Résidences d’écrivains (2) : les coulisses de la création

Claire Castan

Marie-Laure Guéraçague

Tel était le titre de la dernière des trois rencontres organisées par la Fill (Fédération interrégionale du livre et de la lecture) autour des résidences d’auteurs, dans le cadre du Salon du livre de Paris, le 31 mars dernier, de 16 heures à 17 heures : une trentaine de courageux avaient ainsi retardé le rangement de leurs stands afin d’y assister.

Franck Bauchard (directeur adjoint de la Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon, lieu de résidence d’écrivains), Sonia Chiambretto et Bertrand Leclair (auteurs), ainsi que Yann Dissez (responsable de la littérature et de l’action culturelle au Triangle de Rennes) ont échangé autour de leurs expériences et de leurs choix respectifs, interrogés par Marie-Madeleine Rigopoulos (journaliste, Reed Expo).

Une colonie de vacances pour auteurs ?

Les résidences d’artistes existent depuis l’Antiquité sous forme de mécénat d’abord auprès de sculpteurs ou tailleurs de pierre. De l’itinérance du troubadour au voyage en Italie, elles s’inspirent du modèle toujours vivace de la villa Médicis. Au XXe siècle, dans les années 1980 précisément, le modèle se formalise entre la Chartreuse et le Centre national du livre. Aujourd’hui, les colonies ou squats d’artistes n’en sont-ils pas une forme nouvelle ? Pouvoir se retrouver dans des lieux pour une immersion longue, ce n’est pas si fréquent…

Alors, une résidence est-elle une colonie de vacances pour auteurs ? Il n’existe pas de définition précise d’une résidence d’artiste et le concept est pour le moins ouvert et d’appellation peu contrôlée. Alors, a minima, « la résidence est la présence d’un auteur dans un temps et un lieu déterminé pour un travail de création » (proposition de Yann Dissez).

S’il y a autant de types de résidences que de lieux, tous évoquent un « autre espace-temps » pour la création, hors de la temporalité de la vie urbaine, « un petit silence par rapport à l’habituel » (Franck Bauchard).

Sonia Chiambretto, actuellement en résidence dans deux lieux différents, explique qu’elle n’écrit jamais sur un lieu de résidence : elle est avec les autres – artistes, auteurs, habitants, lycéens ou même, comme dans le cadre d’une de ses résidences, jeunes mères mineures –, « trop agitée pour écrire ». C’est pour le projet, les espoirs de rencontres et d’échanges qu’elle accepte des résidences, pour que ces personnes pénètrent son processus de travail. Pour l’argent aussi.

Néophyte des résidences, Bertrand Leclair évoque lui aussi sans tabou la question financière. Il s’agit également de sortir du quotidien, d’avoir cette reconnaissance, d’être autorisé à écrire. Pour lui, une résidence a du sens si elle est liée à un projet qui, lui-même, n’a de sens qu’en « laiss[ant] place à quelque chose d’autre ».

Une obligation d’écriture ?

Y a-t-il obligation d’écriture pour les auteurs en résidences ? L’axe majeur est le travail de création, mais peu de résidences imposent un impératif de résultat, note Yann Dissez. C’est pourquoi la rédaction d’un projet, d’un contrat avec l’auteur est importante. Chacun doit pouvoir connaître et accepter les attentes de l’autre.

Le projet est premier à la Chartreuse. Ce monument historique travaille sur les mutations de l’écriture et les écritures du spectacle en dehors de l’espace du livre. Il s’agit d’un espace d’expérimentation et de croisement entre écriture textuelle et dispositif technologique.

À la Chartreuse comme au Triangle, les résidences pluridisciplinaires sont très recherchées car elles rendent possibles des rencontres et des expérimentations polyphoniques de création.