« Navigare nei mari dell’umano sapere »
Biblioteche e circolazione libraria nel Trentino e nell’Italia del XVIII secolo. Atti del convegno di studio (Rovereto, 25-27 ottobre 2007)
Coll. Biblioteche e bibliotecari del Trentino, 6
ISBN 978-8-8770-2228-8
A cura di Giancarlo Petrella
Lancée en 2004, la collection « Biblioteche e bibliotecari del Trentino » propose dans son numéro le plus récent les actes d’un colloque ayant réuni vingt-cinq participants parmi les meilleurs spécialistes de l’histoire du livre et des bibliothèques, chercheurs et bibliothécaires : Edoardo Barbieri, Jean-François Gilmont, Mario Infelise, Ugo Rozzo, Marino Zorzi pour n’en citer que quelques-uns.
La circulation du savoir
L’objectif de ce colloque était de donner un tableau le plus ample possible du sujet retenu, mais aussi de présenter l’effort de valorisation des collections du XVIIIe siècle des bibliothèques publiques mené par la Province autonome de Trente. Si le sujet central du colloque était bien celui du développement des bibliothèques publiques et privées à cette période, le colloque a couvert des sujets connexes : l’histoire du livre et de sa circulation, l’histoire de la lecture, l’histoire et l’organisation des bibliothèques privées et publiques, et enfin la gestion et la description aujourd’hui des bibliothèques et la reconstitution de bibliothèques disparues. Un des axes récurrents de ces communications était la circulation du savoir, y compris à travers les correspondances et les revues savantes. Les interventions n’étaient pas toutes consacrées à la région trentine, mais ont porté aussi sur Gênes, Florence, Milan, Venise, Rome…
En introduction, les contributions de E. Barbieri et M. Infelise présentent deux études historiographiques qui permettent de mieux saisir les avancées de ce volume ; la seconde montre en particulier l’apport des travaux bibliographiques pour la recherche et les enquêtes nouvelles que permet le très récent répertoire des livres édités à Trente et Rovereto au XVIIIe siècle : ESTeR 1. Les études sur l’édition génoise (Alberto Petrucciani) et padovane (Marco Callegari) offrent des possibilités de comparaison entre régions administrativement, économiquement et culturellement diverses.
L’histoire des bibliothèques
Un deuxième volet du livre concerne l’histoire des bibliothèques de la région pendant la même période. De nombreuses bibliothèques publiques ont été créées en Italie au XVIIIe siècle. Les communications mettent l’accent sur plusieurs types d’institutions dans diverses régions d’Italie, évitant encore une fois le risque de ne centrer la réflexion que sur la région de Trente et Rovereto : des bibliothèques isolées, celle du collège jésuite de Trente – étudiée récemment dans la même collection (Claudio Fedele) 2 –, la bibliothèque Queriniana de Brescia, conçue à partir de 1745 par son fondateur comme une bibliothèque publique, une « seconde Vaticane » (Ennio Ferraglio) ; des groupes de bibliothèques, celles du Frioul – prises dans leur ensemble comme un système – (Ugo Rozzo), et les petites bibliothèques de la Val Lagarina (Liliana De Venuto, qui s’arrête aussi sur les libraires qui fournissaient les bibliothèques) ; enfin, deux des plus importantes bibliothèques de l’époque : la biblioteca Braidense de Milan (Laura Zumkeller), dont l’ouverture fut longuement organisée par l’administration autrichienne, en même temps qu’était réorganisée l’éducation des élites ; et la biblioteca Marucelliana, récemment étudiée par ailleurs par Emmanuelle Chapron 3, dont Rossano De Laurentiis présente l’index alphabétique, le Mare magnum. Marino Zorzi propose pour sa part un tableau flamboyant des collections privées vénitiennes du XVIIIe siècle, auxquelles les occupations françaises et autrichiennes à la fin du siècle ont porté un coup fatal. S’y ajoutent l’étude plus détaillée de certaines bibliothèques privées : celle de Francesco Brunati, né à Rovereto mais installé à Rome de 1746 à 1806 (Stefano Ferrari), et celle de Giovanni Pietro Muratori à Cavalese (Rodolfo Taiani).
