« Les bibliothèques au-delà des bibliothèques : intégration, innovation et information pour tous »
Congrès de l’Ifla 2011
Jean-Philippe Accart
Les conférences annuelles de l’Ifla 1 se suivent année après année, mais affirment à chaque fois leur différence : le pays et la ville de la conférence y sont évidemment pour beaucoup et San Juan de Puerto Rico est à cet égard un dépaysement complet. Le rendez-vous mondial des professionnels de l’information reste incontournable, même – et surtout – à l’heure des réseaux sociaux. Cependant, la crise économique est passée par là : nombre de participants divisé par deux (2 200 cette année), prestations offertes nettement moins attrayantes également 2 malgré le prix élevé de l’inscription 3, nombre d’exposants lui aussi en baisse. Malgré cela, les efforts faits par le conseil d’administration de l’Ifla depuis plusieurs années portent leurs fruits, avec un contenu nettement plus riche et actualisé, de nombreuses manifestations satellites et des ateliers de travail diversifiés. La conférence est aussi le reflet de l’époque : participants en provenance de Chine, ainsi que des pays scandinaves ou d’Afrique, ces derniers bénéficiant de bourses d’études (celles du comité francophone Ifla 4, de la Fondation Bill et Melinda Gates 5 ou d’autres fonds privés). Concernant le fonctionnement interne de la Fédération, l’assemblée générale a vu cette année peu de résolutions émerger. Ellen Tise prononçait son discours de fin de mandat en tant que présidente. Ingrid Parent prend sa relève pour deux ans 6 .
Les orientations stratégiques de l’Ifla
Les orientations seront les suivantes : numérisation des contenus afin de favoriser la plus grande accessibilité à la connaissance ; programme de leadership afin de développer une présence significative des bibliothèques aux plans régional, national et sur la scène internationale ; promotion et défense de la profession ; programme de soutien à la reconstruction des bibliothèques suite à des destructions.
Pour information, le budget total de l’Ifla pour 2010 s’élevait à 1,87 millions d’euros, couvert pour moitié par les cotisations des membres, un tiers par la Fondation Bill et Melinda Gates, et le reste par d’autres subventions.
En outre, la Fédération travaille en étroite collaboration avec d’autres acteurs, tels l’Unesco, le Conseil international des archives (ICA), les éditeurs ou l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI).
Projet de traité sur les exceptions et limitations pour les bibliothèques et les archives
Trevor C. Clarke, directeur général assistant du « Secteur de la culture et des industries créatives » de l’OMPI a animé une session sur le droit d’auteur. Cet acteur important de l’OMPI a pu ainsi mieux comprendre le contexte des bibliothèques. Puis une conférence du CLM (Committee on Copyright and other Legal Matters) a mis en relief le travail accompli cette année, soit la création d’un projet de traité, qui sera soumis à l’OMPI en novembre prochain à Genève. Ce changement de régime veut offrir un meilleur outil politique pour les pays et vise à soutenir la discussion à l’OMPI. Il a été souligné que le respect du droit des auteurs est un principe qui sous-tend l’écriture du projet.
Ce projet est conforme au droit international existant et il s’applique aux activités spécifiques des bibliothèques ayant pour objectif de soutenir les politiques publiques. De plus, il est soumis à la norme internationale d’utilisation équitable (fair use/fair deal) déterminée par le législateur national, et s’applique aux utilisations non commerciales seulement, sans affecter les droits moraux.
Le défi actuel : les bibliothèques doivent être (sur) « mobiles »
De plus en plus, et certainement pour les jeunes générations, l’accès à internet se fait par téléphone mobile ou smartphone. Klaus Ceynowa, directeur de la Bibliothèque d’État de Bavière, préconise que tous les services de base d’une bibliothèque deviennent disponibles sur téléphone mobile 7. La Bibliothèque d’État de Bavière, à Munich, a ainsi numérisé une collection de livres rares visibles sur mobile . Un des ouvrages s’est classé au dix-neuvième rang en septembre dernier des applications les plus vendues… Même Europeana sera appelée à être diffusée sur les plateformes mobiles. Les bibliothèques de la ville de Londres possèdent aussi une application sur mobile 8 , qui permet de rechercher la bibliothèque la plus proche, de connaître son programme et d’accéder au catalogue.
Pour la Bibliothèque nationale de Singapour 9, la question cruciale est l’optimisation de la diffusion de ses contenus. La bibliothèque numérise le contenu de ses documents, même assujettis à la loi sur le droit d’auteur, dans un but de signalement. Si le document est assujetti aux droits d’auteur, l’usager accède de 10 % à 30 % du contenu selon les contrats avec les éditeurs. Il est mentionné sur le catalogue mais il faut aller à la bibliothèque pour obtenir le document entier. Google et les autres moteurs de recherche peuvent également recenser les contenus numérisés pour favoriser l’accès.
Réseaux sociaux, services en ligne, médiation numérique et sur place
La session intitulée « How to fix the world », du comité FAIFE (Freedom of Access to Information and Freedom of Expression) de l’Ifla a quant à elle abordé l’utilisation des réseaux sociaux dans les Caraïbes ou en Afrique aussi bien que leur impact pour les nouveaux professionnels dans des démarches telles que la recherche d’emploi ou l’enseignement 10 .
La section « Services de référence et d’information » s’interroge sur les services innovants à l’heure du numérique. La bibliothèque est une véritable « entreprise de recherche d’information », notamment au travers de ses espaces de référence (service de référence et d’accueil, salle de référence). Cinq âges de la bibliothèque sont distingués : la bibliothèque « autocentrée », notamment sur ses collections, ne s’interroge pas sur les services aux usagers ; la bibliothèque de 2e génération positionne l’usager au centre de ses préoccupations ; la 3e génération met en avant son expérience, comme entreprise du savoir ; la 4e génération connecte les expériences entre elles (celle de l’usager et celle du bibliothécaire) ; enfin, la 5e génération est la bibliothèque mobile.
Que viennent chercher les étudiants ou d’autres générations à la bibliothèque universitaire ou publique ? Rencontrer leurs amis, travailler en groupe, utiliser un espace de travail tranquille avec l’accès au wifi… un lieu de vie en somme. C’est dans ce cadre que certaines bibliothèques pratiquent le roving reference, que l’on peut traduire par « la référence nomade », et qui vise à faciliter le travail des usagers dans la bibliothèque en rendant les professionnels le plus disponibles possible à leurs questions, et non plus seulement accessibles derrière un bureau d’accueil.
De nombreux autres thèmes sont bien sûr traités lors d’une telle conférence. On peut les retrouver sur le site de l’Ifla 11 . La prochaine conférence de l’Ifla en 2012 aura lieu à Helsinki, en Finlande, sous le titre dynamique de : « Libraries now ! – Inspiring, surprising, empowering ». •