10es Journées des archives de l'université catholique de Louvain

La valorisation des archives

Florence Matteazzi

Sophie Dikoff

C’est sous le soleil que l’université catholique de Louvain-la-Neuve a accueilli, les 25 et 26 mars 2010, les participants des deux journées d’études sur la valorisation des archives. Pas moins de six pays différents étaient représentés (Algérie, Royaume-Uni, Belgique, Canada, France et Suisse)  1.

La valorisation est un sujet très complexe qui recouvre de nombreux aspects et comprend autant d’acceptations du terme que de formes possibles et de défis posés. Elle peut être définie comme une mise en valeur ou comme une diffusion. Ces deux interprétations sont celles que nous retrouvons dans nos pays. « Exploitation et mise en valeur » en France, « valorisation » en Belgique, « diffusion » au Canada. Cependant, « valorisation » et « diffusion » ne sont pas synonymes. Des concepts eux-mêmes flous qui rendent donc le terrain glissant…

L’exploitation des archives

L’exploitation des archives relève de plusieurs problématiques : disciplinaires, institutionnelles, sociétales. Un même document peut être coutumier (servir au quotidien dans la vie privée ou professionnelle de son producteur), expressif (telle une image religieuse), ou pragmatique et, de ce fait, répondre à un besoin humain.

Sur le plan disciplinaire, l’archiviste est aujourd’hui un intermédiaire entre archives et chercheurs, mais aussi un gestionnaire de ressources documentaires et un médiateur culturel dont le rôle est de privilégier l’accroissement de la lisibilité et de l’intelligibilité des documents. Cet éventail de perspectives très large explique la mise en pratique de techniques très différentes.

Sur le plan institutionnel, chacun développe un système adapté à sa perspective et à son environnement. Ainsi, la priorité lors de la création d’un service d’archives ne peut être donnée qu’à la mémoire essentielle. L’étape suivante permettra de s’inscrire dans la continuité, de faire évoluer les collaborations et de multiplier les contacts. Ainsi, plus le service prendra de l’ampleur, plus la mémoire fonctionnelle pourra se développer.

Sur le plan sociétal, il ne faut pas perdre de vue que l’archiviste s’inscrit dans son temps et en suit les tendances. Il doit faire face aux besoins des chercheurs qui souhaitent l’accès à un maximum de documents, tout en respectant l’importante législation sur la protection de la vie privée. En parallèle, l’utilisation d’internet permet de rendre accessible une multitude d’informations à tout un chacun.

Valoriser les archives

Valoriser englobe différentes notions. Il peut s’agir d’informer, de témoigner, d’éduquer, d’ouvrir au plus grand nombre ou encore de participer à la médiation culturelle, comme l’ont souligné nombre d’intervenants. Valoriser peut également signifier, de manière plus spécifique, selon les points de vue et les expériences de chacun :

  • évoquer et permettre aux documents d’émouvoir, de toucher à la sensibilité ;
  • donner un sens à la mémoire ;
  • croire au devenir des archives en tant que traces du passé mais aussi gages d’avenir ;
  • intégrer les traces du passé avec les impératifs du présent et surmonter la fracture numérique ;
  • lutter contre la disparition (notamment après une dictature, lutter contre l’oubli et la disparition des témoignages) grâce à la virtualité des documents ;
  • jouer les entremetteurs entre documents et publics, attirer de nouveaux publics par une démarche volontariste ;
  • s’inscrire dans une mission démocratique ;
  • défendre et illustrer l’esprit critique.

La valorisation a connu une importante évolution au cœur même de notre métier. Pendant longtemps extérieure à la profession, elle en est aujourd’hui une part entière. Même si elle peut parfois paraître concurrente d’avec la collecte, le classement ou encore la description archivistique, les liens entre ces différentes missions sont très étroits et peuvent engendrer une stimulation réciproque.

La plupart des actions de valorisation visent le grand public et, aujourd’hui, on note l’accent nettement mis sur les initiatives locales. Mais des publics plus spécifiques peuvent être également retenus : les scolaires, les chercheurs, des groupes sociaux ou encore les autorités.

Les formes de la valorisation ont connu une grande évolution : des premières formes (publications érudites) à l’animation culturelle, en passant par l’action éducative, aujourd’hui couramment utilisées. Des expériences originales ont également été réalisées : de la création du Musée administratif de Bruxelles (qui a existé une petite quinzaine d’années de 1920 à 1934) aux expériences actuelles détournant les archives de leur vocation de lieu patrimonial pour en faire un lieu culturel comme un autre (archives mises en scène par une lecture à haute voix, support de créations contemporaines : Ar(t)chives, etc.).

La vulgarisation des archives en dehors de leur milieu propre est un défi majeur de notre temps. Dans ce contexte, le web, à présent indispensable pour communiquer, permet même aux plus petits services ou aux services ayant peu de moyens de s’ouvrir vers l’extérieur. C’est ainsi que les archives pourront paraître davantage tournées vers l’avenir que vers le passé.

L’archiviste est donc non seulement médiateur mais surtout acteur dans un processus de médiation. C’est pourquoi la valorisation ne peut pas être le projet d’un archiviste isolé mais un projet porté par une équipe dont les membres travaillent en complémentarité.

Faire connaître le métier d’archiviste

Finalement, le principal enjeu de la valorisation n’est-il pas de faire reconnaître la place des archivistes dans la cité ? De valoriser les archives pour valoriser les archivistes, pour faire connaître les services et leurs fonctions et aboutir à la reconnaissance du métier et de la communauté des archivistes ? En posant cette problématique, on peut mesurer toute l’importance de se donner les moyens de faire savoir, et pas seulement de savoir faire…

L’exemple est flagrant dans le cadre de la constitution et de l’adoption de la Déclaration québécoise pour les archives  2, initiative d’un groupe d’archivistes du Québec en réaction au risque de l’abolition d’un programme de subvention. Cette déclaration est aujourd’hui à la base de l’adoption d’un projet de Déclaration universelle pour les archives par le Conseil international des archives. Les quinze versions successives du texte ont abouti à l’affirmation de quatre objectifs : proclamer l’importance de la gestion des documents administratifs, celle du patrimoine archivistique, responsabiliser les citoyens et favoriser l’accroissement des ressources.

Rien n’est acquis pour l’avenir. Le paysage change. Les archives sont toujours liées à la sphère du pouvoir, mais on peut légitimement se demander quels seront les pouvoirs de demain et où se situera la limite entre le contrôle de l’identité et celui des esprits. Les archives ne seront-elles pas alors une source d’action et d’espoir pour aboutir à l’épanouissement et non à l’étouffement de l’humanité, en quelque sorte un lieu de résistance ? Les archives ne sont-elles pas un gage de démocratie et ce dès le plus petit niveau de pouvoir : la commune ?