« Vom Surfen zum Lesen, Internet pour découvrir la littérature jeunesse »
Rozenn Muzellec
Jeudi 24 novembre 2011, l’Institut Goethe 1 accueillait le colloque, « Vom Surfen zum Lesen, Internet pour découvrir la littérature jeunesse » co-organisé avec la Petite Bibliothèque ronde 2. Réunissant universitaires, bibliothécaires, éditeurs et enseignants, cette journée promettait un large examen des points de vue franco-allemands sur le sujet.
L’accès à la lecture
Christine Garbe, chercheuse à l’université de Cologne sur la socialisation par la lecture et les médias, a rappelé que le rapport des jeunes à la lecture n’a pas véritablement changé avec l’apparition d’internet 3. Cette rencontre entre l’enfant et le livre repose principalement sur l’affectif, le relationnel et la communication. De la lecture rituelle d’un album avec les parents aux lectures du soir, de l’identification avec un personnage littéraire à l’échange entre pairs, la lecture est loin d’être une activité solitaire : la technologie ne peut se substituer à la socialisation que permet l’objet livre.
L’école joue un rôle paradoxal dans cette relation aux livres. L’institution et ses lectures imposées provoquent souvent l’ennui, alors que certains enseignants sont à l’origine de rencontres déterminantes avec le livre. Christine Garbe a insisté sur les enjeux pédagogiques de l’apprentissage de la lecture car, au-delà du déchiffrage, c’est entre 8 et 12 ans que se créent des compétences indispensables dans le rapport à venir à la lecture.
La relation au livre et à la lecture dépend fortement de l’entourage de l’enfant mais, pour Andreas Seidler, collaborateur scientifique de Christine Garbe, internet permet de transgresser cette barrière sociale 4, et peut même être moteur dans la familiarisation de l’enfant avec la lecture. C’est un vecteur de communication et, par l’intermédiaire des sites de fans ou des forums, se crée le sentiment d’appartenir à une communauté parfois inaccessible dans l’univers social immédiat.
Pour quelles lectures numériques
La question de la lecture sur internet pose celle du rapport des enfants avec le support numérique. Timo Reuter, collaborateur scientifique de la fondation Lire à Mayence, a présenté une étude conduite dans quatre classes de quatre écoles ayant pour objectif de comparer le rapport des enfants au livre papier et numérique. Si les gros romans sous forme dématérialisée rebutent moins les lecteurs, les contraintes techniques sont un nouvel obstacle. L’enthousiasme provoqué par l’effet de nouveauté s’est rapidement essoufflé.
En ce qui concerne l’offre, l’édition numérique jeunesse est encore aujourd’hui au stade de l’expérimentation. Colombine Depaire, auteur d’un mémoire sur le livre numérique jeunesse 5, a posé certains des enjeux actuels. La construction narrative de l’album dépend du support, notamment de la double page. De plus, le numérique redéfinit la notion d’auteur, le développeur participe à la création d’une œuvre au même titre que l’illustrateur.
Frank Kühne, directeur éditorial des éditions Carlsen, éditeur papier et numérique, a insisté sur le fait que le livre papier reste le premier média dans la vie d’un enfant. Son succès est lié à la place qu’il laisse à l’imaginaire.
Du côté des médiateurs
Internet permet aux bibliothèques de repenser leur mission de lecture publique sur le territoire et le partenariat. Ophélie Ramonatxo, responsable de la médiathèque de l’Institut français de Londres, a présenté le projet Culturethèque 6, médiathèque numérique dont l’accès est gratuit à tous les résidents britanniques, et qui est un outil permettant de combler les lacunes d’une bibliothèque physique mais aussi celles, géographiques, de l’implantation des alliances françaises.
Dans le cadre d’un projet transfrontalier pour la promotion et le développement de la lecture bilingue de 6 mois à 6 ans, un financement européen a permis à la médiathèque communautaire de Sarreguemines (Moselle) de créer un fonds jeunesse bilingue, de mettre en place des animations à destination des enfants et parents, de créer un réseau de partenaires et de les former et les autonomiser à cette démarche. À la fin de ce projet, la médiathèque continuera de fournir par l’intermédiaire de son portail des ressources en ligne, des outils de travail et une plateforme d’échanges professionnels.
À destination des enseignants, il existe des plateformes comme TéléTandem 7, de l’Office franco-allemand pour la jeunesse, dont l’objectif est l’apprentissage linguistique mutuel et réciproque, ou eTwinning 8, qui a pour but de développer la collaboration entre enseignants européens. Mais ce sont les initiatives personnelles d’enseignants qui sont les plus marquantes dans l’utilisation des réseaux sociaux comme outil pédagogique. Delphine Régnard, professeur de lettres classiques au lycée Saint-Exupéry de Mantes-la-Jolie (Yvelines), a créé avec ses élèves un compte Twitter 9 qui leur permet de communiquer avec des latinistes du monde entier. L’association e.l@b 10 est un réseau où les enseignants échangent sur leurs pratiques pédagogiques pour inventer l’école de la société numérique.
L’offre éditoriale numérique à destination des bibliothèques est encore à l’état de balbutiements alors qu’elle pourrait jouer un rôle primordial dans la création d’un jeune lectorat 11. •