Académies, enseignement supérieur, recherche
Valorisation des archives et des services d’archives
Isabelle Gallois
Anne Rohfritsch
L’université d’Angers a accueilli, le 29 juin 2010, la troisième journée d’études du réseau des archivistes des universités, rectorats, organismes de recherche et étudiants (Aurore) 1. Cette année, le réseau avait choisi d’aborder la question de la valorisation des archives et des services d’archives.
L’ouverture des données publiques à un plus grand nombre, comme le souligne en introduction Antony Taillefait, doyen de la faculté de droit d’Angers, offre un positionnement stratégique aux archivistes. Didier Devrieses, de l’Université libre de Bruxelles, a distingué valorisation directe (mise en archives, collecte) et valorisation indirecte (mise en valeur d’archives).
La valorisation du travail de l’archiviste
De manière originale, Élise Barzun, du rectorat de Paris, a posé la question de la valorisation de la collecte des archives administratives. L’archiviste doit fourbir ses armes pour partir à la « chasse à l’archive » : textes de lois, procédures qualité, stratégies de collecte et d’information, stratégie politique et relationnelle. Dans le cadre de ces opérations, il bénéficie d’une liberté d’action et met en œuvre son expérience de terrain, en s’appuyant sur un réseau professionnel constitué. Parler de valorisation dans le cadre de la gestion et de la collecte des archives courantes et intermédiaires peut paraître inapproprié. Cependant, certaines activités peuvent et doivent être valorisées comme, notamment, le records management. Les choix opérés par l’archiviste lors de la collecte et de la mise en place de procédures ont des conséquences sur la constitution des fonds, aussi bien privés que publics. Les forts enjeux de l’expertise professionnelle doivent faire l’objet d’une politique de communication et de diffusion d’articles.
Marie-Laure Bachelerie, du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), a ensuite présenté l’exemple de l’exposition « Archi-facile ! ». Organisée en 2008, en collaboration avec une chargée de communication, cette exposition a eu pour but de valoriser les activités d’un service atypique au siège du CNRS et de faire connaître l’instruction de tri CNRS/DAF (2007). Se voulant attractive, l’exposition a été installée dans la galerie centrale du siège, mêlant panneaux thématiques sur tissu, documents d’archives présentés sous vitrine, borne interactive… Cette manifestation s’est prolongée par la diffusion d’un guide pratique 2 et par l’organisation d’une conférence.
Olivier Azzola, de l’École polytechnique, a présenté quant à lui l’exemple de l’université Paris 7, en distinguant : d’une part, la constitution d’un fonds « amiante » pour répondre à la stratégie de défense des avocats ; d’autre part, la politique volontaire de collecte dans les laboratoires et auprès des chercheurs de l’Institut Jacques Monod.
Du point de vue de Damien Hamard de l’université d’Angers, la célébration du 40e anniversaire de l’université peut ouvrir de nouvelles perspectives pour son service d’archives, à condition que son positionnement hiérarchique soit correct et qu’il bénéficie de personnels formés et aptes à expérimenter de nouvelles techniques. Le soutien de personnalités extérieures – enseignants-chercheurs entre autres – permet d’améliorer la visibilité du service et de développer de nouvelles activités : collecte de témoignages oraux, photothèque, refondation du site internet, projet de création d’un pôle archives avec un bâtiment dédié, création d’un réseau.
La valorisation collaborative des archives
L’expérience de la préparation du déménagement de l’École pratique des hautes études en sciences sociales présentée par Brigitte Mazon illustre la dimension collective de la valorisation. La structure de l’actuel bâtiment a été conçue comme une plateforme collaborative entre chercheurs, archivistes et bibliothécaires. De nombreux gisements documentaires (dont 3 300 mètres linéaires d’archives, où l’articulation entre archives publiques et archives privées est sensible) peuvent venir enrichir les fonds d’archives. Les opérations de cartographie préalables au déménagement ont donné naissance à différents projets : publication d’instruments de recherche sur PLEADE 3, collecte d’archives photographiques et sonores, projet de numérisation des archives d’enquêtes du Centre de sociologie européenne (CSE), Groupe de réflexion sur les archives des sciences sociales (Grass).
Charlotte Maday, de l’université Paris Sorbonne Cité Paris Diderot, a ensuite présenté comment la constitution du patrimoine audiovisuel de son université a été rendue possible grâce à la collaboration entre la présidence, le service de la communication et le bureau des archives.
Le studio audiovisuel a été créé en 1976 dans le cadre de la rénovation pédagogique des enseignements et de la couverture de l’événementiel à Paris Diderot. Aujourd’hui, le fonds est constitué de 30 mètres linéaires d’archives vidéo : cours, reportages, controverses scientifiques, films réalisés par les étudiants. Un projet de numérisation des films est en cours pour répondre à plusieurs problèmes : pérennité, recensement et diffusion de l’information.
Le service archives de l’Institut Pasteur, présenté par Daniel Demellier, a fait le choix de valoriser sa politique d’acquisition sur le web avec, notamment, la mise en ligne de fonds entiers facilement accessibles grâce à des mots-matière. Les instruments de recherche avaient été, dès leur conception, structurés par des balises qui ont permis un passage facile à HyperText Mark-Up Language (HTML). En choisissant ce mode de diffusion de l’information, l’Institut a pu toucher un lectorat étranger et dynamiser son travail de collecte d’archives.
La question de la mise en valeur des archives dans et par une institution publique n’est pas dissociable de celle posée sur le métier et les valeurs portées par l’archiviste, selon Olivier Robert de l’université de Lausanne. Même si elle constitue une des finalités du métier d’archiviste, elle peut s’avérer être un exercice périlleux, car les enjeux de certaines actions de valorisation peuvent dépasser les motivations originelles de l’archiviste. En même temps, la valorisation permet, dans certains cas, le lancement d’actions qui n’auraient pu voir le jour sans la volonté de communication des institutions.
Enfin, Gilles Chatry a fait part de l’expérience d’étude et de valorisation collaborative du patrimoine mobilier scientifique à l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer). Les collections d’instruments de l’océanographie sont considérées comme patrimoine et sont, en ce sens, représentatives de l’activité de la recherche dans les sciences marines. Certains objets ont été conçus et fabriqués par les départements de l’Ifremer. Il existe donc des liens étroits entre objets, instruments et archives dans les fonds des chercheurs. La collecte de ce patrimoine « multiple » a permis d’impliquer plus fortement les chercheurs : dons, expositions, rédaction de fiches.
Si la valorisation patrimoniale ne représente pas le cœur de métier de l’archiviste, ses enjeux sont nombreux au regard du droit de mémoire et d’information.