Francophonies et bibliothèques : innovations, changements et réseautage.
Actes du premier congrès de l'Association internationale francophone des bibliothécaires et documentalistes, Montréal, 3-6 août 2008
Montréal, AIFBD, 2009, 536 p., 28 cm
ISBN 978-2-9811018-0-8 : 30 €
Ces actes du premier congrès, en 2008, de l’Association internationale francophone des bibliothécaires et documentalistes (AIFBD) 1 nous offrent la quasi-totalité des exposés présentés durant trois jours de rencontres entre professionnels francophones et francophiles de tous les métiers de l’information, de la documentation et des bibliothèques.
Mais soyons francs d’emblée : la présentation de l’ouvrage ne facilite pas sa découverte. Les 60 textes sont présentés par groupes de trois ou quatre, en 21 chapitres qui passent sans transition d’un domaine à l’autre, au long de 500 pages A4, avec seulement un index des auteurs pour se repérer. Un index thématique ou le programme auraient aidé à la découverte raisonnée d’un corpus fort touffu et qui mérite largement qu’on s’y intéresse.
Réseaux et francophonie
Quels réseaux, entre qui et pour quels objectifs ? Et où se trouve la place de la francophonie dans ce débat ?
Dans une des premières contributions, le principal problème est posé par Lise Bissonnette, ex-directrice de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ). Elle souligne la nécessité de « s’intégrer à des ensembles culturels et communautaires plus larges qui n’ont pas l’habitude de considérer les bibliothèques comme de réels partenaires ». La francophonie n’assure pas la défense du français lui-même mais le respect de la diversité culturelle (avec francophonies – au pluriel !) et agit comme le ciment de partenariats Nord/Sud. Ces échanges sortent de leur isolement les bibliothécaires du Sud et font profiter les uns et les autres de leur savoir commun (My Loan Duong dans sa synthèse du congrès). À cet égard, le congrès a bien rempli sa mission : 26 pays présents et une solide représentation des pays du Sud. Le réseautage francophone fait l’objet de toute l’attention du premier chapitre : il permet une meilleure participation au débat international, à l’Ifla (International Federation of Library Associations) 2 et la mise sur pied d’un programme de mobilité professionnelle (ViceVersa) 3 des francophones. Et cette préoccupation s’étend aux réseaux de coopération, aux réseaux de bibliothèques publiques ou universitaires.
Le réseautage privilégié reste celui par genre d’institutions (bibliothèques publiques…), par domaine de connaissance (architecture, médecine, droit, religion, agriculture…), par compétence technique (outils de repérage…). Et tous ces réseaux témoignent des mêmes préoccupations corollaires à leur existence : la volonté d’assurer l’accès à l’information avec la problématique de publics sans cesse plus larges et sa conservation sous forme d’informations numériques ou comme patrimoine culturel. Ils rendent compte également des évolutions techniques et méthodologiques qui rendent incontournables le partage des expériences acquises au sein de réseaux professionnels de plus en plus dynamiques.
Formation et crédibilité
La formation, les compétences et les rôles des professionnels se sont largement invités au débat : apprendre mais aussi transmettre, à condition d’avoir suffisamment de crédibilité auprès des publics, des utilisateurs réels ou potentiels. « Formation et avenir », « Professionnels de l’information : rôles et compétences », « Les défis de gestion des services d’information documentaire », « Former pour mieux informer » : ces chapitres illustrent directement le débat, mais ces questions apparaissent partout en filigrane. Elles sont au cœur des structures mises en place : il faut sans cesse convaincre de la qualité de l’information ou du service, mais aussi de ce que le professionnel est le passeur compétent pour y accéder. Et pour ce faire, les réseaux sociaux entre professionnels et avec les publics se multiplient. Cette modification est clairement présente dans les interventions des bibliothèques universitaires, largement représentées au congrès. Et ces préoccupations renvoient à celles des professionnels francophones face à leurs collègues utilisant l’anglais comme langue véhiculaire. Tant il est vrai que vos compétences professionnelles sont ramenées à vos compétences linguistiques…
« Francophones, encore un effort ! »
C’est le conseil de Jeffry Larson dans sa conclusion. Dont acte ! Mais les points sur lesquels cet Américain francophile s’attarde ne sont pas l’apanage des francophones. En voici quelques-uns pour la route. En matière de réseaux, assurons-nous que nous avons bien de quoi communiquer : c’est évident, mais est-ce bien le cas pour autant ? Le succès des grandes bibliothèques (universitaires notamment) viendrait de leur rôle de cybercafés ? On le craint… Gare à « la nef vide », à l’instar de la bibliothèque de Yale (même là-bas, la question est posée !) : « Les lecteurs n’ont cure de notre prétendu monopole de médiation » ! Au temps pour nous ! Et de conclure sur ce constat passablement ambigu : « Notre métier est un boulot de Sisyphe heureux. » Sisyphe certainement, heureux parfois, mais on aimerait bien ne pas descendre à chaque fois jusqu’au bas de la pente alors que la montagne s’élève sans cesse… Les congrès – qui parlent plus de réussites que d’échecs (c’est encore Larson qui le fait remarquer) – ont peut-être aussi une vertu propitiatoire ?