La formation continue des personnels de la filière bibliothèque de l’État
Georges Perrin
(Rapport n° 2009-016, novembre 2009), 83 p.
La formation continue comme outil de management
Deux ans après l’adoption de la loi sur la modernisation de la fonction publique, qui créait le droit individuel à la formation (DIF) 1, le rapport de Georges Perrin, inspecteur général des bibliothèques, fait le point sur la formation continue des personnels de la filière bibliothèque de l’État.
Ce rapport paraît alors que la profession est fortement agitée (loi LRU 2, réforme territoriale, mutation de la documentation et des outils de gestion). La formation continue étant censée aider les professionnels à affronter ces changements – en rendant les services toujours plus performants –, il s’avère plus que jamais opportun d’étudier la pertinence de l’offre faite aux bibliothécaires.
Après avoir établi une typologie des formations proposées, Georges Perrin examine les usages qui en sont faits pour étudier l’impact de cette offre sur le renouvellement des pratiques professionnelles ainsi que sur l’évolution de la carrière des agents, et l’amélioration du fonctionnement du service public.
Une offre foisonnante qui manque de lisibilité
La formation continue des bibliothécaires est alimentée par de très nombreux acteurs. Aux organismes spécialisés dont la formation continue est la mission principale – les douze CRFCB 3 rattachés aux universités et le CNFPT 4 financé par les collectivités territoriales –, s’ajoutent les grands établissements, (Bibliothèque nationale de France et Bibliothèque publique d’information) qui forment eux-mêmes leurs agents, et les très nombreuses associations professionnelles qui proposent aussi des journées d’études.
Le revers de ce foisonnement est le manque de lisibilité de l’offre et du rôle de chacun. Pour pallier ces lacunes, Georges Perrin invite les CRFCB et le CNFPT à travailler en plus grande concertation et en complémentarité. Loin d’être des concurrents, ces deux organismes auraient tout intérêt à conjuguer leurs forces – des conventions partenariales leur permettraient par exemple d’accueillir des stagiaires issus de l’une ou l’autre des fonctions publiques. C’est dans cet objectif que la MISTRD (Mission de l’information scientifique et technique et du réseau documentaire) a missionné l’Enssib (École nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques) pour mettre en place, à compter de janvier 2011, un portail national fédérant les offres des différents opérateurs. Cela permettra aux professionnels d’élaborer plus facilement leurs plans de formation.
Une ressource à valoriser
Le rapport insiste sur le fait que trop peu de professionnels ont recours à la formation continue. Si les catégories B en font un usage intense, les cadres A et plus encore les cadres C sont à peine un tiers à en bénéficier chaque année.
De plus, l’offre est concentrée dans certaines régions (Île-de-France et Rhône-Alpes) alors que l’éloignement des centres de formation constitue un frein pour les agents des régions du Centre et de l’Est de la France.
Plus globalement, le rapport met en lumière le fait que la formation continue n’est pas valorisée autant qu’elle devrait l’être. Pour les chefs de service, elle est trop souvent vécue comme une concurrence aux permanences de service public alors qu’elle devrait faire partie intégrante des plannings au moment de leur élaboration. Rares sont les responsables qui demandent, au retour de stage, une restitution de la formation à l’ensemble de l’équipe.
Ce désintérêt se traduit surtout par un manque de méthode lors de l’élaboration des plans de formation – quand il y en a un. Les demandes de formation sont souvent formulées de façon hasardeuse, la plupart du temps après l’entretien annuel d’évaluation, sans qu’elles soient le signe d’une stratégie liée au projet d’établissement.
Reste le problème statutaire de la prise en compte de ces nouvelles compétences ; question que le rapport n’aborde pas. Si le dispositif juridique encourage les agents à évoluer tout au long de leur carrière, il ne dit pas comment traduire financièrement cette évolution. On regrettera qu’un volume important de la formation soit consacré à la préparation des concours plutôt qu’à l’acquisition de nouvelles compétences professionnelles.
Concevoir la formation comme un outil stratégique… au service de l’évolution professionnelle
Georges Perrin rappelle que le dispositif de la formation continue est pourtant autrement ambitieux. Elle doit à la fois servir l’évolution des services, l’innovation, et être considérée comme un levier pour faire évoluer la carrière de chacun.
Pour cela, les formations gagneraient à s’ouvrir à d’autres domaines de la culture ou de l’administration. Les organismes de formation devraient stimuler des demandes innovantes par une offre plus audacieuse. « La formation continue est encore exclusivement considérée comme un moyen d’améliorer les conditions d’adaptation à la tâche, ou de faire évoluer cette tâche en fonction des transformations techniques », écrit l’auteur du rapport. Les demandes de formation devraient s’ouvrir « sur des problématiques communes à d’autres professions du domaine de la culture, de la formation ou de la recherche ».
C’est pourquoi Georges Perrin préconise que chaque structure fasse former un « correspondant formation » en charge de l’organisation de la formation continue des agents.
La lecture de ce rapport permet de replacer la formation continue au cœur de la pratique professionnelle en nous rappelant que c’est un outil de management essentiel.