Histoire des médias en France de la Grande Guerre à nos jours

par Alice Billard

Fabrice d’Almeida

Christian Delporte

Nouvelle éd. revue, actualisée et augmentée
Paris, Flammarion, 2010, 510 p., 18 cm
Coll. Champs Histoire
ISBN 978-2-08-123770-4 : 12 €

L’histoire des médias n’est aujourd’hui plus un sujet neuf, même si ce champ historique n’a été véritablement ouvert que dans les années 1990. Le présent ouvrage, fruit du travail de deux spécialistes reconnus de l’histoire culturelle et des représentations, dans cette édition revue, actualisée et augmentée, n’a donc pas pour ambition de défricher un terrain inconnu, mais plutôt de constituer une synthèse assez concise – environ 500 pages – des recherches en ce domaine depuis deux décennies. Cette synthèse envisage par ailleurs l’histoire des médias – un média étant entendu au sens large comme « tout moyen, outil ou système d’organisation permettant la diffusion massive ou la communication publique d’une information ou d’un message dans l’espace et dans le temps » – dans le cadre de la Grande Histoire, en l’incluant résolument dans l’histoire de la société française.

L’approche adoptée par les deux auteurs est chronologique avant tout. La période envisagée est découpée en huit moments, dont les césures correspondent aux grandes ruptures de l’histoire politique, manière de situer l’histoire des médias dans celle, plus large, du pays. Pour chacun de ces moments sont abordées les évolutions majeures qu’ont connues les divers médias : distance au pouvoir politique, évolutions techniques, organisation des métiers, diffusion, portée sur la société. Le choix, classique, d’un découpage chronologique, vise à montrer l’avènement de notre société moderne, « hypermédiatisée », produisant une culture médiatique propre, dans un mouvement qui a vu, en un siècle, les médias basculer du domaine de l’opinion vers celui de l’information, et aujourd’hui de la communication.

La Première Guerre mondiale est un moment de rupture où s’exprime pour la première fois peut-être l’importance dans ces circonstances de médias déjà variés, enjeux réels et objets de toutes les attentions. L’entre-deux-guerres marque la naissance, discrète mais réelle, de l’information moderne, avec des médias plus nombreux, diversifiés et développés, des professionnels qui s’organisent, témoignant des grandes lignes de fond de l’évolution de la société. Après la parenthèse de 1939-1944, théâtre d’une guerre intérieure qui est aussi médiatique, la ive République est une période de reconstruction et d’hésitations, avant le grand essor médiatique de l’ère gaullienne où triomphe une consommation de masse, dans un contexte de contrôle centralisé. À compter de la fin des années 1960, le secteur des médias entame une lente libéralisation, sous les mandats de Georges Pompidou, Valéry Giscard d’Estaing et François Mitterrand. Les auteurs analysent enfin l’histoire des vingt dernières années, dans le contexte d’une société de communication et d’un monde médiatique en pleine mutation.

La construction chronologique, quoique classique, a le mérite de souligner les rapports de l’histoire des médias avec l’histoire plus globale : aussi cette Histoire des médias en France peut-elle être considéré comme une histoire de France par les médias. Le traitement linéaire du sujet est d’ailleurs enrichi par la présence d’un important « Glossaire critique » d’une centaine de pages, comprenant à la fois un ensemble de notices traitant de personnalités ou de sujets précis – de « Françoise Giroud » aux « Écoles de journalisme » – un ensemble de données chiffrées récentes et une bibliographie particulièrement complète, actualisée depuis la dernière édition.

Ainsi, l’ouvrage de Fabrice d’Almeida et Christian Delporte, outil précieux pour les chercheurs et curieux de l’histoire des médias, propose aussi de relire de manière différente, mais cependant précise et documentée, l’histoire de la France et de la société française depuis 1914. Cette nouvelle édition, sept ans après la première parution, est l’occasion d’intégrer les éléments les plus récents pour proposer un travail actualisé, alors que le paysage médiatique connaît ces dernières années de profondes mutations.