Recherche/archives : numériser les images et après ?
Archimages 2009
Cécile Kattnig
La 8e édition d’Archimages sur les archives de cinéma et d’audiovisuel, organisée les 18, 19 et 20 novembre 2009 par quatre partenaires 1, sous l’égide scientifique de Marc Vernet, a rassemblé 300 chercheurs et professionnels, avec une forte présence d’étudiants 2. Le propos de ces rencontres était d’aborder, à travers des exposés théoriques et des retours d’expérience, le statut de l’audiovisuel numérique dans la recherche expérimentale et universitaire, et l’état d’avancement des programmes de recherche des organismes d’archives financés majoritairement par la Commission européenne. En introduction au colloque, la parole a été donnée à un sociologue et un archéologue. Tout d’abord, Patrice Flichy, professeur à l’université Paris Est, a brossé le profil de « l’amateur » et du « fan », décrivant les diverses pratiques sur les plates-formes de partage (MySpace, Flickr, etc.) et l’apparition d’une porosité des frontières entre ces deux mondes, de même que celle « du spectacle et de la vie ». Ensuite, Laurent Olivier, du Musée des Antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye, a exposé son principe de l’« archive archéologique 3 », c’est-à-dire la nécessaire conservation des vestiges du passé, par l’accumulation et le respect des « traces » fortes de l’histoire des lieux et des objets, et ce, sans intervention de restauration 4 !
Indexation de masse et nouveaux outils de représentation
Comment traiter et intégrer les contenus des grandes masses de matériel numérique dans les collections ? Trois présentations de réalisations ont illustré pour partie les principes théoriques exposés par Emmanuelle Bermès, de la Bibliothèque nationale de France (BnF), et Bruno Bachimont, de l’Institut national de l’audiovisuel (INA), sur la segmentation des documents numériques. Emmanuelle Bermès a mis l’accent sur les méthodes de reconstitution de la « notion d’ensemble » par la production de moteurs de recherche, la valorisation par des parcours recommandés et la création de métadonnées. « L’enjeu est d’avoir des usages inattendus et de permettre une reconstruction d’ensembles par les chercheurs eux-mêmes », ce que Bruno Bachimont confirma : « L’audiovisuel est un tout temporel déconstruit par le numérique. Le récit se reconstruit à partir de fragments transformés », en rappelant la nécessité de référentiels communs pour relier les fragments 5.
L’INA a présenté ses prototypes d’analyse et de visualisation. Les démonstrations faites ont porté sur trois aspects : le player avancé de journaux télévisés, qui permet l’identification d’informations structurantes telles que présentateur, cartes, objets, données chiffrées ; le moteur de recherche multimédia européen pour la recherche de logo 6, et l’assistance à la classification d’images permettant leur structuration et leur annotation.
Le Deutsches Filminstitut a fait le point sur le projet European Film Gateway (EFG) 7, portail européen dédié aux archives cinématographiques et audiovisuelles, dont l’objectif est de faire aboutir, d’ici 2011, l’interopérabilité des collections aux niveaux technique, syntaxique et sémantique. À ce jour, 21 partenaires issus de 15 pays européens y participent.
Le projet Navidomass (NAVigation into DOcuments MASSes) 8, qui fait suite au projet Madonne initié en 2003, présentait un prototype de plate-forme unique de recherche de représentation iconographique permettant la navigation dans des masses d’images de documents contenant tout élément graphique (texte, lettrines, graphiques, schémas).
Archives et recherche
La présentation des projets dans le domaine des bibliothèques numériques 9 a précisé les axes majeurs de l’Union européenne dans ce domaine : cadre juridique, recherche et développement et exploitation de nouveaux systèmes d’information.
Des exposés qui suivirent, retenons deux expériences : le prototype de DAM (Digital Assentiment Media) issu du projet Ed-Ciné 10 sur la gestion modulaire de collections numériques, et la réalisation de la banque de données sur la censure cinématographique en Italie à l’initiative de la Cinémathèque de Bologne, prémisse possible à un projet européen 11.
Plusieurs témoignages illustrèrent la réalité des « alliances » du monde de la recherche et du monde des archives, comme l’exposé sur l’étude du film inachevé d’André Sauvage, Pivoine, ou les actions d’ouverture aux collections et de partenariats de plusieurs institutions 12.
Le statut de l’image en archive et ses usages
André Gunthert 13, de l’École des hautes études en sciences sociales, insista sur l’effet principal de la transition technologique de l’image numérique, à savoir le « passage au lecteur comme intermédiaire d’accès aux images… lecteur exportable via les plates-formes des contenus ». Il constate l’apparition d’une nouvelle histoire visuelle, plus vernaculaire. François Jost 14, de l’université Paris 3, note quant à lui une évolution des sujets de recherche depuis la création de l’Inathèque en 1995.