Les services de renseignement virtuel
Extension du domaine de la bibliothèque ?
Géraldine Huyghe
L’année 2009 aura été, pour les services de renseignement virtuel (SRV) français, une année charnière, avec le lancement de Rue des facs à Paris, d’Ubib en région Ouest, de Si@de, et du nouveau Bibliosésame. La journée d’étude du 11 décembre 2009 organisée par Médiadix posait, sur ces SRV, la question suivante : est-ce une extension du périmètre d’intervention des bibliothèques ? En effet, le SRV vise à attirer le public sur le site web de la bibliothèque, et a pour objectif de valoriser le savoir-faire des bibliothécaires en matière de recherche d’informations et d’optimiser l’utilisation des ressources documentaires de la bibliothèque ou du réseau d’établissements concerné.
De quelques services
En introduction de cette journée, Jean-Philippe Accart (Bibliothèque de Genève) a souligné les divers enjeux de ce type de service pour nos établissements et pour nous, professionnels des bibliothèques. Le SRV devient la vitrine de la bibliothèque, il participe à une meilleure connaissance et à la valorisation de nos ressources documentaires (collections papier et virtuelle). Il contribue à démontrer notre savoir-faire en matière de recherche et de diffusion de l’information.
Pour assurer la réussite d’un tel service, il faut développer une démarche marketing (logo, slogan…) et former une équipe de professionnels capables de répondre aux questions. Ces services sont basés sur une charte, clairement affichée sur le site et précisant notamment quels types de questions sont acceptées et quels types de réponses proposées (documents en texte intégral, références bibliographiques), dans quel délai. Généralement, ils sont ouverts à tous et gratuits. Certains services incluent en plus un service de « chat ».
Le reste de la journée aura essentiellement consisté en la présentation de services spécifiques, pour certains largement médiatisés, et dont on ne retiendra que les traits essentiels.
Bibliosésame (présenté par Nathalie Daigne) est un service créé par la Bibliothèque publique d’information (BPI) en 2000. Le réseau actuel, composé de la BPI et de 16 bibliothèques municipales, existe depuis 2006. Le principe de base est que « toute question est légitime ». En 2009, le réseau a traité 3 125 questions, et 30 % d’entre elles l’ont été par la BPI. Ce sont les catégories socioprofessionnelles et démographiques qui ont des difficultés à fréquenter physiquement la bibliothèque qui utilisent le plus ce service, et les questions posées sont de plus en plus pointues (on s’adresse au service après avoir effectué en vain d’autres recherches). Un site internet spécifique 1 vient d’être lancé. Il a été conçu de manière simple, afin de ne pas décourager l’utilisateur : on pose sa question, puis on remplit un formulaire d’identification.
Sindbad 2 (présenté par Isabelle Copin), service d’information des bibliothécaires à distance, a vu le jour en 2005. Il est issu de la volonté d’harmoniser les différentes pratiques en la matière qui existaient déjà à la Bibliothèque nationale de France (BnF). Du fait du rôle spécifique de la BnF, une grande majorité des questions sont d’ordre documentaire. Deux tiers d’entre elles sont posées par des chercheurs, 20 à 40 % des questions viennent de l’étranger. Le fonctionnement interne est basé sur une coordination générale, puis sur deux coordinateurs dans chaque département (14 au total). Leur rôle est de s’assurer que le délai de réponse est respecté, et que le contenu des réponses est conforme aux règles fixées en interne. Une partie de ces questions et réponses est versée dans une base de connaissances (qui sera mise en place début 2010).
Par ailleurs, la BnF est à l’origine du réseau francophone SI@DE (services d’information @ la demande), créé en 2009 : attribution d’un label, signature de l’engagement du respect d’une charte commune. Ce réseau compte actuellement 14 adhérents, bibliothèques ou réseau de bibliothèques déjà participantes à Bibliosésame qui représentent 30 établissements. Le but est aussi de transférer les questions arrivant chez les différents membres du réseau vers d’autres partenaires en fonction des domaines d’excellence de chaque bibliothèque, afin d’améliorer la qualité de la réponse apportée.
Le service Questions ? Réponses ! 3 (présenté par Pierre Moison), de l’École nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques (Enssib), qui a ouvert en octobre 2007, est administré par 11 professionnels, et porte sur les thématiques suivantes : bibliothéconomie, droit appliqué aux bibliothèques, sciences de l’information et informatique documentaire, bibliothèques et environnement, métiers, collections. Environ 60 questions sont traitées par mois, qui représentent une moyenne d’une heure et demie de travail par question. Une relecture de chaque réponse est effectuée par le chef de groupe avant envoi. Ces réponses sont versées dans une base de connaissance locale ; elles servent aussi à la rédaction de fiches pratiques qui alimentent la bibliothèque numérique de l’Enssib 4. Les objectifs de ce service sont d’améliorer la collaboration avec les professionnels de l’École et des partenaires extérieurs, experts dans leur domaine, afin de mieux répondre aux attentes du public pour les questions très spécialisées ; et de proposer un accès à la base de connaissance via une recherche fédérée.
Rue des facs 5 (présenté par François Michaud et Jean Bouyssou) est un réseau collaboratif universitaire parisien composé de 29 établissements. Il a ouvert en janvier 2009. À ce jour, 1 398 questions ont été traitées, une majorité d’entre elles d’ordre documentaire. Le système repose sur des « bibliothèques virtuelles » (« pétales » selon la terminologie du logiciel utilisé, Question Point) qui regroupent des bibliothécaires spécialistes dans une discipline donnée, quel que soit leur établissement d’origine. Chaque pétale est coordonné par un administrateur qui s’assure que chaque question a été traitée, et ce, dans le respect des délais annoncés (72 heures).
Dernière à présenter son SRV, la bibliothèque municipale de Lyon (BML), a été pionnière en la matière, en lançant son service de renseignement virtuel en 2004, sous le nom de Guichet du Savoir 6 (présenté par Bertrand Calenge). Depuis l’origine, 28 817 questions ont été traitées (environ 500 questions par mois). Le service est basé sur quelques principes : toute question est légitime ; la réponse, apportée sous 72 heures maximum, est précise (ce n’est pas une orientation), et elle alimente une base de connaissances. Les utilisateurs de ce service sont majoritairement issus de la catégorie socioprofessionnelle « active » (à 65 %) ; il est à noter que seulement 20 % d’entre eux sont lyonnais. En parallèle, la BML a créé Catalog+, métacatalogue dans lequel les requêtes se font en langage naturel. Les résultats obtenus sont classés par ordre de pertinence, et sont issus de différentes sources de la bibliothèque : notices du catalogue, liens vers des questions-réponses du Guichet du Savoir, notices d’images numérisées.
Une vraie valeur ajoutée
Les services de renseignement virtuel constituent une vraie valeur ajoutée aux fonctions traditionnelles de nos établissements : attirer de nouveaux usagers à la bibliothèque, prendre en compte les nouvelles pratiques, valoriser nos collections et contribuer à la formation continue des personnels répondants et à l’approfondissement de leurs connaissances.
Est-il temps de mener une réflexion sur le moyen de fédérer les différents SRV, aussi bien au niveau des bibliothèques municipales, BPI, BnF, que des bibliothèques universitaires ? Un travail commence à être mené dans ce sens, avec la volonté des différents réseaux existants de s’ouvrir à d’autres établissements.