Le livre, la Roumanie et l’Europe

Jean-Philippe Accart

La 3e édition du symposium « Le Livre, la Roumanie et l’Europe » organisé par la bibliothèque métropolitaine de Bucarest, la mairie de Bucarest, l’université de Bucarest et l’Académie roumaine du 20 au 23 septembre 2010 rassemble des participants provenant d’une vingtaine de pays. Placée sous le signe de la francophonie qui fête ses 40 ans, avec un large appui de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF)  1, la cérémonie d’ouverture est l’occasion d’un rappel des liens unissant la Roumanie et la France depuis la Révolution française (même si la langue française n’est plus la seconde langue parlée dans ce pays) : la culture française constitue le lien le plus évident et le plus fort. « L’esprit européen » cher à Montesquieu est cité. Le professeur Ion Panzaru, recteur de l’université de Bucarest, tout en évoquant le livre « vu comme un cas de figure sémantique », parle de Gallica en tant qu’outil important de promotion de la langue française, ainsi que du processus actuel de dématérialisation de la culture.

La mission de la bibliothèque a-t-elle changé ?

Le programme « Francophonies et modernités dans les bibliothèques à l’ère du web 2.0 » est proposé dans le cadre de cette réflexion par la section des sciences de l’information – coordonnée par Réjean Savard, professeur à l’École de bibliothécaires de l’université de Montréal, et Chantal Stanescu, bibliothécaire dirigeante de la Bibliothèque publique centrale pour la Région de Bruxelles-Capitale. Plus d’une vingtaine d’interventions sont au programme de la section. Celui-ci débute par « Être bibliothécaire dans un environnement numérique », de votre serviteur, qui dresse le tableau actuel de l’information numérique : des archives ouvertes aux moteurs de recherche, des services de référence virtuels aux plateformes d’apprentissage à distance (e learning), du phénomène actuel de « numérisation du monde » aux nouveaux usages numériques, le bibliothécaire est confronté à un environnement très complexe qu’il doit apprendre à maîtriser  2. Trois interventions de collègues africains – Eustache Megnigbeto de la République du Bénin, Amadou Anta Samb du Sénégal et Ahmed Ksibi de Tunisie – rappellent que, s’ils sont convaincus de la nécessité d’élaborer et d’améliorer les services en ligne, cela passe aussi par une incontournable formation à l’information des usagers, des connexions internet et électriques pérennes et l’accès à une information non censurée. Un discours qui nous ramène vers des problématiques bien plus pragmatiques et peut-être essentielles  3, notamment celles du Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI)  4.

Marie Martel, bibliothécaire du réseau des bibliothèques de la ville de Montréal, décrit le dispositif mis en place dans ce réseau pour forger « une culture de la médiation numérique » aux bibliothécaires. Lionel Dujol complète ce concept en l’éclairant avec l’expérience menée dans les médiathèques du Pays de Romans, puisqu’il est lui-même chargé de cette fonction  5. Cristina Ion de la Bibliothèque nationale de France axe son intervention sur « Bibliothèques, web 2.0 et démocratie » : l’évolution actuelle du web, appliquée aux bibliothèques, conduit à un véritable renversement dans le domaine des relations entre la bibliothèque et ses publics. Les termes suivants sont alors cités : « co-construction » ; « bibliothèque participative » ; « évaluation par les usagers », montrant le passage d’un public-objet à un public-sujet. Celui-ci est autonome, individualisé, « indifférent aux objectifs collectifs préétablis et aux savoirs validés ».

Outre ces différentes communications axées sur le savoir numérique et son utilisation, d’autres abordent la question des nouvelles bibliothèques (du point de vue architectural), des ressources papier vs des ressources électroniques, de la difficulté des petites bibliothèques à s’insérer dans le mouvement du web 2.0.

L’ensemble de ces interventions forme un tout cohérent, en phase avec les préoccupations du moment, à savoir le devenir des bibliothèques et les nouveaux usages numériques.