La librairie des ombres
Mikkel Birkeggaard
ISBN 978-2-265-08722-4 : 20,90 €
Thriller et pouvoir de la lecture
Un polar danois avec pour scène de crime une librairie, c’est toujours alléchant ! Le titre, La librairie des ombres, et l’accroche de la couverture, « Et si la lecture pouvait tuer ? », piquent la curiosité et ne peuvent qu’attirer le lecteur. Ce roman, qui a effectivement pour thème le pouvoir de la lecture, met en scène un jeune avocat danois dont le père, d’origine italienne, vient de mourir mystérieusement. Peu à peu, le jeune avocat va découvrir la véritable personnalité de ce père qui gérait avec passion la librairie de livres anciens qui porte son nom : « Libri di Luca ». Luca Campelli jouait un rôle de toute première importance au sein d’un cercle très fermé, celui des « lettore ». Ces « lecteurs », qui se divisent entre les émetteurs qui lisent à haute voix et les récepteurs qui « entendent » les textes lus silencieusement par d’autres, ont le pouvoir d’influencer et de lire les pensées de leurs prochains à travers leurs lectures. Parmi ces « lettore », deux clans s’affrontent : ceux qui se servent positivement de leurs pouvoirs, pour encourager le goût de la lecture chez les enfants par exemple, et ceux qui voudraient utiliser leurs étranges atouts pour s’enrichir et dominer le monde.
L’idée de départ est intéressante, mais La librairie des ombres ne remplit pas ses promesses.
Tous les poncifs sur la lecture et les lecteurs sont en effet égrenés dans cet ouvrage. Il y est question de bonnes et de mauvaises lectures, de la dangerosité de la lecture : les livres peuvent être des instruments de crime. On reconnaît facilement dans les lettore un groupe d’initiés qui s’opposent aux autres, et, derrière la distinction entre émetteurs et récepteurs, celle entre ceux qui parlent et ceux qui écoutent. Certes, ils ne peuvent se passer les uns des autres, mais bien évidemment ce sont les premiers qui ont le pouvoir.
Une idée de départ prometteuse
Tout y passe, même la bibliothèque d’Alexandrie où se déroule la scène finale quelque peu caricaturale. Surtout, de nombreuses idées reçues traversent le texte : contrôler la lecture permettrait de contrôler le monde, ceux qui se passionnent pour les livres anciens ne seraient pas capables de se servir de l’informatique…
Même si tous les ingrédients d’un « bon » roman policier y sont : un peu de sang et de torture, un peu d’amour, une bonne dose de fantastique, un zeste de science-fiction, il n’en reste pas moins que l’intrigue n’est pas toujours bien menée et que l’ensemble demeure terriblement manichéen.
En définitive, toutes ces histoires de livres qui pulvérisent le cerveau de ceux qui en font mauvais usage finissent par indisposer le bibliothécaire, le libraire et même, si l’on en croit différents blogs d’amateurs de polars, le lecteur lui-même.
Enfin, on regrettera, mais ce n’est hélas pas une particularité propre aux éditions du Fleuve noir, le manque de soin apporté à la relecture du texte. Un certain nombre de coquilles et d’incorrections (d’erreurs de traduction ?) sont en effet présentes dans le texte.
Un premier roman décevant donc, surtout si on le compare, dans le même registre, à la géniale Ombre du vent de Carlos Ruiz Zafón, publié en 2004 (Grasset), dont Mikkel Birkegaard s’est peut-être inspiré.