possible solution d’avenir. Selon lui, les avantages de la tablette par rapport à l’ordinateur personnel résident dans sa légèreté, son immédiateté de fonctionnement. La tablette lui a permis de rompre l’effet du « mur d’écrans » dans des salles de cours équipées de wifi où les étudiants sont « cachés » derrière leurs ordinateurs. Il a ainsi recréé de la convivialité et de la mobilité en se déplaçant et montrant des informations sur la tablette dans le cadre de travaux pratiques.
Plusieurs applications pédagogiques mobiles ont été présentées.
L’application C2i sur iPhone développé par la Mission numérique pour l’enseignement supérieur de la Direction générale pour l’enseignement supérieur et l’insertion professionnelle (Mines – DGESIP) propose un référentiel, une autoévaluation et la consultation de ressources pour s’autoformer.
Parlez-vous chinois ? conçue par l’École des Mines de Nantes 3, scénarise des séquences de dialogue ou d’écriture chinoise et favorise l’apprentissage par observation, écoute et répétition.
Eportfolio de médecine générale, développé par l’université Paris Descartes 4, est un outil facilitant la supervision et la certification des études de médecine générale de troisième cycle.
Univmobile, créée par l’UNR d’Île-de-France 5, propose la géolocalisation des campus, la diffusion de podcasts produits par les bibliothèques universitaires, une application mobile du Sudoc, et « Rue des Facs », le logiciel de référence virtuelle de l’UNR.
Tous les intervenants soulignent que l’usage d’un mobile, avec un affichage dynamique et une ergonomie simplifiée, parvient à mieux retenir l’attention des étudiants qu’un cours plus classique. Des résultats positifs ont même été observés sur l’efficacité des étudiants sur l’apprentissage d’une tâche donnée. L’adjonction d’un réseau social dédié à ces applications permet aux étudiants d’échanger entre eux, aux enseignants de donner des conseils et d’interagir aisément avec leurs étudiants. Cependant, l’impact d’un réseau social sur l’apprentissage reste à prouver, même s’il offre un contexte fondamental à cet apprentissage.
Si les innovations techniques semblent prometteuses, plusieurs questions subsistent concernant l’évolution de la pédagogie pour accompagner et améliorer le tutorat à distance dans le cadre de la formation continue, et des campus distants, et concernant les appétences générationnelles. La génération Y est technophile mais très conservatrice sur ses méthodes d’apprentissage, et confirme son intérêt pour les cours filmés par exemple, qui permettent de compléter les notes de cours.
La démocratisation de ces innovations techniques pose la question des coûts et des compétences.
Enfin, l’évolution du métier de formateur se voit accélérée, même si des réticences peuvent s’exprimer, d’autant que l’aspect recherche est souvent valorisé dans le métier d’enseignant-chercheur. •