« L’immigration, les enfants et les jeunes : ressources et médiation »
Journée d’étude à la Cite nationale de l’histoire de l’immigration
Renata Pannekoucke
Clémentine Perol
Organisée par la Cité nationale de l’histoire de l’immigration (CNHI) 1, le 17 novembre 2011, en partenariat avec La Joie par les livres, service de la Bibliothèque nationale de France, cette journée d’étude a rappelé l’importance de la manière dont la question de l’immigration est évoquée dans la production destinée aux enfants et aux jeunes, dans les manuels scolaires et les œuvres documentaires et de fiction.
L’immigration semble être un sujet marginal et récent à l’école. Selon Benoît Falaize, universitaire 2, il s’agit désormais d’enseigner cette histoire commune et de construire les différentes ressources pour la transmettre. Tous les intervenants, au fur et à mesure de la journée, semblent s’accorder sur le fait que celles-ci sont maigres et souvent empreintes d’un certain folklore et de lieux communs.
Anne Schneider, maître de conférence en littérature jeunesse, analyse ensuite la littérature d’immigration algérienne s’adressant particulièrement aux enfants. C’est à partir d’auteurs comme Azouz Begag ou Leïla Sebbar que s’est développée une production dense, une « relecture du passé » liée à l’exil et au traumatisme commun du départ. Ainsi, l’au revoir à l’enfance et au lieu d’origine semble être le prétexte de ces écrivains pour inscrire leur histoire dans la littérature jeune public. À partir des années 2000, on retrouve différents topoï tels que le bateau qui part, image d’Épinal de l’arrachement à la terre natale, mais aussi l’évocation plus générale des transports, figure de la migrance liée au corps déplacé. Les œuvres documentaires n’échappent pas à ces poncifs tout en s’ancrant plus nettement dans le carnet de voyage, un médium qui affirmerait une approche sociologique, voire ethnologique de la migrance.
L’effervescence de cette littérature depuis quelques années est donc l’occasion pour les auteurs et les illustrateurs de renouveler les sujets mais également les médiums (albums, romans, documentaires…) pour les aborder.
Comment et pourquoi proposer des fictions, des documentaires ou des témoignages sur l’immigration ? Une table ronde animée par Françoise Ballanger présente les réponses des auteurs jeunesse Carole Saturno 3, Valentine Goby 4, Juan Cocho 5, et de Jérôme Ruillier 6.
Les pratiques pédagogiques pour aborder l’immigration et les partenariats à nouer dans le monde éducatif ont été présentés via les expériences de Françoise Raguin, enseignante, responsable de BCD dans une école élémentaire à Courbevoie, Monica Fantini, réalisatrice, responsable du « parcours sonore » à la Cité nationale de l’histoire de l’immigration et à la Cité de la musique, et Marco Brighenti, enseignant et formateur au Centre académique pour la scolarisation des nouveaux arrivants et des enfants du voyage (Casnav) de l’académie de Versailles. Des exemples de projets riches menés dans les écoles, les collèges, et les partenariats avec les institutions culturelles montrent la volonté de permettre aux élèves de se servir de la langue et de se construire, d’associer les familles, de créer des réseaux et d’encourager la création.
Animée par Véronique Soulé, la dernière table ronde a réuni Stéphan Bourtayre, responsable du secteur Éducation de la Fédération des œuvres laïques de Seine-Saint-Denis (FOL 93), Charlotte Perdriau, bibliothécaire à la Cité nationale de l’histoire de l’immigration et Carole Saturno, auteur de littérature jeunesse déjà citée. Les difficultés rencontrées pour réunir des professionnels du monde des bibliothèques investis dans les projets concernant l’immigration ont été pointées. En effet, si de nombreuses initiatives existent (bibliothèque Goutte d’Or, bibliothèque municipale de Bezons), on constate un manque de visibilité de ces projets et surtout l’absence d’outil permettant les échanges entre bibliothécaires jeunesse. Les intervenants de cette table ronde ont présenté différentes pistes de projets tels que les « Portes du temps » menées par la bibliothèque de la CNHI, la mise en place des malles thématiques par le secteur Éducation de la FOL 93 dans le cadre du projet de l’éducation à la différence, et leur travail avec les enfants des centres de loisirs, ou encore les ateliers menés par Carole Saturno avec des élèves autour de son ouvrage sur la mémoire de l’immigration.
Anne Zali, conservatrice générale des bibliothèques et responsable du service d’Action pédagogique de la Bibliothèque nationale de France, a clôturé la journée par un rapide voyage à travers différentes cultures de l’écrit et une intervention sur la diversité des cultures comme ressource pédagogique. •