Assises de la formation continue des bibliothécaires
Julien Barthe
Quelles évolutions institutionnelles, sociales, techniques pour les bibliothèques ?
L’Institut national spécialisé d’études territoriales (Inset) 1 de Nancy a accueilli, les 24 et 25 mars 2011, les premières Assises de la formation continue des bibliothécaires 2, organisées par le pôle de compétences « Culture, bibliothèques et patrimoines » du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, le ministère de la Culture et de la Communication et l’Inspection générale des bibliothèques (IGB).
Plusieurs exposés introductifs sur les métiers territoriaux et sur l’évolution des opérateurs de formation ont défini la formation comme levier d’amélioration du service à l’usager, de la mobilité et de liens inter-établissements. Jean-Marc Legrand (Institut national des études territoriales) place à son tour la formation dans une perspective élargie : la complexification et la précarisation croissante de la société génèrent des attentes multiformes de la part des citoyens et des salariés exerçant successivement plusieurs métiers.
Corinne Schumpf (université Paul Verlaine, Metz) décrit un paysage universitaire confronté à des mutations (LRU, plan Campus, Grand emprunt, fusion des universités) auxquelles son établissement s’adapte par des plans d’action en ressources humaines comme la cartographie cible des emplois et compétences, et des recrutements diversifiés. Thierry Giappiconi (Ville de Fresnes), à rebours d’une « tendance » à s’adapter à la demande des usagers au point de prêter des jeux vidéo, défend quant à lui une conception de la bibliothèque répondant à un besoin social identifié comme objectif de politique publique par les élus.
Le contexte de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC)
Philippe Boirel (CNFPT) souligne la spécificité de la situation des conservateurs territoriaux des bibliothèques : il s’agit d’un micro-marché en termes d’emploi (peu de lauréats, demande réduite). Plusieurs améliorations ont été apportées : la création d’une Bourse nationale de l’emploi 3 en 2010 a optimisé l’adéquation offre/demande ; la mobilité, longtemps limitée à l’encadrement, pas toujours choisie, mais désormais facilitée par la loi du 2 février 2007. La mise en place du Répertoire des métiers territoriaux 4 a permis, selon Jean-Jacques Duffourc (Inset), de faire de cette simple nomenclature un langage commun des collectivités dans l’approche des métiers-compétences.
Laurence Tarin (Médiaquitaine) présente les référentiels des métiers de la documentation et des bibliothèques (Bibliofil 5, Referens 6, Rime 7). Bertrand Wallon, directeur des ressources humaines (DRH) de la Bibliothèque nationale de France (BnF), montre comment le « navire BnF » a dû s’adapter à des transformations majeures (numérique, départs en retraite, RGPP – révision générale des politiques publiques) en mettant en place un contrat de performance avec l’État, une réorganisation des services opérationnels et des outils GPEC (gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences) : un observatoire du changement de l’organisation du travail et des métiers, un accompagnement individualisé des changements d’emplois imposés.
Élisabeth Collantès évoque le rôle pivot des 110 correspondants formation des services communs de documentation (SCD) pour les plans de formation, à la croisée des demandes de l’établissement, des contraintes du service et des projets individuels.
Olivier Forget, DRH de l’université de Poitiers, appelle les autres services des universités à capitaliser sur la « culture de la formation » développée par les SCD.
L’offre actuelle et l’avenir
Pour Jean-Louis Reynet (Inset), le ratio budget du CNFPT de 200 € par agent et par an (soit 1,5 jour de formation) ne reflète pas une réalité contrastée. Parmi les évolutions, il retient la diminution de la durée des formations et l’individualisation du parcours personnel des agents. Olivier Simon (CNFPT) rappelle l’objectif de la formation ouverte à distance (FOAD) : faciliter l’accès à la formation pour les agents éloignés géographiquement ou « empêchés ». La FOAD s’appuiera en 2012 sur une base web de ressources numériques type Dailymotion, le CNFPT recherchant des partenaires pour mutualiser les contenus.
L’offre des douze CRFCB est présentée par Christophe Pavlidès (Médiadix) et Julien Barthe (Médial) : préparation à distance des concours, stages variés – du management au patrimoine en passant par le numérique, l’accueil. La part des territoriaux dans le total des stagiaires varie de 10 % à 57 % selon les centres et représente de 8 % à 50 % des recettes. Armelle de Boisse indique que les stages de l’Enssib accueillent 70 % d’agents de l’État. Le portail de la formation continue des métiers des bibliothèques et de la documentation 8 vise à améliorer la visibilité de l’offre de formation en créant un point d’entrée unique pour les stages des CRFCB, des Urfist, de l’Enssib, de l’École des Chartes, et, à l’avenir, de la BnF. Marie-Madeleine Saby (Médiat) note un bénéfice du repositionnement financier des CRFCB : la démarche de contractualisation entreprise par les centres avec les délégations du CNFPT doit être complétée par la coproduction de stages sans échange financier.
Pour Dominique Arot, doyen de l’IGB, la compétence « formation » des bibliothécaires mériterait en conclusion de figurer dans les fiches de poste. S’il reconnaît l’utilité de stages organisés en interne par les établissements, il souligne la nécessité des formations dispensées par des organismes professionnels. •