Signaler les ressources électroniques
Panorama actuel et perspectives
Gaël Revelin
C’est une Bulac 1 flambant neuve, mais sans réseau wifi, qui accueillait cette journée d’étude organisée par l’Aura 2, le 16 janvier 2012, consacrée au signalement des ressources électroniques.
Cette journée d’étude avait été proposée pour répondre au souhait des adhérents de voir leurs préoccupations immédiates abordées au cours de ces rencontres, ce qui explique l’absence au programme d’un intervenant étranger pour laisser la place au concret, au retour d’expériences. Pour introduire la journée, Nicolas Morin 3 porte la problématique au-delà du simple signalement, en abordant la question de l’exploitation des métadonnées que permettent désormais les outils présents sur le marché.
À l’origine, une simple mention de la ressource renvoyait sur le site du fournisseur, puis les bibliothèques ont délégué le signalement de leurs ressources électroniques à des prestataires extérieurs, après plusieurs tentatives honorables mais « home-made », qui restent en marge de l’institution, reposant sur une mutualisation des bonnes volontés (la Bimpe 4 de l’indispensable Dominique Rouger 5).
L’apparition de la norme OpenURL 6 en 2005 laisse entrevoir de nombreuses possibilités, permettant aux bibliothèques d’offrir un service allant au-delà du simple signalement : accès au texte intégral, services connexes comme le prêt entre bibliothèques.
Malheureusement, la variété des fournisseurs et la multiplication des outils (Electronic Resources Management System, Discovery Tool, résolveur de liens, listes alphabétiques) entraînent une variété des bases de connaissances, et l’absence de normalisation empêche de tirer parti du volume de métadonnées disponible.
Cette abondance de ressources (les collections électroniques se comptent en dizaines de milliers d’unités) pose la question de ce que l’on doit signaler, puisque, dans l’absolu, on pourrait signaler tout ce que comprend la base de connaissance du prestataire, y compris ce à quoi on n’a pas souscrit.
Qualité et volume des données
L’exemple de la croissance et du volume de métadonnées disponible sur Mendeley 7, un mélange de réseau social et de gestionnaire de bibliographies pour chercheurs, montre bien que la taille compte. Les bibliothécaires vont devoir apprendre à gérer ces volumes et accepter qu’ils prévalent sur la sacro-sainte indexation, puisque ce sera le document en entier qui sera indexé, par la recherche sur le texte intégral.
Ces volumes de données nécessitent de grosses infrastructures de traitement, c’est pourquoi il faut dès lors penser à inscrire leur gestion dans un schéma national, et intégrer cette problématique dans le cadre de licences nationales, notamment leur propriété.
Benjamin Bober puis Raymond Bérard expliquent que ce rôle pourrait être joué par l’Abes 8, qui a inscrit le signalement des ressources électroniques dans son projet d’établissement 2012-2015, et pourrait proposer une solution nationale, dans un contexte institutionnel mouvant. En effet, l’Abes sait gérer les volumes, puisqu’elle récupère les métadonnées auprès de certains éditeurs, même si l’architecture technique complexe du Sudoc 9 est actuellement une limite, qui contraint également les possibilités de traiter les mises à jour.
L’Abes doit également imposer aux éditeurs la fourniture de métadonnées de qualité, suivant des normes minimales d’intégration, même si on s’éloigne là de plus en plus des normes du catalogage traditionnel. Des listes conformes au contexte français sont fournies aux principaux fournisseurs de bases de connaissances, leur concurrence peut avoir des conséquences sur le signalement des collections, l’un ne signalant pas les produits de l’autre.
Pour répondre à ces besoins, exprimés par du catalogage encore trop dispersé, et des demandes d’exemplarisation automatiques en hausse, et également tenter de ne plus être tributaire des acteurs commerciaux, l’Abes pourrait mettre en place un hub de métadonnées à moyen terme, et ensuite un SIGB mutualisé, pour le signalement national.
Reste à résoudre le problème crucial de la base de connaissances et composer avec son exhaustivité, les éditeurs français ne comprenant pas toujours nos besoins.
Le tour de table final permit de revenir sur quatre expériences de signalement des ressources électroniques. Lyon 2 10 a choisi de cataloguer ses ressources électroniques comme les autres ressources documentaires, dans le Sudoc, avec l’idée d’un signalement potentiellement mutualisé. Rennes 1 11 jongle entre deux outils – un commercial, qui n’est pas fait pour ça, et son catalogue –, quand l’université de Lorraine 12 a plusieurs outils complémentaires, mais aucun qui ne soit exhaustif (Opac, liste alphabétique, présentation par disciplines). Cela déroute l’usager qui veut un point d’accès unique aux collections, ce qu’a mis en place l’Upec 13, avec un outil de découverte.
On relève au cours de la discussion que l’investissement humain est toujours analysé comme une contrainte pour l’établissement, voire une limite au signalement des ressources électroniques, et qu’il n’est jamais mis en perspective avec l’importance budgétaire de ces documents, ni des volumes de données en question. Tout comme on peut regretter que ces collections soient encore analysées et gérées à l’aune des collections papier, sans bénéficier encore des mêmes moyens humains et matériels.
L’achat mutualisé étant aujourd’hui quasiment la règle, il faudrait que la gestion et le signalement communs le deviennent également, même si cela nécessite des compétences que tous les bibliothécaires n’ont pas encore.
Il en va, à court terme, de l’usage de ces collections, puisqu’une ressource qui n’est pas – ou mal – signalée est une ressource qui n’existe pas, quels que soient les efforts de médiation et de formation entrepris. Ce qui serait regrettable pour des ressources qui constituent aujourd’hui l’essentiel de l’investissement documentaire des bibliothèques universitaires. •