Émergence de la littérature d'enfance et de jeunesse au Burkina Faso
État des lieux, dynamique et avenir
Paris, L’Harmattan, 2009, 219 p., 22 cm
Coll. Références critiques en littératures d’enfance et de jeunesse
ISBN 978-2-296-10018-3 : 21 €
Depuis quelques années, la littérature africaine de jeunesse est enfin étudiée dans des ouvrages faisant état des recherches universitaires 1. C’est également le cas, depuis 1989, dans chaque numéro de la revue Takam Tikou 2. Mais ce livre d’Alain Joseph Sissao est le premier, à notre connaissance, consacré à la littérature de jeunesse d’un pays d’Afrique francophone. C’est donc un événement. C’est en soi une reconnaissance de l’importance et de la stature de cette littérature pour un pays.
M. Sissao, auteur de plusieurs ouvrages sur la littérature orale du Burkina, a coordonné les recherches d’une équipe pluridisciplinaire – littérature, linguistique, anthropologie, édition – composée de chercheurs de ce pays et d’un chercheur au CNRS en France 3, et dirigé l’ouvrage. Son intention : faire connaître les richesses de cette littérature naissante, notamment auprès des enseignants, afin qu’ils puissent les exploiter, à tous les niveaux de l’enseignement. Car la littérature burkinabé de jeunesse est totalement absente dans les programmes du pays.
Quelle littérature est étudiée ? La littérature en français – pas celle en langues nationales ou en d’autres langues –, tant orale qu’écrite : l’ouvrage prenant tout naturellement en compte ces deux « versants ».
Publications entre 1976 et 2004
La première partie dresse un état des lieux, avec un recensement, précieux, des titres qui, à partir de 1976, ont été publiés par des auteurs burkinabé à l’étranger et au pays, ainsi que ceux publiés sur le Burkina en France. Ce sont 155 titres – jusqu’en 2004, date de l’arrêt de la recherche – classés par genre, les contes et légendes étant les plus nombreux (la grande majorité de ces livres ainsi que ceux parus depuis, sont consultables à la BnF, CNLJ – La Joie par les livres, où M. Sissao a mené des recherches). L’auteur regrette l’insuffisance de la production, les défauts fréquents d’édition, et surtout le manque de vulgarisation : au Burkina, le taux de scolarisation augmente, mais ces livres n’atteignent pas les jeunes. L’adoption d’une politique nationale du livre est attendue. Un deuxième texte analyse les ouvrages disponibles en librairie et constate que si l’offre existe bel et bien, il n’existe pas de véritable travail professionnel d’édition ni de maison d’édition pérenne.
Les contes et les romans
La deuxième partie étudie la littérature orale : avec la présence durable du conte dans les programmes de la télévision et de la radio nationales (en langues nationales à la radio rurale) et au théâtre, ce qui permet de préserver ce précieux outil d’éducation ; les sens profonds d’un conte bobo, révélés par son étude ethnolinguistique ; la relation entre l’enfant et le conte en milieu dioula (« le conte dioula est un centre de formation continue, un espace de veille de la société ») ; le conte comme enseignement à de très divers titres ; la question du passage ou non de la charge éducative d’un conte quand il est traduit ; enfin, les rapports entre la version orale d’un conte au village, la version radio, la version télévisuelle et la version écrite.
La troisième partie, « Le roman et l’enfance », nous laisse, comme l’ouvrage en général d’ailleurs, sur notre faim d’en savoir plus sur les écrits burkinabé pour enfants. Les deux textes de cette partie nous éclairent bien sur les rapports entre enfants et adultes et sur le statut de la jeune fille au Burkina, mais ils le font à partir de l’étude de romans qui, s’ils peuvent être lus par des adolescents, n’ont pas été publiés pour la jeunesse. Pourquoi ne pas avoir analysé des récits pour enfants, comme Tiiga, Je veux la lune, Hôtes de marque, Histoire de Pendo… ?
Enfin, une interview d’Ansomwin Ignace Hien, auteur de nombreux livres pour enfants, met en évidence les difficultés de l’édition dans son pays : dépendance de l’aide financière, coût élevé de la quadrichromie, exiguïté des ventes, diffusion et distribution très déficientes, peu de contact entre les maillons de la chaîne du livre…
La situation n’a pas beaucoup changé depuis 2004. Si la Foire internationale du livre de Ouagadougou (Filo) se tient tous les ans et donne une visibilité aux ouvrages pour jeunes, malgré les difficultés du pays, la politique nationale du livre que M. Sissao attendait en 2004 n’est toujours pas en vigueur. Mais elle devrait être, semble-t-il, bientôt finalisée et mise en place. Les jeunes lecteurs, en tout cas, en ont bien besoin.