Le liber nouveau est arrivé !

Christine Fleury

Le 39e Congrès de la Ligue des bibliothèques européennes de recherche (Liber) s’est déroulé du 29 juin au 4 juillet 2010 à Aarhus, seconde ville universitaire du Danemark, et a rassemblé environ 400 participants en provenance de 34 pays (notons la participation d’une trentaine de collègues français, un record !).

D’importants changements dans l’organisation

« Réinventer la bibliothèque », telle était la thématique ambitieuse de ce Congrès dont la formule, à l’image de Liber, a été renouvelée. Liber, organisation non gouvernementale fondée en 1971 sous les auspices du Conseil de l’Europe et regroupant plus de 400 bibliothèques de recherche européennes, connaît depuis 2009 une restructuration en profondeur. Les statuts ont été réécrits, le bureau renouvelé, et un directeur recruté. Les bureaux de Liber sont désormais implantés à la Koninkijke Bibliotheek (KB) de La Haye après une vingtaine d’années à la Bibliothèque royale de Copenhague.

Le Plan stratégique 2009-2012, rédigé en partie suite aux travaux des ateliers mis en place à cet effet lors du Congrès Liber de Toulouse (2009), a été mis en œuvre. Les outils de communication ont été refondus avec la mise en ligne d’un nouveau site web et la rénovation de la revue en ligne Liber Quarterly 1. De plus, les comités directeurs (steering committee) seront réorganisés autour de cinq axes étayés ou animés par les groupes de travail d’autres grandes infrastructures européennes, ce qui conforte Liber dans sa position de force de proposition et de leadership.

Les sessions parallèles au programme du Congrès se sont d’ailleurs fait l’écho des travaux de ces comités. En ce qui concerne la communication scientifique, l’approche globale des transformations liées au développement de l’e-science positionne Liber en faveur de l’open access. Les travaux de ce comité ont été menés en relation étroite avec ceux de Sparc Europe, et visent à promouvoir des outils européens comme Dart-Europe ou Driver. Le comité « numérisation et accès aux ressources » promeut quant à lui activement Europeana. L’un des groupes de travail au sein du comité « collections patrimoniales et préservation » est une émanation du CERL (Consortium of European Research Libraries)  2. Le comité « organisation et ressources humaines » œuvre à la mise en cohérence d’un portefeuille de compétences communes et renouvelées, maillon indispensable à la construction de la bibliothèque du futur  3. Enfin, le comité « Liber services » met à la disposition des bibliothèques une gamme d’outils et de conseils, notamment dans les domaines de l’aménagement, de la qualité et de l’évaluation.

Réinventer la bibliothèque, défi dans le nouvel environnement de l’information

Mais revenons au programme du Congrès : pendant la première matinée, au sein des quatre Master Class, formule inaugurée en 2009, les participants étaient sollicités directement sur les questions du changement : « La bibliothèque de Babel a besoin d’une stratégie de communication  4 », « Gérer les thèses électroniques  5 », « La transition dans les bibliothèques  6 ». La réunion annuelle du consortium « Publications universitaires et ressources académiques Europe (Sparc) » faisait l’objet de la quatrième master class.

Après la traditionnelle cérémonie d’ouverture, « Réinventer la bibliothèque : la voie danoise », ont alterné sessions plénières et sessions parallèles, nouveau format plus propice à la participation des adhérents. Autre nouveauté au programme : une session de présentation de posters. C’est sous un angle assez original qu’a été abordée la question cruciale du devenir des bibliothèques de recherche. Entre autres conférenciers, se sont succédé à la tribune des sessions plénières des représentants des géants incontestés de l’ère numérique (Jon Orwant de Google, Lee Dirk de Microsoft, Rafael Sidi d’Elsevier), invités à livrer aux bibliothécaires européens leur point de vue sur les enjeux et défis à relever pour « réinventer la bibliothèque ». Comment renforcer l’efficacité des bibliothèques et réaffirmer leur rôle privilégié dans un univers numérique en expansion et en pleine mutation au sein duquel leur utilité est souvent interrogée (voire dénigrée) à l’aune de ces géants du web et de l’édition scientifique ?

Il ressort des différentes allocutions qu’il est indispensable de positionner les usagers – et leurs usages – au cœur de toute démarche prospective. Comment ? En privilégiant une meilleure articulation entre les ressources et les interfaces, en se mettant au diapason des usages du web par une bonne intégration des logiques du web social (2.0) comme du web de données, en se positionnant activement au sein des dispositifs d’apprentissage mais aussi des infrastructures de recherche, et en privilégiant une participation plus active des bibliothèques aux processus d’évaluation de la production scientifique et technique – parfois galvaudés en fonction d’intérêts plus économiques que scientifiques.

Au sein de cette révolution numérique, la mise en œuvre de vastes opérations de numérisation, qu’elles soient ou non déléguées à des sociétés comme Google ou consort, a été présentée comme un acte responsable, tant pour la valorisation que pour la préservation à long terme, mais il a été également souligné que, pour obtenir une véritable plus-value, les bibliothèques se doivent d’adopter des stratégies adaptées : interfaces plus conviviales, plus grande cohérence des métadonnées, meilleure efficacité des outils de recherche. Le particularisme des collections patrimoniales au sein des bibliothèques de recherche a également été interrogé : leur place naturelle ne serait-elle pas plutôt le musée ? (Grincements de dents ?!)

Mais ce tour d’horizon qui nous projette dans un futur numérique – si loin, si proche – serait incomplet si l’on omettait de mentionner la belle convivialité qui a présidé à ce Congrès à taille humaine, ainsi que l’hospitalité efficace et sympathique des collègues de la bibliothèque universitaire d’Aarhus qui ont œuvré à faire de ce 39e Congrès Liber un temps de rencontres constructives et d’échanges sympathiques. On pourra regretter toutefois que les débats sur la vie de l’association soient réduits à la portion congrue, ce qui ne permet guère aux membres de Liber de se prononcer en toute connaissance de cause sur ses orientations.

À toutes fins utiles, rappelons que le 40e Congrès Liber se déroulera à Barcelone. D’ici là, il vous est possible de répondre à l’appel à participation pour devenir « Liber ambassadeur », initiative originale du Liber nouvelle formule  7.

  1. (retour)↑  http://liber.library.uu.nl
  2. (retour)↑   On salue ici Monique Hulvey, Database manager Rare Books and Special Collections à la bibliothèque municipale de Lyon.
  3. (retour)↑   À signaler parmi ses membres : Raymond Bérard, directeur de l’Abes (Agence bibliographique de l’enseignement supérieur), Marc Martinez, directeur de la bibliothèque de l’INRP (Institut national de recherche pédagogique) et Julien Roche, directeur de la bibliothèque de Lille 1 et responsable de ce comité.
  4. (retour)↑   Chris Pressler, université de Nottingham (UK) ; Andy Mac Gregor, JISC (UK).
  5. (retour)↑   Master class proposée par Dart Europe.
  6. (retour)↑   Birger Larsen, Royal School of Library and Information Science (Danemark) ; Kurt de Belder, Leiden University (Netherlands).
  7. (retour)↑   Pour en savoir plus : http://www.libereurope.eu