Le patrimoine est-il fréquentable ? Accès, gestion, interprétation

par Xavier de la Selle
Sous la direction de Claire Giraud-Labalte, Jean-René Morice, Philippe Violier
Angers, Presses de l’Université d’Angers, 2009, 361 p., 25 cm
ISBN 978-2-915751-27-7 : 25 €

L’université d’Angers et l’Université catholique de l’Ouest (UCO) ont organisé en 2006 une université d’été consacrée à la question de la fréquentation du patrimoine, dans le contexte de la dynamique engagée depuis 2000, date de l’inscription par l’Unesco du site de la vallée de la Loire au patrimoine mondial de l’humanité. Portée par la Mission Val-de-Loire (syndicat mixte interrégional créé en 2002), la politique de développement de ce label vise à favoriser l’appropriation populaire de l’inscription et du développement d’un fort « sentiment d’appartenance », ainsi que « l’attractivité touristique » d’un « territoire d’exception en recherche d’excellence ».

Des exemples de médiation en France et à l’étranger

Il faut ainsi saluer la démarche scientifique qui a présidé à ces rencontres, qui permet de dépasser les stricts objectifs de marketing territorial pour proposer une réflexion élargie, dont les trois axes problématiques sont énoncés d’entrée de jeu par Philippe Violier : le paradoxe patrimonial qui voit s’opposer l’ambition de l’ouverture au plus grand nombre et le malthusianisme de la conservation (auquel l’auteur répond d’emblée en affirmant que l’oubli est un ennemi du patrimoine pire que l’usure) ; la question de l’organisation de la fréquentation (l’accessibilité matérielle et la gestion des flux de visiteurs) ; enfin, l’accessibilité cognitive (la capacité à comprendre le sens du patrimoine visité).

Ces trois grandes séries de questions sont abordées par quelque vingt-quatre communications, portant souvent sur des exemples locaux, de l’Ouest et du Val de Loire, mais pas seulement. Les intervenants abordent des lieux géographiquement très variés : Angleterre, Italie (Calabre), Maroc, Brésil, Canada (parcs nationaux cardinaux), Grèce ou Roumanie. La diversité des objets patrimoniaux offre un panorama très complet, sans doute un peu disparate, tant il est difficile de comparer les paysages, les écomusées, le patrimoine urbain, les parcs nationaux, l’archéologie ou les collections scientifiques des universités.

La concurrence et la complémentarité des usages

Centrale dans cette publication, la question des conflits d’usages entre tourisme et patrimoine est abordée de manière particulièrement éclairante par le cas des parcs nationaux canadiens, où la forte « culturisation » de la nature et des paysages ont conduit les services de médiation à établir un discours sur les sites pour construire un sens : le lieu existe autant pour lui-même que pour l’histoire qu’il intègre, à la fois histoire de la terre (géologie et géomorphologie), du milieu (biologie animale et végétale) et des hommes.

Le recours aux technologies numériques constitue un autre thème fort : les exemples présentés (Chenonceaux, Fontevraud) montrent le touriste à la fois « acteur et coproducteur de sa visite ». Les rapports entre le patrimoine et l’art contemporain sont également évoqués, notamment du point de vue des résultats de fréquentation. On notera une remarque intéressante : le clivage artificiel entre les œuvres du passé et la création contemporaine est souvent nourri par la difficulté de cohabitation entre des milieux professionnels. Plusieurs interventions abordent les sujets plus professionnels des parcours de visites à différencier ou des approches du marketing appliquées à la fréquentation touristique du patrimoine.

Les questions posées en introduction sont souvent abordées dans chaque contribution. Par exemple, la communication de Laurence Gillot sur l’accès virtuel au patrimoine archéologique, située dans la troisième partie (« Les clés pour comprendre le patrimoine »), traite la réalité augmentée comme moyen de concilier en même temps ouverture de l’accès et protection.

Au total, si on peut regretter le caractère inégal et parfois éclectique de l’ensemble de ces actes, la richesse et la diversité des expériences qui y sont présentées font de cet ouvrage une bonne contribution au débat patrimonial.