L’audiovisuel en bibliothèque

par Yves Desrichard
Sous la direction d’Estelle Caron et Danielle Chantereau
Paris, ABF/Images en bibliothèques, 2010, 175 p, 24 cm
Coll. Médiathèmes
978-2-900177-34-1 : 30 €

La collection « Médiathèmes » publiée par l’Association des bibliothécaires de France propose aux professionnels des présentations denses mais concises sur différents sujets liés à leurs préoccupations et au développement de leurs services. En témoignent les deux précédents titres, Outils web 2.0 en bibliothèque : manuel pratique (2008) et Handicap et bibliothèque (2009). Avec L’audiovisuel en bibliothèque, le pari était plus incertain. En effet, si le développement du numérique en bibliothèque est plus qu’avéré, si la prise en compte élargie du handicap, dans le sillage de la loi du même nom, est tout à la fois l’honneur et l’obligation des établissements, la place de l’audiovisuel en bibliothèque, qui n’a jamais été très assurée, semble plus en péril que jamais : la dématérialisation des films, la multiplication des offres, l’importance du piratage, font que « vidéothécaires » et « vidéothèques » sont plus que jamais indécis sur leur devenir.

Des éléments confortants

Pourtant, comme le rappelle Christophe Evans dans sa contribution, « Les publics de l’audiovisuel en bibliothèque : quelle demande ? », le ratio entre l’importance quantitative des fonds audiovisuels et du volume de prêts est de 1 à 4, autrement dit « les collections de vidéogrammes [représentent] 2 % du total des collections… mais 8 % du total des emprunts ». C’est dire que le film en bibliothèque est attractif, qu’il convient de le mettre en valeur par la disposition des espaces, comme le soulignent les apports complémentaires de Jean-François Jacques sur l’« intégration des collections dans un secteur spécifique, des espaces multisupports et des espaces virtuels », et de Janou Neveux, « Les espaces audiovisuels en bibliothèque ».

Si, on le voit, la fréquence des emprunts de documents audiovisuels à domicile, et le « taux de rotation » des fonds, que bien d’autres secteurs de la bibliothèque pourraient lui envier, sont des éléments confortants pour la présence des vidéothèques, un peu paradoxalement, une large part de l’ouvrage est consacrée à l’animation et à la programmation, le plus souvent dans l’enceinte de l’établissement (où les contraintes juridiques restent pour l’instant lourdes). Dominique Margot, spécialiste reconnue du sujet, avec « Construire une programmation », pose les bases et les principes « politiques » en la matière, que Laurie Araguas, de la bibliothèque municipale à vocation régionale de Toulouse, et Stéphanie Journot, du réseau des médiathèques de Strasbourg, explicitent et concrétisent en présentant les actions de leurs établissements respectifs.

On le sait, le principal obstacle à la création d’une vidéothèque est le coût d’achat des documents, qui inclut le paiement (film par film, support par support) des droits d’exploitation attachés à ce document. Avec clarté, Adrienne Cazenobe présente les droits, complexes, appliqués à l’œuvre audiovisuelle (« Droit de la propriété intellectuelle en matière audiovisuelle : les textes de base et leur application »), qui expliquent pour part les modalités d’acquisition « par intermédiaire » des supports, tant par le biais de sociétés spécialisées (ADAV, CVS) que de « prestataires » publics comme la Bibliothèque publique d’information ou le Centre national de la cinématographie et de l’image animée. Dominique Rousselet, avec une intéressante approche typologique, explicite ces diverses possibilités dans son texte sur « Les outils pour la sélection », texte complété par quelques inserts et par un point sur l’obligation des marchés par Daniel Le Goff, plus redoutable encore dans le domaine audiovisuel.

On imposera même la lecture

À ces chapitres fournis s’ajoutent ceux, indispensables, sur le traitement des documents, le dépôt légal, les supports (dans lequel l’absence, pour raisons économiques sans doute, d’illustrations, fait encore plus cruellement qu’ailleurs défaut), etc. On retiendra tout particulièrement, on imposera même la lecture de l’encadré (bien nommé) de Jean-Marie Tixier : « Encadré : coupé, caché : le cinéma (mal) formaté » qui dit tout sur la trahison vidéo de l’image filmique, dont, si on veut bien l’étendre au « cinéma en relief » qui fait (actuellement) fureur, on n’a pas fini d’entendre parler…

S’il fallait faire un seul reproche (en forme d’espoir ?) à cet ouvrage, c’est, peut-être, de ne pas suffisamment s’interroger sur la place des « bibliothèques dans le paysage audiovisuel », même si, pour autant, une part entière de l’ouvrage y est consacrée. Yves Alix y fait un bilan précis de « La place de l’image animée dans la consommation des Français » (on suppose que « culturelle » a été omis à dessein), mais Danielle Chantereau, ensuite, souligne justement que « L’image animée dans les bibliothèques » a « un positionnement imprécis », et que c’est plus vrai encore – donc – de la place des bibliothèques dans l’offre audiovisuelle en général.

Pourquoi une vidéothèque ?

Comme évoqué en prémices, des réponses argumentées à cette question semblent d’autant plus urgentes que, entre contraction des financements, qui visera sans doute et en premier lieu les services les plus « budgétivores », et offres de « vidéo à la demande », dématérialisées, individualisées, qui concurrencent directement les établissements, justifier de la création, puis du développement, et enfin même de l’existence, d’une vidéothèque supposera que ces réponses – qui existent, n’en doutons pas – soient plus que largement formalisées et publicisées.