Lettres à mon libraire

Préface de François Busnel
Rodez : Rouergue, 2009, 112 p., 20 cm
ISBN 978-2-8126-0078-4 : 6 €

Ce recueil de textes d’écrivains contemporains vivants ressort de la relation habituelle, amicale, presque évidente qu’entretiennent les auteurs (de littérature) avec leurs libraires (indépendants).

Comme c’est souvent le cas, ce genre d’exercice, sorte de panégyrique, se doit d’être à la fois original, écrit et convaincant. Il faut bien avouer que les trois conditions sont rarement réunies, et ce recueil n’échappe pas à la difficulté de la chose. Quand les textes sont originaux, ils sont parfois mal écrits, quand ils sont assez bien écrits, ils sont peu originaux. Nous ne pouvons que nous ranger à la déclaration liminaire du romancier DOA : « Que dire ? Par où commencer lorsque l’originalité d’un tel exercice ne peut que se diluer dans la multiplication de témoignages de reconnaissance, réels ou feints ? »

Au chapitre de ces propos un peu convenus, Éric-Emmanuel Schmitt : « Pour moi, la librairie, c’est comme l’escalier qui mène à un rendez-vous amoureux au dernier étage : le lieu où le désir monte… », ou encore Mazarine Pingeot : « J’ai passé ma vie, ma jeunesse, dans les librairies. À l’époque, c’était dans le Quartier latin, aux PUF surtout pour les ouvrages spécialisés […], ou chez Vrin. » Claudie Gallay : « Amis Libraires, Vous avez porté mes Déferlantes, vous les avez soutenues, transmises. » (Et voilà qui ressemble à une sorte d’ode à soi-même.) Propos qu’il ne faut pas confondre avec la fausse promotion de Jean-Bernard Pouy, du meilleur style de Jean-Bernard Pouy : « … tu as disposé, sur tes étagères plus mentales qu’ikéastes, La Récup’, un roman issu dernièrement de la viande verte de mon cerveau.

Libraire, Tu Es Un Brave ! »

La palme revient bien sûr à Richard Morgiève, à qui nous décernons tout de go notre prix Nobel de littérature : « … Pendant que je choisissais, j’écoutais la libraire chuchoter avec ses copines, elles avaient toutes des permanentes entre le violet et le blond. La libraire avait adopté un fils, elle avait en plus un chien de son mari. Le fils n’avait pas de sexe, patiemment, on lui en a fait un, c’était une performance dans les années 1960… » ; et tout à l’avenant. On a envie que ça continue des pages et des pages ; hélas, hélas, ça s’arrête, on ne sait rien et on sait tout : qu’il lisait (comme nous) Mon amie Flicka.

Au fond, les compliments aux libraires sont des compliments que les auteurs s’adressent à eux-mêmes, avec plus ou moins de cuistrerie, plus ou moins de talent, le talent, bien sûr, rachète tout.

Thierry Ermakoff