La circulation des livres
Le troisième axe d’étude de l’ouvrage réunit des communications ayant trait à la réception de l’écrit (lecture, traduction…), étudiée à partir de plusieurs types de sources. Comme M. Infelise au début du volume, J.-F. Gilmont introduit cette partie par un chapitre historiographique appuyé sur la familiarité de l’auteur avec le livre imprimé, en s’interrogeant pour savoir si le XVIIIe siècle a connu une révolution de la lecture, comme le pensait Rolf Engelsing en 1969. La réponse est bien entendu mesurée : il s’agit plus d’une évolution que d’une révolution, surtout si on la replace dans la longue durée. L’histoire de la lecture et de la réception des textes étrangers est étudiée sous l’angle de la traduction (traductions italiennes du Mercure historique et politique, Rudj Gorian) et de la circulation des livres, qui donne lieu à des communications portant sur des espaces géographiques citadins, régionaux et même internationaux. L’étude de la production et de la circulation des livres de théâtre à Milan a donné lieu à un dictionnaire biobibliographique des libraires et imprimeurs, publié en 2007 à Milan, où l’histoire du théâtre a conquis sa place à l’université depuis de nombreuses années (Stefano Locatelli). La circulation des livres entre Venise, Rovereto et l’Allemagne est étudiée à travers la correspondance d’un marchand germano-vénitien, Amadeo Svajer, avec un abbé de Rovereto, Girolamo Tartarotti, possesseur comme lui d’une riche bibliothèque (Gian Paolo Romagnani), et Giuseppe Valeriano Vannetti (Giorgia Filigrana) : échanges de vues sur la constitution d’une bibliothèque et la participation à l’édition de livres érudits, transmissions d’informations sur les nouvelles parutions. L’activité des érudits de l’époque dans le domaine de la bibliographie nous est aussi présentée à travers le livre de Jacopo Tartarotti, La biblioteca Tirolese (133), resté inédit mais s’insérant dans un vaste mouvement de publications rappelé ici (Luca Rivali).
Enfin, un exemple de circulation des livres italiens loin de la péninsule nous est donné par la bibliothèque d’une propriété de l’empire russe, Monrepos, aujourd’hui conservée à la bibliothèque universitaire d’Helsinki (Alberto Cadioli, fortement inspiré du travail de Sirkka Havu).
La question de la valorisation de ces collections à l’époque contemporaine est traitée à travers l’histoire de la bibliothèque de Girolamo Tartarotti, aujourd’hui conservée à la bibliothèque municipale de Rovereto : au catalogage s’ajoute la reconstruction matérielle et virtuelle de la collection (Walter Manica), ainsi que son étude (Rinaldo Filosi).
Francesco Ascoli propose un article étranger au thème du colloque, qu’il consacre au contenu et à la fortune éditoriale des Elementi della calligrafia de l’abbé Soave, de même que David Shaw, dont la présentation du Consortium of European Libraries est placée entre la production du livre à Padoue et la bibliothèque jésuite de Trente, selon un plan général de l’ouvrage déroutant à plusieurs titres, qui n’a pas été suivi ici.
Ce volume rend compte d’un colloque qui a apporté beaucoup à notre connaissance des bibliothèques et de la circulation des savoirs au XVIIIe siècle ; au-delà d’un foisonnement apparemment excessif, il a l’intérêt d’aborder la question du livre imprimé, de son usage et de son histoire par de multiples facettes. Les articles sont riches et bien documentés, s’appuyant parfois sur de longues recherches ; de jeunes chercheurs sont venus présenter le résultat de travaux nouveaux menés dans des thèses de laurea ou de doctorat. On peut saluer les efforts menés par la région autonome de Trente pour l’organisation de rencontres et l’édition de monographies sur des bibliothèques et des bibliothécaires de la région.