Journées d’étude de l’ADBDP

Quelle place pour les BDP et la lecture publique dans les politiques departementales ?

Gaetano Manfredonia

Les 3-4-5 octobre 2011 se sont tenues aux Sables-d’Olonne, en Vendée, les 25es Journées d’étude de l’Association des directeurs de bibliothèques départementales de prêts (ADBDP) 1.

Au moment où les réformes des collectivités territoriales et de leur fiscalité suscitent de nombreux débats au sein des conseils généraux et alors que les contraintes budgétaires se font de plus en plus pesantes, il est impossible de faire l’impasse sur les questionnements concernant la place occupée ou qui devrait être occupée par les BDP et la lecture publique dans les politiques départementales. En retenant cette année comme thème d’étude « Les BDP au cœur des politiques départementales », il importait ainsi que l’a précisé la présidente sortante de l’ADBDP, Corinne Sonnier, dans son allocution d’ouverture, de réfléchir au rôle que les BDP vont être amenées à jouer dans ce domaine, dans un contexte marqué par les difficultés financières.

Il ne s’agit pas seulement d’avoir une attitude passive ou attentiste face aux événements, mais aussi de fournir des pistes ou des éléments de réflexion qui puissent aider les élus à mettre en place des politiques cohérentes dans le domaine culturel en général et dans celui de la lecture publique en particulier. C’est ce que le conseil d’administration sortant de l’ADBDP a bien compris, puisque tant les tables rondes de la journée du lundi que les travaux en atelier du mardi, plutôt que de s’apitoyer sur le manque de moyens, ont été conçus comme autant d’occasions pour (re)définir le périmètre et les modalités d’intervention des BDP dans ces domaines.

Peut-on élaborer une politique culturelle à l’échelle du département ?

Après une conférence inaugurale un peu trop « elliptique » et pour tout dire bâclée du philosophe politique Christian Ruby, conviant les présents à privilégier une « culture de soi » plutôt qu’une « politique de la culture », les journées ont véritablement commencé avec la première table ronde, qui s’interrogeait sur les possibilités d’élaborer dans le contexte actuel une politique culturelle à l’échelle du département.

Si les réponses sont loin d’être évidentes compte tenu des incertitudes qui pèsent à l’heure actuelle sur l’avenir de cet échelon particulier du mille-feuille administratif français, plusieurs intervenants ont insisté sur les atouts du département en matière de politique culturelle, à condition toutefois que celle-ci puisse être pensée « autrement » qu’on a pu le faire jusqu’ici. En s’appuyant sur son expérience dans ce domaine depuis de nombreuses années, Sylvain Gautier, directeur de la culture et de la citoyenneté au conseil général de la Gironde, a souligné qu’il était impossible d’envisager une politique culturelle séparée du contexte local économique, social et environnemental. Ce qui l’a porté à préconiser dans son intervention, d’une part, un renforcement des relations entre les différentes directions et structures culturelles du département (BDP, archives départementales, agence culturelle départementale…), d’autre part, à multiplier les actions croisées avec les politiques en matière de jeunesse, de social, de développement local.

Certes, les politiques culturelles en général, et au niveau départemental tout particulièrement, se déclinent forcément de plusieurs manières et peuvent emprunter des voies différentes en fonction des contextes locaux. C’est ainsi qu’Yves Gassot et Stéphanie Visage pour le département des Deux-Sèvres et Didier Guilbaud pour celui de l’Indre-et-Loire, pour décrire les modalités de mise en œuvre de leurs politiques respectives en matière de lecture publique, ont longuement insisté sur le poids des spécificités locales, qu’elles soient fondées sur des arrangements « coutumiers » ou des raisons géo-institutionnelles. Il n’en demeure pas moins que la nécessité de sortir des logiques purement sectorielles constitue à l’heure actuelle un impératif primordial pour les BDP, qui ne peuvent plus prétendre mener efficacement leurs activités de soutien à la lecture publique tout en étant déconnectées des autres politiques culturelles mises en œuvre sur les mêmes territoires par d’autres partenaires, qu’ils soient institutionnels (État, région) ou associatifs.

Sortir d’une approche purement sectorielle du rôle des BDP

Il s’agit pour les BDP de relever un double défi, qui puisse leur permettre tout à la fois de répondre aux besoins de mutualisation accrus avec les autres services culturels du département et de faire face à une demande croissante et de plus en plus diversifiée en provenance de publics qui, eux aussi, ont tendance à devenir plus hétérogènes. Cette demande, en outre, n’est plus exclusivement centrée sur le livre ou les documents imprimés. Comme le suggérait l’intitulé d’un des ateliers du mardi matin, le principal enjeu actuel consiste à être capable de placer les publics « au cœur des politiques départementales » en leur proposant des services ciblés.

Cette mutation, d’ailleurs, est déjà perceptible depuis de nombreuses années, comme l’attestent très largement les retours d’expérience et les témoignages de plusieurs représentants de BDP au cours de ces journées, qu’il s’agisse de la multiplication des politiques de service à la personne par les BDP de l’Ardèche et du Jura, des initiatives en direction de la première enfance dans le Puy-de-Dôme et dans l’Hérault, de la lutte contre l’illettrisme ou des publics empêchés. Citons aussi, toujours dans l’Hérault, le projet de Pierrevives, qui prévoit la mutualisation du volet administratif de trois services départementaux.

La tendance à la mutualisation des services et à la diversification des activités des BDP est destinée en tout état de cause à occuper une place grandissante dans la mise en œuvre des politiques culturelles à l’échelon du département dans les années à venir.

En définitive, l’indication principale qui se dégage de ces journées d’étude est la volonté affichée de la part de la très grande majorité des présents de ne pas se résigner à ce que l’on pourrait appeler une sorte de disparition programmée des BDP, destinées immanquablement à disparaître, victimes tout autant de la crise financière des départements que du développement des intercommunalités. Bien au contraire, comme l’ont souligné Françoise Navarro (BDP de Seine-Maritime) et Laëtitia Bontan (BDP de l’Aisne), l’action culturelle des BDP leur permet d’acquérir une nouvelle légitimité vis-à-vis tant des élus (conseils généraux, municipalités) que des publics. De ce fait, cette action peut être envisagée comme un véritable « levier de la communication des politiques départementales », contribuant ainsi à la notoriété de leur collectivité de tutelle. La question de l’avenir des BDP et de leur capacité effective à pouvoir s’inscrire dans des véritables politiques départementales n’en demeure pas moins ouverte. Il reste encore des efforts à accomplir pour que les plans ou schémas de développement de la lecture existants et à venir puissent intégrer pleinement cette nouvelle dimension.

Comme tous les ans, une partie du mardi après-midi a été consacrée à la présentation des activités de l’ADBDP lors d’un forum de l’association ouvert à tous les participants, au cours duquel les différents groupes de travail (évaluation, formation, numérique, représentation internationale) ont présenté leurs activités de l’année écoulée. Puis, tandis que les non-adhérents étaient conviés à participer à une excursion en car pour visiter le site central de la bibliothèque départementale de Vendée ainsi que l’annexe publique du relais de poste de Montaigu, les directeurs ont pris part à l’assemblée générale annuelle. Celle-ci s’est conclue comme à l’accoutumée avec le renouvellement partiel du conseil d’administration et l’élection d’une nouvelle présidente dans la personne de Laëtitia Bontan, directrice de la BDP de l’Aisne, à la place de Corinne Sonnier qui avait occupé cette fonction pendant quatre ans. •