« Qu’est-ce qu’un architecte de l’information ? »
Nathalie Hoeben
Que recouvre aujourd’hui l’expression « architecte de l’information » ? Quelles sont les différentes compétences associées à cette fonction ? Quelle place pour l’architecte de l’information dans les entreprises, par rapport à des métiers identifiés tels que l’ingénieur SI, le web designer… ? C’est à toutes ces questions que le colloque du 31 janvier 2012 1, organisé conjointement par l’INTD 2 et le Cnam au Conservatoire national des arts et métiers, a tenté d’apporter des réponses.
Un concept « ancien » qui connaît un regain d’intérêt
Ghislaine Chartron (professeur INTD-Cnam) et Évelyne Broudoux (MCF Cnam-Dicen) 3 ont rappelé que l’introduction, dès 1976, du concept d’architecte de l’information était due au designer Richard Saul Wurman. Face au défi des masses d’information produites et diffusées dans nos sociétés contemporaines, il préconisait d’organiser les données sous forme graphique pour les rendre plus facilement utilisables et accessibles (usability et findability). Les notions d’architecte et d’architecture de l’information connaissent, en Amérique du Nord, un regain d’intérêt. Une association spécifique, l’IAI (The Information Architecture Institute) 4, et le bulletin de l’ASIS&T (The American Society for Information Science & Technology) 5rassemblent les professionnels. Aujourd’hui, l’architecture de l’information convoque trois grands types de compétences : la conception technique des dispositifs, l’organisation des contenus et le design interactif.
Une fonction qui semble difficile à circonscrire
Philippe Bourdenet, ingénieur SDC de l’université du Maine et doctorant Dicen-Cnam, a ensuite apporté son éclairage en s’appuyant sur la conception technique d’un système d’information utilisant des ressources hétérogènes. Il a démontré comment la mise en œuvre de l’interopérabilité des sources, indispensable pour la recherche fédérée, fait appel à deux types de professionnels : le chargé de système d’information documentaire (processus métiers) et l’administrateur de SI (processus informatiques). L’architecte de l’information doit être le « chaînon manquant » entre ces deux pôles de compétence, en conjuguant une forte culture documentaire et informatique.
Le rapport étroit entre design informationnel et architecture de l’information a été souligné par Luc Dall’Armellina, professeur à l’École supérieure d’art et de design de Valence-Grenoble et à Paris 8. L’un comme l’autre visent l’intelligibilité des contenus, le design s’attachant aux signes et l’architecture à la structure. Il a présenté les moyens du design informationnel (cartographie dynamique, sémiologie graphique…), qui sont autant de façons d’habiller ou « habiter » l’information, et a souligné l’héritage de Vitruve et du Bauhaus.
La dimension organisationnelle a ensuite été abordée par Nadia Ivanovna, consultante chez Arisem 6, à partir du processus d’élaboration d’une ontologie. Selon elle, l’architecte de l’information intervient à deux moments clés : en amont, au moment de la conception de l’ontologie, et en aval, dans la façon de présenter les données (classement thématique sémantique, navigation par facettes).
Pour Carole Lipsyc, directrice du développement chez Adreva 7 et doctorante à Paris 8, la question de la trouvabilité est une priorité pour l’architecte de l’information. Parmi les agents d’un processus d’éditorialisation complexe (indexeur, documentaliste…), elle identifie l’éditeur, impliqué dans les dispositifs vectoriels, comme étant l’architecte de l’information.
La stratégie de contenu a structuré l’intervention de Ray Gallon, consultant Culturecom et président de STC France : « Un système reproductible qui définit la totalité du processus de développement éditorial (planification, création, livraison, gouvernance), en soutien d’expériences interactives signifiantes. » L’architecture de l’information et la stratégie de contenu sont intrinsèquement liées : structure et contenus interagissent et doivent être développés conjointement. L’ensemble du processus implique différents rôles qui pourraient être tenus par une même personne.
Enfin, Madeleine Heid, chef de projet Capitalisation du patrimoine informationnel chez Orange, nous a présenté son retour d’expérience. Chez Orange, l’architecture de l’information est une véritable stratégie d’entreprise pour simplifier l’expérience client face à la surabondance d’informations.
Utopie ou avenir ?
À l’issue de cette journée, la définition de l’« architecte » de l’information apparaît complexe. À la fois designer et éditeur, il maîtrise les processus informatiques et documentaires. Alors que des réflexions sont en cours pour créer des masters en architecture de l’information 8, proposant la bonne combinaison de savoirs technologiques, documentaires et de web design, le mot de la fin revient à Ghislaine Chartron pour qui « il n’est pas possible de capitaliser autant de compétences chez une même personne, mais il faut ouvrir les formations pour permettre [aux futurs professionnels] d’avoir une vision globale leur permettant de gérer une équipe projet d’architecture de l’information ». •