Les cahiers du CRILJ, n° 1
Peut-on tout dire (et tout montrer) dans les livres pour enfants ?
ISSN 2104-9408 : 10 €
Pour le premier numéro de ses Cahiers, le Centre de recherche et d’information de la littérature pour la jeunesse (CRILJ), nouvellement basé à Orléans, interroge la pertinence de certains textes et de certaines images de la littérature enfantine.
La richesse de cet ouvrage réside dans la diversité de ses témoignages (articles de presse, interventions à des journées professionnelles, échanges épistolaires, déclarations et extraits d’ouvrages) recueillis de 1937 à aujourd’hui, qui reviennent sur les grandes heures du débat sur la littérature jeunesse (la loi du 16 juillet 1949, les interventions des mairies Front national dans les bibliothèques après les élections municipales de 1995) et les polémiques qui ont agité la profession (par exemple, l’émoi suscité par un article du Monde en 2007 sur l’opportunisme de la littérature ado).
La première partie est l’occasion de revenir rapidement sur les enjeux et les ambitions de la littérature enfantine. La deuxième partie offre, à travers des entrevues, le point de vue d’une quinzaine d’auteurs et d’illustrateurs sur leur rapport à la censure aujourd’hui – on regrettera la sous-représentation des éditeurs. Tous pointent du doigt la pression commerciale, qui entraîne un formatage des discours et des thématiques, ainsi que différentes formes d’autocensure.
Après cette partie très animée, l’ouvrage se clôt sur trois études qui prolongent la réflexion en s’intéressant à des notions annexes de la censure : le tabou ; le malaise suscité par la publication d’un album (à travers l’exemple de l’histoire d’un âne cherchant de l’aide pour se suicider) ; et enfin l’humour, qui pose toujours la question de sa réception, c’est-à-dire de son intelligibilité pour un enfant.
Cet ouvrage nous redit combien la censure est polymorphe, les critères moraux se déplaçant et se modifiant très vite. On ne la trouve pas toujours là où on l’attendrait. Cette lecture nous aide à rester vigilants.
Héloïse Courty